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Les 20 ans du prix HSBC pour la photographie : Jean-François Campos, lauréat 1997

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Pour cette deuxième édition du Prix HSBC pour la photographie (prix de la fondation CCF pour la photographie), en 1997, c’est au tour de François Hébel, alors directeur de l’agence Magnum, d’endosser le rôle de conseiller artistique. Les deux lauréats qui succèderont à Eric Prinvault et Henry Ray sont les photographes français Bertrand Desprez et Jean-François Campos. Aujourd’hui, retour sur Jean-François Campos et son travail primé intitulé Après la pluie…, l’occasion pour nous de l’interroger sur cette expérience et sur ce qui en a découlé depuis.

Dans le cadre de la rétrospective des 20 ans du prix HSBC pour la photographie, L’Œil de la Photographie vous présente chaque semaine 2 épisodes et vous fait ainsi découvrir ce que sont devenus les lauréats qui ont écrit l’histoire de ce prix.

L’Œil de la Photographie : Le prix HSBC pour la photographie fête ses 20 ans. Il est remis chaque année à deux artistes pour les aider à développer un projet qui fait ensuite l’objet d’une exposition et d’une monographie, souvent la première. Comment avez-vous vécu cette expérience ?
Jean-François Campos : Comme un cadeau, immense, vraiment. Il y avait d’abord la gentillesse de Chantal Nedjib et de Christine Raoult. Et puis inévitablement, il y eu le livre, les expositions. C’était une année magnifique. Elle n’est pas si loin, et pourtant elle l’est tellement, quelque part… La photographie n’était pas encore aussi à la mode à cette époque. Les galeries commençaient à vendre, mais ça n’était pas le phénomène actuel.
Voir mes photos chez Beaudoin Lebon c’était gratifiant, comme c’était gratifiant de parler, soudain, de ces images avec des gens autres que les gens du journal, ou de VU’, des gens qui n’étaient pas dans le métier de la photographie. Il y avait une forme d’intimité à pratiquer le métier de photographe qui, quelque part, a disparu, je pense avec les réseaux sociaux et avec le digital. La photographie était quelque chose d’artisanal, et les photographes, quel que soit leur terrain d’action, des artisans.
Remporter HSBC, c’était vraiment nous retrouver dans une position où nos photographies étaient diffusées d’une façon inhabituelle, et faire des rencontres autour de nos photographies.

LODLP : Pouvez-vous nous parler du projet qui a été récompensé ? Le prix a-t-il eu une influence sur votre création depuis ?
J.-F. C. : Entre 1991 et 1997, j’ai collaboré de façon quasi quotidienne au journal Libération. Être photographe à Libération, c’était une liberté de ton immense. Le journal n’attendait pas de moi que je ramène la photo de la poignée de main ou de ce qui se passait vraiment, les “photographes d’agence” étaient là pour ça. Mon rôle était plus proche de celui de l’éditorialiste. Regarder, et commenter. Durant cette période exaltante, je photographiais, voyais mes photos publiées dans le journal le lendemain, et la plupart du temps j’étais déjà passé à autre chose. Je n’ai jamais vraiment regardé mes planches contacts pendant toute cette collaboration. Je passais mon temps à photographier. Les éditeurs s’occupaient de l’editing, puis les planches contacts et les films partaient aux archives. Je me souviens lorsqu’il a fallu “faire” le livre des heures passées à éditer des milliers et millers d’images… C’était une sorte de travelling sur près de sept ans.  Je n’imaginais pas les conséquences que cela aurait sur ma carrière, sur mon travail de photographe.

LODLP : Outre la publication d’une première monographie, quel impact le prix a-t-il eu sur votre carrière ? Aujourd’hui encore, quels sont vos rapports avec HSBC ?
J.-F. C. : Je crois qu’il a fallu un an, ou un peu plus, pour que je tourne une page, celle de la photographie documentaire. Apres la pluie était une conclusion, en quelque sorte. Inattendue, involontaire, et heureuse. La conclusion des années Libé. Des années formidables, exaltantes, dont je garde une incroyable souvenir.

Un matin j’ai pris une chambre grand format, je suis parti sur la route et j’ai parcouru les paysages de mon enfance. J’avais besoin de redémarrer, de repartir à zero, sans vraiment savoir ni pourquoi ni vers quoi ça me mènerait. Un jour, je me souviens, j’ai répondu, suite à la publication d’Après la pluie, à une interview de Brigitte Ollier qui me demandait ce que j’envisageais après ce livre. J’avais répondu quelque chose du genre : « J’aimerais m’enfermer dans une salle blanche, et être capable, en partant de rien, de créer quelque chose de beau. » Je ne sais plus si j’avais dit « de beau » , peut être je le rajoute aujourd’hui parce que cela prend après coup tout son sens. Mais « créer a partir de rien dans une salle blanche », ça je m’en suis toujours souvenu, c’était précisément ma réponse.
Aujourd’hui, c’est souvent ce que je fais : entrer dans studio vide et blanc le matin pour concevoir des images, pour parler de la beauté, souvent en regardant une femme, pour essayer de la raconter avec mon appareil de photographie. Après la pluie a été l’instant de la conclusion de mon travail de photographe journaliste, une forme de catharsis.  C’est paradoxal, la publication d’une monographie de photojournaliste qui amène à la photographie de mode, à la recherche de la beauté.
J’ai souvent essayé de comprendre ce qui s’est passé à la lecture des ces planches contacts, à la réalisation d’Après la pluie. Souvent essayé de savoir pourquoi je ne décrochais plus mon téléphone pour répondre aux commandes de l’un ou de l’autre, pourquoi le photojournalisme m’avait quitté. Et puis un jour, ça n’a plus vraiment eu d’importance, j’ai rangé les planches contacts, tourné une page, et plié en quatre précieusement mes souvenirs pour les conserver au cœur du livre et dans des cartons. J’ai continué à faire des photographies, passionnément. Et ça n’est que bien plus tard, des années et des années après, que j’ai ouvert ce livre, pour réaliser que j’aimais toujours autant cet instant si magique et émouvant : Après la pluie.

 

LIVRE
Après la pluie…
Monographie Jean-François Campos
Editions Actes Sud
ISBN : 2-7427-1418-9

www.jeanfrançoiscampos.com
http://prixhsbc.evenium.com

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