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20 ans du Prix HSBC pour la Photographie : Alinka Echeverria, lauréate 2011

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Agnès Sire, directrice et commissaire d’exposition à la Fondation Henri-Cartier Bresson, est nommée en 2011 conseiller artistique du Prix HSBC pour la Photographie. Cette édition sera résolument internationale, puisque les deux lauréats sont Alinka Echeverria, artiste britannico-mexicaine et Zhang Xiao, photographe chinois. A l’occasion de ce fil rouge hebdomadaire, nous avons interrogé les deux gagnants du prix pour partager leur expérience de leur nomination. Rencontre avec Alinka Echeverria.

 

L’Œil de la Photographie : Le prix HSBC pour la Photographie fête ses 20 ans. Il est remis chaque année à deux artistes pour les aider à développer un projet et fait l’objet d’une exposition et d’une monographie, souvent la première. Comment avez-vous vécu cette expérience?
Alinka Echeverria :
À l’époque j’étais étudiant et je participais à un échange à l’Ecole Supérieure de la Photographie à Arles et l’un de mes professeurs a suggéré que je participe au projet. J’ai atterri dans la photographie par le biais de mon travail sur le développement en tant qu’anthropologue et j’étais profondément intéressé par travail documentaire. The Road to Tepeyac, avec lequel j’ai gagné le Prix HSBC, a été le premier travail à briser les paramètres de ce genre en décontextualisant la personne photographiée pendant la post-production.

D’un certain point de vue, cela s’éloignait de la structure de l’essai photographique lyrique et narratif que nous avions réalisé au cours du programme documentaire au Centre International de Photographie. J’avais déjà photographié le pèlerinage sur deux ans mais je me demandais comment donner vie à l’exposition immersive que j’avais conceptualisée. J’ai été extrêmement surpris de gagner mais ça a prouvé que briser les frontières apprises et suivre mon intuition étaient très importants. En particulier, ça a été très intéressant de montrer le travail à différents endroits sur un période d’un an et de voir que le public français y répondait de manière si positive. Je pense que les images du Mexique créent de la résonnance en France, et ce de manière très profonde.

LODLP : Pouvez vous nous parler du projet que vous avez présenté? Quel impact le prix a-t-il eu sur votre vie artistique ?
A. E. :
The Road to Tepeyac (2010) a été réalisé sur une période de deux ans. Le projet a débuté au cours d’une visite à la Basilica de Guadalupe à Mexico durant l’anniversaire de l’apparition de la Vierge. Environ 8 millions de pèlerins visitent le site sur 4 jours. Selon l’histoire de l’apparition, la Vierge est apparue cinq fois à l’indigène Juan Diego en 1531 sur l’ancien site de la déesse aztèque Tonantzin. Comme son témoignage ne fut pas suffisant pour convaincre les prêtres qu’elle lui était apparue, la Vierge lui dit ramasser les roses de la colline et de les amener à l’évêque. Il ramassa les roses, les mit dans sa tunique et lorsqu’il défit le vêtement pour montrer les roses à l’évêque, l’image de la Vierge s’était imprimée sur le tissu. L’image miraculeuse originale est supposée être celle suspendue dans ma Basilica. J’étais stupéfait du nombre apparemment infini de représentations de la Vierge que les dévots portaient. J’ai été élevé dans un foyer laïc, ça m ‘a donc conduit à questionner la relation entre l’image et la croyance – pourquoi l’avoir ? Pourquoi la porter pendant dix jours vers le site original ? Pourquoi la décorer ? J’ai trouvé le simple fait de porter une reproduction de l’image sacrée si riche en questions que j’ai décidé de me concentrer sur cela en photographiant le dos des pèlerins qui portaient des images de la Vierge. La décontextualisation a pour but de retirer la pollution visuelle et permettre la réintégration des trois cents images de la série dans une installation immersive.

La série est maintenant accompagnée d’une vidéo des visiteurs de la Basilica de Guadalupe regardant l’image sacrée. C’est une boucle de 11 minutes en cadrage fixe. Cela complète ‘The Road to Tepeyac’ mais c’est drastiquement différent car on ne voit pas l’image mais on assiste à l’acte de contemplation. Mon intérêt pour la relation philosophique, sociologique et socio-culturelle entre l’image et la croyance m’a conduit au projet sur lequel je travaille actuellement qui explore l’aveuglement réel et métaphorique. Je m’intéresse à la manière dont les signifiants culturels qui façonnent et construisent notre monde sont encodés dans notre langue et notre histoire, et à la manière dont cela est basé sur notre évolution en tant qu’êtres visuels.

LODLP : Comment HSBC vous a-t-elle accompagnée tout au long de cette aventure? et aujourd’hui, quels sont vos rapports ?
A. K. : HSBC m’a beaucoup soutenu et a vraiment écouté la vision que j’avais pour cette vaste typologie. Nous avons trouvé une solution pour en montrer beaucoup dans le catalogue qui était censé faire écho à l’installation immersive que j’avais conceptualisée. J’ai eu la chance de pouvoir travailler en étroite collaboration avec Christian Caujolle et Agnes Sire, tous les deux des professionnels de la photographie que j’admire beaucoup. Nous avons une relation positive dans laquelle nous nous soutenons énormément, ils semblent très intéressés par le fait de voir comment la carrière de leurs lauréats se développe après le prix et ils font beaucoup d’efforts pour garde le contact.
 

« Chaque année, six millions de pèlerins cheminent vers la basilique de la Guadalupe près de Mexico. Construite au XVIIe siècle sur les ruines du temple de Tepeyac, ancien lieu sacré de la déesse aztèque Tonantzin, cette église symbolise le passage des anciennes civilisations vers la colonisation espagnole. La vierge y fit plusieurs apparitions et son image est devenue extrêmement importante pour les mexicains. Lors de ce pèlerinage, les fidèles décrochent la représentation de cette vierge qu’ils ont chez eux, quelque soit le support, statue, peinture, tapisserie et la transportent sur le lieu saint pour qu’elle y soit bénie.

L’approche de Alinka Echeverria, jeune artiste mexicaine en résidence à l’Ecole d’Arles cette année, est exemplaire : tous les personnages (300) ont été photographiés cheminant avec leur trophée, puis détourés pour que ne reste qu’une silhouette de dos avec son précieux fardeau. Santons sans visages, mannequins occasionnels ou simples voyageurs porteurs d’un vaste écusson ? Nul ne sait s’il n’est informé, car la décontextualisation voulue par l’auteur permet de s’attacher aux attitudes individuelles, à ces corps porteurs non pas d’une pénible et lourde croix mais d’une vierge vénérée. L’accumulation des personnages, la beauté et l’étrangeté de leur harnachement, constitue une série exceptionnelle qui permet de visualiser la démesure de cette croyance, la beauté du geste et sans doute la métaphore du surréalisme mexicain. »

Textes d’Agnès Sire, Conseiller Artistique 2011

LIVRE
Sur le chemin de Tepeyac
Alinka Echeverria
Actes Sud / HSBC

Français
22,0 x 28,0 / 104 pages
ISBN 978-2-7427-9761-5
25,40€
http://prixhsbc.evenium.com
http://www.actes-sud.fr
http://www.alinkaecheverria.com

 

 

 

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