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Entretien avec Henri Pigeat : L’émergence de la photographie comme média 1/3

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Florent Forestier, Docteur en philosophie, a rencontré l’ancien patron de L’AFP (Agence Française de Presse) et Président du Conseil d’administration du CFJ (Centre de formation des journaliste), Henri Pigeat. Interview que L’Œil de la Photographie publiera en 3 parties.

Florent Forestier : Peut-on replacer dans le temps long l’utilisation actuelle des images dans les médias ?

Henri Pigeat : Nous assistons actuellement à une revanche de l’image d’actualité après qu’elle a été reléguée à un relatif second plan par l’écriture imprimée. Ce retour a eu lieu peu à peu. L’image d’actualité s’était imposée comme illustration dès le XVIIIe siècle. Au siècle suivant, le rôle de la caricature dans la dégradation de la popularité du roi Louis-Philippe avait été un signe du retour de l’image en tant que message autonome. Le dessin avait aussi, au XIXe siècle, joué un rôle important dans la couverture des procès, comme il continue d’ailleurs à la faire puisque, sauf exception, photos et vidéos sont encore exclues des audiences des tribunaux.

FF : De quelle façon la photographie participe-t-elle à ce processus ?

HP : Depuis la fin du XIXe siècle, la photographie d’actualité a pris une place prééminente. Une véritable reconnaissance de la photographie avait été acquise, peu à peu,  grâce au prestige de grands photographes, quasi officiels, comme Nadar dont le travail devint rapidement un élément constituant de l’actualité.

Un autre phénomène important a été l’apparition des actualités cinématographique, au début du XXe siècle. Celles-ci ont couvert l’actualité internationale et nationale,  comme les événements sportifs. Les actualités de Gaumont et de Pathé ont contribué à la popularité du cinéma et leurs fonds d’archives gardent encore aujourd’hui une remarquable valeur pour l’information et pour l’histoire.

FF : Quel est alors le rôle de la photographie ?

HP : Le photojournalisme évolue parallèlement à la presse écrite.  La photographie est d’abord « annexe ». Elle sert d’appoint au texte. Elle illustre le récit dont l’écriture est soignée. Songeons par exemple au style fleuri d’un Albert Londres qui est presque image en lui même. Puis, peu à peu, la photographie de presse développe sa propre ambition journalistique et esthétique. On peut situer ce mouvement  entre les années 30 et 50. La photo s’affirme, même si elle n’est pas encore à elle seule de l’information médiatique ni complètement de l’art.

C’est une période intéressante : on y voit les photos rechercher progressivement deux finalités. Elles gardent leur signification artistique et documentaire, et la complètent peu à peu par une nouvelle vocation qui va devenir dominante : celle de l’information. De grandes revues comme l’Illustration en donnent des exemples remarquables. Plus tard, la formule sera schématisée dans le célèbre slogan de Paris Match : « Le poids des mots, le choc des photos ».

FF : Le métier de photo-reporter connaît donc un âge d’or après les années 50 ?

HP : Dès l’entre-deux guerres en réalité, des agences spécialisées se développent. En 1928, sont créées Vu et Regards, extraordinairement riches sur une actualité qui est une actualité d’image, et qui font beaucoup pour le développement du reportage photographique. L’agence Keystone créée en 1927 par la famille Garai, venue de Hongrie, développe un réseau international de bureaux. Elle sera rachetée en 1985 par l’AFP qui ne la conservera pas longtemps, mais qui avait perçu la richesse de ses archives.

C’est après la seconde guerre  mondiale que se situe en effet l’âge d’or véritable du photojournalisme, avec la création des grandes agences comme Magnum, Look et Life aux USA, ou plus tard Gamma et Sigma en France. Mais ces agences, qui diffusent les œuvres des grands noms du métier, sont rapidement concurrencées par leurs propres clients, des magazines comme Paris Match, par exemple, qui demandent des reportages complets. Certains photographes deviennent de véritables vedettes internationales et sont assez puissants pour exister par eux mêmes. Même lorsqu’ils s’appuient sur des « courtiers », les photographes restent en général propriétaires de leurs droits parfois très élevés car, sur un marché devenu international, certaines photos ont un prix qui ne les met pas à la portée de tous les médias.

A suivre :
2ème Partie : L’image fixe et l’image animée

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