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Valérie Simonnet

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Ma vie en 16/9eme   (15 photos issues de 100)

Comme beaucoup d’urbains j’habite une barre devant une autre barre.

Une règle non écrite, mais tacitement respectée dans les grands ensembles, est de ne pas regarder chez le voisin. D’abord pour se protéger soi: ne pas regarder, c’est s’imaginer que l’on ne vous regarde pas, c’est préserver ce qui est si rare dans ce type d’environnement, l’intimité.

Un certain virus en me privant d’une possibilité d’exogamie photographique m’a contrainte à réinvestir ce qui était si près et si loin, si tabou.

Pendant le confinement j’ai donc photographié les fenêtres qui me faisaient face pour ne pas devenir folle. Pour continuer de travailler et trouver un lien, y compris avec moi même, j’ai regardé ce que l’on ne devait pas voir. J’ai enfreint la règle du droit à l’intimité pour tenter de nourrir mon besoin de lien, de dialogue.

Depuis 10 ans je photographie l’abandon de l’homme dans la ville grouillante. Tout d’un coup la ville est soudain dépeuplée non plus comme une dystopie mais comme une réalité. S’est imposé le besoin, l’exigence et le droit, de tacher d’attraper, pour le sauvegarder au moment où l’on voudrait peut-être nous en déposséder, l’intime de l’homme. Ce qu’il est quand il n’y est pour personne.

C’est tout naturellement qu’est née l’idée du format. 16/9e, c’est le format des fenêtres de ma résidence, mais c’est surtout le format photographique des grands paysagistes américains, celui des espaces infinis. Pour aborder le tabou de l’intime je voulais paradoxalement faire dans le grandiose, le spectaculaire. Magnifier la démarche et éviter le trou de serrure du voyeur au téléobjectif. Je voulais chaque image comme une fable, une allégorie qui échappe au temps et au contexte, comme je souhaitais m’en arracher moi-même. Décoller du réalisme documentaire pour offrir une émotion intemporelle, un souvenir de ce moment arraché au temps.

A chaque cliché je me posais la question de la qualité de mon regard sur mes voisins, mes semblables. Avais-je quelque chose à dire de leur intimité

De leur intimité assurément non, de la mienne semble-t-il beaucoup. On ne photographie jamais que soi. Ces images de mes voisins, je m’en suis très vite rendue compte, ne parlaient que de moi, mes rêves, mes visions, mes angoisses, mes ennuis.

Au sens propre comme au sens figuré, puisque ce que je voyais dans les fenêtres plein nord de mes voisins, c’était le reflet de mon propre immeuble.

Valérie Simonnet (actuellement exposée pour une autre série à la galerie Hillemand à Paris)

 

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