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Sandy Skoglund : « Je considère la nourriture comme un langage universel »

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Sandy Skoglund est née à Waymouth au Massachusetts (États-Unis) en 1946 et a étudié l’art de studio et l’histoire de l’art au Smith College de Northampton, Massachusetts, de 1964 à 1968, puis le tournage, l’impression en creux et l’art multimédia à l’université de l’Iowa à partir de 1969. Elle a obtenu sa maîtrise en 1971 et son diplôme des beaux arts spécialité peinture en 1972. La même année, elle est partie pour New York où elle a commencé à travailler en tant qu’artiste conceptuelle, explorant les procédés répétitifs de production artistique à travers les techniques de la photocopie et de la marque (mark making). À la fin des années 70, la volonté d’explorer des idées conceptuelles l’a conduite à apprendre la photographie en autodidacte. Le résultat donna des mises en scène qui rappellent le genre qu’ont affectionné certains artistes dans les années 80, tels Cindy Sherman ou David LaChapelle. Cela venait aussi d’un intérêt général pour la culture populaire et les stratégies à l’œuvre dans la réalisation de photos commerciales et a abouti à la réalisation de tableaux d’ensemble pour lesquels Skoglund est reconnue aujourd’hui.

Sandy Skoglund crée un pont entre la sculpture, l’installation et la photographie, et on connaît son travail par les photographies grand format qu’elle prend de ses installations originales éphémères. Ses photographies et ses installations ont souvent été exposées, parfois en compagnie de collègues photographes, parfois lors d’accrochages uniquement consacrés à cette artiste. Certaines de ses pièces font maintenant partie des collections de grandes institutions comme le Brooklyn Museum, le Centre Georges Pompidou, le Chicago Art Institute, le Los Angeles Country Museum of Art, le Metropolitan Museum of Art de New York, le Whitney Museum de New York. Elle a obtenu la chaire d’honneur Koopman des arts visuels à la Hartford Art School, le prix d’excellence du Trustees Award à l’université Rutgers, la bourse personnelle de la Foundation for the Arts de l’état de New York et la bourse individuelle du National Endowment for the Arts. Sandy Skoglund vit actuellement à Jersey City dans le New Jersey.

Votre travail est pluridimensionnel et recèle plusieurs couches de sens. Accepteriez-vous de nous expliquer la signification de quelques-unes de vos œuvres ? Prenons Dogs on the Beach (chiens sur la plage) et The Wedding (le mariage), deux pièces figurant dans la collection de la galerie Holden Luntz.

Je crois que dans le monde complexe d’aujourd’hui, faire de l’art trouve sa signification dans l’acte créatif lui-même. Il y a beaucoup de gens capables d’imaginer des choses, mais peu qui les mettent à exécution. Au-delà de ça, il n’y a que le sens que l’on peut trouver dans l’activité elle-même, et dans le résultat final.

Dans le cas de Dogs on the Beach, j’aimais beaucoup l’idée de reprendre ces sculptures de chiens que j’avais faites pour un autre travail (The Green House) et de les placer dans un contexte différent. Ce qui m’intéressait, c’était de voir comment tous ces chiens modifieraient la plage. C’était aussi une expérience de travail rapide : le projet devait être réalisé en une seule journée. J’ai pris la photo au printemps, par temps frais et venteux.

Je vois The Wedding comme une célébration élaborée, un engagement optimiste pour une vie meilleure à deux plutôt que seul. Les fleurs grises sont en grès céramique, modelées une par une à la main. Grâce à cet aspect répétitif de la sculpture, l’idée de durée et de travail ardu est incluse dans le procédé. Il m’a fallu environ un an pour créer cette pièce.

La couleur grise des fleurs en grès donne l’impression qu’il s’agit de cailloux qui ont soudainement pris vie dans le paysage changeant de l’amour. Les murs et le sol sont tapissés d’une matière collante et gluante, comme de la confiture. Et au milieu de cette substance visqueuse, deux personnes marchent l’une vers l’autre, dans l’ombre d’un gâteau de mariage peint en rouge. Cette pièce montée est comme une sentinelle, un témoin de l’événement, de ce désir humain et poignant de permanence éternelle.

À cause de la dégradation de la confiture, cette installation n’existe plus, il n’en reste que les roses en céramique.

La nourriture et les animaux sont des éléments récurrents dans votre travail. Pour quelle raison ? Ces éléments possèdent-ils pour vous une dimension sociale ?

Je considère la nourriture comme un langage universel. Tout le monde mange. Et d’un point de vue photographique, la nourriture a des couleurs et des textures que l’on peut manipuler et obtenir ainsi des effets fabuleux. J’adore peindre et sculpter avec de la nourriture, c’est une démarche régressive, qui nous ramène à l’enfance. Utiliser la nourriture comme matière première me permet d’explorer les frontières entre la nature et l’artifice. La façon dont je travaille avec la nourriture élargit l’horizon d’attente.

Les humains font partie de la grande famille des animaux. Lorsque je travaille avec des animaux, j’aime me poser la question : « qui regarde qui ? » Explorer la conscience d’un point de vue non humain m’intéresse particulièrement. La vie animale permet aux gens d’échapper un instant à la leur.

La répétition est également très présente dans vos photos : des poissons rouges, des chips ou encore des verres de vin envahissent l’espace. Cette multiplication d’objets recèle-t-elle un message ?

Je trouve la répétition belle, mais cela peut aussi être déroutant. J’utilise ce procédé pour créer des motifs qui attirent l’œil. Dans la société de consommation américaine, la répétition symbolise souvent l’abondance et l’accessibilité. Le principal impact visuel d’un supermarché ou d’une grande surface est une avalanche de motifs répétitifs produits par les rangées de produits. Lorsqu’on pousse la répétition à l’extrême, elle peut au contraire provoquer la peur, l’étouffement. Mais la répétitivité rassure en général l’esprit, qui recherche des expériences familières. Et enfin, la répétition révèle simplement ceci : chaque élément répétitif est différent. Chaque verre de vin est unique, comme les flocons de neige. La répétition nous donne l’occasion d’affûter nos sens pour détecter des différences subtiles.

Le décor de vos photos est-il le fruit d’un travail collaboratif ? Si c’est le cas, comment faites-vous pour communiquer votre vision individuelle à vos assistants ?

Parfois je travaille avec des assistants, parfois non. Ce qui compte pour moi, c’est d’exprimer mes idées, alors je suis reconnaissante à quiconque m’aide à les mettre en scène.

Le produit final de votre travail est une image en deux dimensions, mais elle est issue d’une installation complète en trois dimensions. Comment faites-vous pour qu’un univers en trois dimensions soit rendu avec toute sa force en deux dimensions ?

La meilleure façon de préparer un bon résultat en deux dimensions est de créer quelque chose de solide en trois dimensions. Une fois que cet univers est créé, il n’y a plus qu’à le photographier.

Cet entretien fait partie d’une série d’interviews organisées par Holden Luntz Gallery, située à Palm Beach en Floride.

Propos recueillis par Sara Tasini.

 

Holden Luntz Gallery
332 Worth Ave
Palm Beach, FL 33480
USA

http://www.holdenluntz.com/

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