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Miss Rosen –Aliaa Magda Elmahdy

“Pauvre petite fille. Pourquoi te comporter comme si la mort ne viendrait pas te chercher ? Quelle pitié… Puisse Dieu te sauver, Hmmmmmmmmmmm.”

Ce commentaire a été soumis à mon blog pour approbation après que j’ai posté un article sur Aliaa Magda Elmahdy, une étudiante en communication de vingt ans qui a gagné l’attention en publiant une photo nue d’elle-même sur Twitter avec le hash tag # nuderevolutionaryphoto en Octobre 2011.

Sur la photographie en noir et blanc, elle se tient face à la caméra, l’intensité de son regard accentué par ses cuissardes, ses chaussures rouges et son noeud rouge. Elmahdy avait déclaré à CNN, « je n’ai pas peur d’être une femme dans une société où les femmes ne sont que des objets sexuels, mais harcelées quotidiennement par des hommes qui ne savent rien sur le sexe ou l’importance d’une femme. La photo est une expression de mon être et je vois le corps humain comme la meilleure représentation artistique de cela. J’ai pris la photo moi-même à l’aide du retardateur de mon appareil photo personnel. Les puissantes couleurs noires et rouges m’inspirent. » Rouge, noir et blanc, les couleurs du drapeau égyptien.

Il y a un an, le peuple égyptien avait renversé le président Hosni Moubarak du pouvoir après avoir servi pendant quelques trente ans en tant que chef de l’Etat. A sa place un gouvernement provisoire est arrivé. Il est géré par le SCAF, le Conseil suprême des forces armées, qui a depuis a montré au monde que la violence et la répression sont à l’ordre du jour, éteignant la flamme de l’esprit révolutionnaire d’un peuple qui n’a pas encore trouvé son chemin.

L’art de la révolution est une chose puissante. Il est porté en avant par le courant spontané dans lequel nous vivons aujourd’hui. L’auto-portrait d’ Elmahdy est en contraste frappant avec les représentations traditionnelles de la féminité égyptienne. Dans une culture où la répression est retournée à la pudeur, où les femmes sont définies par l’absence de leur individualité, où la sexualité est le droit de l’homme et où la femme n’en est que l’exécutant, l’autoportrait nu est un acte politique.

En Occident, où le nu féminin a longtemps été considéré comme un objet d’art, de la beauté et un objet en soi, l’acte d’Elmahdy soulève une nouvelle série de questions. Nous avons transformé la politique en une question d’économie. Les femmes sont devenues des célébrités en spéculant sur leurs corps. Il y a de l’argent à faire et de la gloire à prendre pour tous ceux qui se découvrent à la face du monde. Au vingt et unième siècle en Occident, le nu est devenu une industrie mondiale. La ligne étroite entre la marchandisation et l’auto-exploitation est facilement brouillée dans une culture où l’argent est la récompense ultime.

En Occident, les femmes sont libres d’utiliser leur corps pour atteindre n’importe quel objectif et ce n’est plus politique car cette époque est terminée. De Dinner Party de Judy Chicago à Sextape de Kim Kardashian, nous parlons de progrès, comme s’il s’agissait d’une bonne chose mais c’est peut-être plus complexe que cela.

« Aliaa, quel joli nom, un bon aspect physique, je veux dire jeune, fraîche et fleurie avec un coeur solide et un ego probablement négatif. Il y a sûrement d’autres façons d’exprimer vos sentiments et vos motivations que de présenter votre précieux corps au monde entier… ce qui vous reste à faire aujourd’hui est de commencer à vous balader toute nue. Je me demande quelle religion vous pratiquez car aucune religion n’encourage ce genre d’acte, ni nos traditions et mœurs (d’Afrique). Merci de trouver un autre moyen convenable de vous exprimer, même si je ne vous connais pas mais je sens que je devrais me permettre de vous donner un judicieux conseil. Merci et je vous souhaite de trouver le meilleur dans votre vie. »

Hassan Aliyu Shehu a laissé ce commentaire sur mon blog. Il m’a fait réfléchir sur les sous-entendus de l’auto-portrait nu. Etre une femme aujourd’hui en Egypte doit être étrange. Elles se battent pour se libérer de la répression, mais c’est pour la rencontrer à chaque coin de rue. Les manifestants de sexe féminin étaient soumises à des tests de virginité où elles ont été déshabillées et vérifiées pour s’assurer d’un hymen intact en face de la police armée. C’est un viol, et Samira Ibrahim les a poursuivi en justice. Même si elle a gagné son procès civil, les paroles du représentant du gouvernement nous laissent toujours des frissons dans le dos: «Ces tests ne sont pas considérés comme un crime sinon le dossier serait devant la Cour pénale. »

Ibrahim et Elmahdy se battent contre un gouvernement et une culture qui voient le corps de la femme comme la propriété des hommes. La lutte pour le corps de la femme ressemble vraiment à la lutte pour celui qui contrôle la création de la vie. Dans la culture occidentale, nous avons finalement accepté que les femmes possèdent le pouvoir de prendre la décision suprême: se faire avorter ou non. En soi c’est une chose étrange, mais les lois sont écrites en noir et blanc et les nuances de gris finissent seulement par déterminer la meilleure solution.

Mais le corps est plus que le simple site de la vie. Il est également la représentation de soi que la nature a élaboré. Et l’impulsion de révéler ou de cacher le corps féminin reste déconcertant pour l’Orient et l’Occident qui représentent les deux extrêmes, aucun d’eux n’est équilibré ou sain.

Quand est-ce que le corps – à la fois homme et femme – peut-il être considéré comme l’œuvre de la nature, plutôt qu’un produit de la société ? Pouvons-nous le regarder avec amour, avec admiration, avec respect, ou nos cœurs seront-ils toujours remplis de luxure, de colère, de dégoût ? Allons-nous le célébrer ou le condamner ? allons-nous envelopper nos craintes dans la religion et la pensée de groupe ? Allons-nous soutenir ou combattre son désir pour la liberté sur ces termes ?

Il n’y a pas bonne ou mauvaise réponse parce que le sujet de la nudité, de la sexualité et du corps féminin est un jeu politique, peu importe qui arrive à en jouer. Les idées sont des valeurs, la valeur, c’est le pouvoir. Peut-être la réponse ne doit-elle pas être trouvée dans l’examen de son idéologie mais dans la façon dont elle déclenche nos propres réponses.

Un commentateur anonyme a posté ces mots sur ma page. Je pense qu’ils résument aux mieux les défis qu’Elmahdy affronte. « J’ai une fille de son âge. Je souhaite qu’Aliaa El-Mahdy soit protégée dans sa quête visant à trouver sa voix et son but. Même si elle a le corps d’une femme adulte, elle n’est encore qu’une enfant avec sa conviction intrépide et naïve en sa propre immortalité. Ses actions ne créent pas plus de dommages au monde réel d’un petit bébé arrachant ses propres vêtements. J’ai vécu pendant 25 ans au Japon où mes deux filles sont nées. Elles ont grandi sans la honte à se joindre à moi dans les bains publics entourés par des hommes et des garçons ; même à l’âge scolaire et mi-élémentaire. Envoyons à Aliaa El-Mahdy nos voeux les plus compatissants, nos pensées de sécurité et de succès. Nous devons protéger cette jeune femme innocemment passionnée contre la tempête de rage qui menace de l’envelopper et de la détruire. Respect, amour, protection. »

Sara Rosen

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