Rechercher un article

Imaginer le musée du futur et offrir une expérience globale de la photographie avec Tatyana Franck (Musée de l’Elysée) 2/3

Preview

Alors qu’elle pilote à juste 30 ans la destinée du Musée de l’Elysée, dont l’avenir se dessine au sein du futur Pôle muséal à côté de la gare de Lausanne, Tatyana Franck dont la précocité n’a d’égal que sa ténacité nous reçoit avec simplicité et grande disponibilité. Nul doute que son énergie fédératrice ne fasse des miracles dans un paysage devenu très compétitif où l’institution vaudoise a de nombreux défis à relever après le passage de Sam Stourdzé.

Partie II : Les collections

Quelle est selon vous la marque de fabrique du Musée de l’Elysée et comment comptez-vous l’élargir ?

Au-delà du nombre important de pièces de la collection – 1 million de phototypes, 170 000 positifs, 800 000 négatifs, 20 000 livres de photographie, des centaines d’albums photographiques – , c’est la richesse et la variété des techniques photographiques qui en font la spécificité. Un accent fort va être mis sur les collections du musée. Si le Musée de l’Elysée est connu dans le monde entier pour ses expositions et sa capacité à les faire voyager,  le public ne connait pas nécessairement l’importance et la richesse de nos collections, finalement très peu montrées. Je souhaite ainsi progressivement inclure des œuvres de nos collections dans les expositions temporaires. L’hiver dernier nous avions présenté la collection iconographique vaudoise à l’origine de la création du Musée de l’Elysée en tant que musée de l’image puis de la photographie. Cette année, avec l’exposition Anonymats d’aujourd’hui, petite grammaire photographique de la vie urbaine, Pauline Martin, commissaire d’exposition au musée, s’est plongée dans les collections pour en faire ressortir une thématique commune à un certain nombre d’œuvres. Dans l’exposition prévue cet été sur la Mémoire du Futur, dialogues photographiques entre passé, présent et futur, l’accent sera mis sur le cœur des collections. Nous allons sélectionner une quinzaine d’œuvres pionnières de nos collections de par leur technique (ambrotypes, daguerréotypes, ferrotypes) qui seront mises en dialogue avec des œuvres d’artistes contemporains s’emparant de ces techniques.

Enfin, à travers notre magazine ELSE qui devient revue de collection, nous montrons aussi des talents émergents venus des quatre coins du monde, aux cotés de portfolios inédits de nos collections. Un signal éditorial fort.

Cela veut dire aussi exporter des expositions produites ?

Oui, comme avec l’exposition Philippe Halsman qui, après Paris au Jeu de Paume, vient d’être inaugurée à Rotterdam et partira ensuite à Madrid et à Barcelone. De même pour reGeneration3, en ce moment à Puebla, Mexico, et qui voyagera ensuite dans le monde entier pendant 5 ans. C’est un axe emblématique que nous allons bien entendu poursuivre.

Les musées deviennent de plus en plus des marques, comment vous positionnez-vous par rapport à cela ?

C’est un défi et surtout le bon moment pour se poser la question « qui sommes-nous ? », de repenser le musée en concertation avec les équipes. Qu’est-ce que construire un musée de la photographie au XXIe siècle ? Et pourquoi un musée de la photographie ? Il y a 30 ans le fondateur Charles Henri Favrod s’est battu pour faire exister la photographie, maintenant elle est partout. C’est une vraie réflexion que nous menons.

L’une des évolutions du medium ces dernières années est ce paradoxe entre une grande créativité et hybridation des genres et un retour à des techniques pionnières, comment le musée peut-il refléter ce panorama en constante évolution ?

Nous souhaitons montrer la diversité de la photographie. L’une des forces de l’exposition reGeneration était de soulever ces contradictions avec des jeunes photographes qui se considèrent plus comme des artistes à part entière. Nous avons présenté des installations, des performances, des sculptures, des projections. Un vrai challenge à l’heure actuelle en même temps que ce grand retour à la matérialité et ces jeunes photographes qui vont dans des anciennes imprimeries Mourlot réimprimer leurs photographies sur du papier lithographique.

Votre politique d’acquisition se construit-elle simultanément avec les expositions ?

Notre intention est d’acquérir des photographies iconiques manquantes tout en soutenant la production contemporaine. Nous avons par exemple, à l’occasion du festival de musique Paléo à Nyon dans le cadre de ses 40 ans et de nos 30 ans, passé commande à des photographes contemporains pour ensuite décider de les acquérir afin de les soutenir jusqu’au bout. Un comité piloté par les conservateurs et moi-même se réunit 4 fois par an pour décider de ces acquisitions. Ensuite, en fonction du plan de financement, nous cherchons des mécènes éventuels. Nous travaillons à mettre en valeur des fonds photographiques, comme l’avait engagé mon prédécesseur Sam Stourdzé, ce qui, je trouve, est une politique intéressante dans la mesure où les missions d’un musée sont d’aider à la conservation, la préservation mais aussi à la valorisation. Il est en effet pertinent de dévoiler et connaitre tout le processus créatif d’un photographe, d’avoir accès à l’ensemble de son cheminement intellectuel (maquettes, planches contacts et négatifs). Ceci sera d’autant plus intéressant avec l’aménagement d’espaces supplémentaires dans le futur musée et les technologies de pointe associées qui permettront le partage avec un public élargi de restaurateurs-chercheurs et d’étudiants.

Comment peut-on aujourd’hui montrer et rendre accessible le livre photographique ?

Grâce à la numérisation. Nous avons initié dans ce sens un projet ambitieux de numérisation en partenariat avec l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, EpfL. Nous avons acquis un scanneur qui permet la numérisation de 1500 pages/heure et s’adapte à la courbure du livre pour ne pas abimer l’objet.  Notre souhait est de pouvoir développer une plate-forme en ligne pour donner l’accès et mutualiser au plus grand nombre. N’oublions pas que tout ce que l’on fait est pour le public. Pour l’instant nous avons numérisé 2000 livres, soit 10% de notre collection.  L’objectif est de présenter, dans le futur musée, un grand centre de documentation dédié d’une part aux livres en accès libre et aux objets précieux sur demande d’autre part, afin de redonner au grand public l’accès à son patrimoine visuel.

Retrouvez le troisième et dernier volet de l’interview demain, mercredi 13 avril.

INFORMATIONS
Musée de l’Elysée
Avenue de l’Elysée 18
1006 Lausanne
Suisse
http://www.elysee.ch

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android