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Le Questionnaire : Gilles Dallière par Carole Schmitz

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Gilles Dallière : La Vision d’une Réalité Esthétisée

Après avoir passé deux années aux Beaux-Arts de Saint-Etienne, Gilles Dallière s’intéresse plus particulièrement à l’architecture et la décoration : il apprend à dessiner des géométries précises à l’École Camondo de Paris. Architecte d’intérieur et designer, il rejoint dans les années 1980 l’équipe du décorateur Yves Taralon. Celui-ci lui imprime le sens du mot décor, celui du luxe et surtout celui de l’éphémère. Dans les années 1990, il devient styliste, journaliste, rédacteur en chef-adjoint et directeur du style du magazine Maison Française. Il accompagne de son expérience et de son regard les plus grands photographes d’art de vivre à travers ses reportages. Dans les années 2000, sa vision se décloisonne quand il ajoute à ses activités journalistiques la direction artistique de Forestier en tant que designer. Infatigable voyageur, il photographie le monde qui l’entoure, les contrées qu’il traverse, tenant le registre de ses fascinations et de ses errances. La photographie devient son point d’ancrage, l’univers visuel et sonore qui l’accompagne aujourd’hui. Pas une image n’est ici indifférente ou hasardeuse. Il aime capter l’instant, vivre la vie au présent d’un œil qui voit en noir et blanc une réalité esthétisée.

Website : www.gildalliere.com
Instagram : @gillesdalliere

 Votre premier déclic photographique ?
Gilles Dallière : Quand j’ai commencé à créer des décors en tant que directeur du style du magazine Maison Française et travaillé avec les plus grands photographes d’art de vivre, dans les années 80.

L’homme d’image qui vous inspire ?
Gilles Dallière : Pentti Sammallahti, pour la poésie, la finesse des gris, la densité de ses noirs, et la délicatesse qui affleure à la surface de ses photographies.

© Pentti Sammallahti

L’image que vous auriez aimé faire ?
Gilles Dallière : Les deux petites filles qui descendent, l’une derrière l’autre, l’une identique à l’autre, l’un des mille cerros qui mènent au port de Valparaíso, en 1957, de Sergio Larrain.

© Sergio Larrain

Celle qui vous a le plus ému ?
Gilles Dallière : Le soldat derrière un bouclier en Irlande du Nord de Philip Jones Griffiths en 1973. C’est un visage jeune derrière une surface rayée, un casque sur la tête et deux zones d’ombre à la place des yeux. L’image est troublante, elle possède une force énigmatique.

© Philip Jones Griffiths

Et celle qui vous a mis en colère ?
Gilles Dallière : Toutes les images violentes ou vulgaires qui tournent autour d’une représentation symbolique de la sexualité et de la perversité, et il y en a aujourd’hui beaucoup.

Une image clé de votre panthéon personnel ?
Gilles Dallière : Certaines natures mortes de Josef Sudek mais surtout toutes les images de Chema Madoz qui a l’art de mettre en pièces les conventions. Il détourne des objets ordinaires et quotidiens avec une extrême rigueur graphique, et ses compositions en noir et blanc déploient un monde imaginaire qui interroge radicalement notre sens de la perception. Son style m’a beaucoup inspiré pour mettre en scène la collection d’art de la table « Jean Cocteau » pour les porcelaines Raynaud.

© Chema Madoz

La qualité nécessaire pour être un bon photographe ?
Gilles Dallière : La curiosité, « l’œil », la patience.

Qu’est-ce que pour vous l’image parfaite, si elle existe ?
Gilles Dallière : Un angle de réflexion, du mystère, une composition, un équilibre et du noir et blanc.

Mouvement Art Déco, escalier de l’hôtel Martel, rue Mallet-Stevens, Paris, Robert Mallet-Stevens (1927), 2010 © Gilles Dallière

 La personne que vous rêveriez de photographier ?
Gilles Dallière : Marcel Mangel, le mime Marceau. Non pas pour le geste mais pour l’expression de son visage de clown blanc rehaussé de noir, la signature de Bip, son emblématique personnage silencieux. Il est mort le 22 septembre 2007.

Un livre photo indispensable ?
Gilles Dallière : STEICHEN, Une Épopée photographique, sous la direction de Todd Brandow et William A. Ewing. Une des figures les plus prolifiques, les plus influentes et les plus controversées de l’histoire de la photographie. Portrait, nu, photographie de mode, paysage naturel ou urbain, danse, théâtre, photographie de guerre, publicité, nature morte, aucun genre n’échappe à son œil novateur.

L’appareil photo de vos débuts ?
Gilles Dallière : Un Canon EOS 5D

Celui que vous utilisez aujourd’hui ?
Gilles Dallière : Un LEICA M10-R

Votre drogue favorite ?
Gilles Dallière : Marcher, plus de 20000 pas par jour.

La meilleure façon de déconnecter pour vous ?
Gilles Dallière : Écouter de la musique. J’ai des goûts divers et variés et je n’hésite pas à piocher dans différents genres sans m’asservir à un seul. Être éclectique, c’est être un voyageur, une de mes nombreuses passions. Chaque style de musique est une culture, une richesse qui nourrit mon inspiration.

Votre plus grande qualité ?
Gilles Dallière : L’exigence et la détermination.

Une image pour illustrer un nouveau billet de banque ?
Gilles Dallière : Les regards de JR, un photographe très engagé dans les causes humanitaires qui ne cesse de bouleverser la scène artistique internationale.

© JR

Le métier que vous n’auriez pas aimé faire ?
Gilles Dallière : Mon père était industriel. J’ai aimé l’homme mais pas son métier.

Votre plus grande extravagance en tant que photographe ?
Gilles Dallière : Je n’ai pas d’extravagance. Ce qui prime pour moi, une mise en scène soigneusement élaborée qui installe un mystère, ou bien une démarche poétique, celle de rendre présent ce qui n’est pas visible à l’œil nu.

Les valeurs que vous souhaitez partager au travers de vos images ?
Gilles Dallière : L’autodiscipline, la patience sont les valeurs que je souhaite partager à travers les images de ma série clair/obscur. Dix photographies parlantes où l’ombre protectrice enveloppe une infinité de dégradés, le point de fuite étant la lumière qui, comme l’amour, apporte la tonalité envoûtante.

La ville, le pays ou la culture que vous rêvez de découvrir ?
Gilles Dallière : L’Iran, l’Égypte et l’Éthiopie. Trois pays qui multiplient les extrêmes.

L’endroit dont vous ne vous lassez jamais ?
Gilles Dallière : Le musée Nissim de Camondo, j’y ai fait mes études d’architecture d’intérieur et aujourd’hui, j’y suis presque comme chez moi.

© Gilles Dallière

Votre plus grand regret ?
Gilles Dallière : Ne pas avoir accompagné ma mère jusqu’au bout de sa vie.

Instagram, Tik Tok ou Snapchat ?
Gilles Dallière : Instagram

Couleur ou noir et blanc ?
Gilles Dallière : De toute évidence, noir et blanc, mais parfois un contraste désaturé me fait du bien.

La cour, le jardin des Biehn, Fès, Maroc, 2020 © Gilles Dallière

Lumière du jour ou lumière artificielle ?
Gilles Dallière : Je préfère la lumière du jour.

La ville la plus photogénique selon vous ?
Gilles Dallière : Je suis allé en Inde deux fois par an, pendant quatorze années. Considérée comme l’une des villes du monde les plus anciennement habitées, la capitale spirituelle de l’Inde, Vârânasî (Bénarès) est pour moi la plus photogénique. Elle est l’acteur de toutes choses. Entre les lieux, les dieux, les hommes et le hasard, elle lance un défi au regard comme à la raison. Tant de temples, de palais, de richesse, de misère, de langues, de coutumes, de croyances, d’activités – tant de passé dans le présent -, et tous ces peuples qui n’en font qu’un !

Le mouroir, Varanasi, Inde, 2008 © Gilles Dallière

Si Dieu existait lui demanderiez-vous de poser pour vous, ou opteriez-vous pour un selfie avec lui ?
Gilles Dallière : Ni l’un ni l’autre, je n’oserais même pas le déranger, il a tellement de choses à régler.

L’image qui représente pour vous l’état actuel du monde ?
Gilles Dallière : Le portrait de ce petit garçon en couverture du livre « Instants donnés », celui de toutes ces femmes et de tous ces hommes croisés entre Madras en Inde et Matara au Sri Lanka, photographiés après le tsunami de 2004 par Thierry Arensma. Et pour reprendre un extrait de la préface de Jean-Claude Carrière, « ils sont là, nous les voyons, et notre connaissance du monde, toujours menacée par l’affaiblissement et même la perte de notre mémoire, place derrière eux une grande ombre, dont nous savons aujourd’hui l’origine, et aussi un bruit. Nous savons ce qui les attend et, malgré nous, nous meublons l’invisible ». La photographie n’est qu’un instant.

© Thierry Arensma

 Et si tout était à refaire ?
Gilles Dallière : Je commencerais par la photographie.

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