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Harry Benson, Arrêt sur image

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Rares sont les photographes qui deviennent plus célèbres que leurs collègues. Mais Harry Benson, né à Knightswood, en Écosse, ayant autrefois travaillé chez Hamilton Advertiser, a reçu bien plus qu’une simple reconnaissance professionnelle.

Une rétrospective de son œuvre intitulée « Seeing America » occupe actuellement Holyrood, un quartier de sa ville natale. Aujourd’hui âgé de 86 ans, Benson est revenu en Écosse pour l’inauguration de l’exposition en août et répondre aux sollicitations de la presse. Il a également participé à une projection de Shoot First, documentaire consacré à sa vie et son œuvre, au Filmhouse d’Edimbourg.

Benson et les Beatles

Benson ne reconnaît aucune influence, sinon celle de Lord Beaverbrook, pour la seule raison qu’il lui avait offert du travail au Daily Express en 1958. Poste pour lequel il avait été chargé d’aller à Paris pour photographier les Beatles pour la première fois. Il avait d’abord refusé la mission, préférant partir en Ouganda comme prévu, mais s’est vite rendu compte de l’importance d’une telle opportunité. La photo qu’il préfère reste celle de la bataille de polochons des Beatles, prise tard dans la nuit à leur hôtel parisien, après que Brian Epstein leur avait annoncé qu’ils étaient numéro 1 aux États-Unis.

Benson a suivi le groupe jusqu’en Amérique pour leur première grande tournée de 1964. Le début de Shoot First montre leur arrivée à l’aéroport JFK de New York. Tous les fans des Beatles ont vu ces images un nombre incalculable de fois, mais je n’avais encore jamais vraiment prêté attention au photographe, derrière eux lorsqu’ils descendent de l’avion. Les cris de la foule les entraînaient vers le tarmac et l’avenir, mais ils se sont retournés, à la demande de Benson. L’une des photos exposées les montre en train de regarder l’appareil devant un parterre de cameramen américains. L’image, montrant l’arrivée des Beatles aux États-Unis, capte un grand moment de la vie artistique, mais offre aussi une nouveauté. Comment tout cela était-il arrivé ?

Une rencontre inédite entre les Beatles et Mohammed Ali

La photo la plus célèbre prise par Benson pendant cette tournée est sans doute celle de la rencontre entre les Beatles et Mohammed Ali – Cassius Clay à l’époque – au Fifth Street Gym de Miami. Dépassant les Liverpooliens d’au moins une tête, Ali apparaît le bras droit levé, comme s’il allait frapper. George Harrison est en bout de file, prêt à recevoir le coup, mais les autres musiciens posent, tête inclinée, comme des dominos en train de tomber ou le pendule de Newton. Le groupe s’était rendu en Floride pour le tournage de la deuxième de leurs trois apparitions à l’Ed Sullivan Show, tandis qu’Ali s’entraînait en tant que challenger pour son combat de championnat avec Sonny Liston. Les Beatles souhaitaient rencontrer Liston, mais leur envie n’était pas partagée. Ce dernier avait assisté à l’enregistrement de l’Ed Sullivan Show avec l’organisateur du combat, Harold Conrad et il aurait déclaré : « Mon chien sait mieux jouer de la batterie que ce gamin avec le gros nez. »

Plus tard, Benson a travaillé pendant un temps hors de New York, couvrant les faits divers britanniques pour The Express avant d’être engagé par Life. Il a su capter les moments sombres de l’Amérique des années 1960, comme les mouvements pour les droits civiques, la ségrégation, les protestations nationales contre la guerre du Vietnam et les assassinats de Martin Luther King et Bobby Kennedy.

La couverture des troubles des années 1960

Parmi les photos exposées au Parlement écossais, on compte celles d’une femme encapuchonnée avec son bébé, lors d’un rassemblement du Ku Klux Klan à Beaufort, en Caroline du Sud ; d’un afro-américain les jambes écartées, fouillé pendant les émeutes de Watts ; et d’un père afro-américain dans un aéroport, tenant un drapeau à distance, comme s’il était contaminé, après l’enterrement de son fils à Arlington.

La photographie la plus poignante est peut-être celle montrant Bobby Kennedy blessé mortellement, étendu sur le sol de l’Ambassador Hotel. L’horreur, dans ce qu’elle a de plus tangible et de crue, apparaît dans un portrait d’Ethel, la femme de Bobby Kennedy, qui regarde directement Benson. Elle a le visage en partie caché par sa main tendue et l’on a du mal à savoir si elle cherche à faire de l’espace autour de son mari blessé ou à empêcher Benson de témoigner de ce moment d’horreur. Quoi qu’il en soit, c’est son visage désespéré qui laisse l’impression la plus durable. Une autre photo de la scène montre un canotier de campagne sur le sol, une flaque de sang venant s’échouer contre son bord.

Les moments d’intimité saisis tout en spontanéité

En travaillant pour Life et d’autres magazines, Benson a photographié des célébrités et des grands personnages publics pendant des années, favorisant toujours l’approche spontanée qui permet d’entrevoir un moment d’intimité. On repère dans la partie la mieux présentée de l’exposition Alexandre Soljenitsyne dans le Vermont enneigé, le visage renversé et suppliant ; Jack Nicholson, photographié en 1975, faisant plusieurs mimiques que l’on se réjouirait de voir creusées dans une citrouille ; Bobby Fisher à Reykjavik, au moment de sa fameuse victoire sur Boris Spassky, les yeux fermés, le visage penché contre les naseaux d’un cheval, comme s’il essayait d’échanger son trouble contre la sérénité de l’animal ; et Frank Sinatra avec un masque de chat, moustaches incluses, accompagnant Mia Farrow au Bal en Noir et Blanc de Truman Capote.

Susan Sontag était, entre autres, la partenaire d’Annie Leibovitz. Elle a écrit un jour que « la mémoire est un arrêt sur image ; son unité de base est l’image unique ». S’il est vrai qu’un peu du pouvoir de la photographie repose dans cette proximité avec le fonctionnement de la mémoire, l’explication n’est que partielle : la prise de conscience du contexte, de la beauté artistique et de la composition sont des facteurs qui comptent autant et qui font la longévité d’une image. Les meilleures photos de Benson combinent toutes ces qualités. Elles sont comme les coins repliés des pages d’un long livre que l’on a déjà lu, qui invitent à se souvenir des moments clés en plongeant un peu plus profondément dans leur détails.

Alasdair McKillop
Alasdair McKillop est auteur à la Scottish Review.

 

Harry Benson: Seeing America
Jusqu’au 3 décembre 2016
Parlement écossais
Edinburgh EH99 1SP
Écosse
http://www.parliament.scot/

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