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Malick Sidibé, un photographe qui nous rappelle l’existence de la Culture

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La photographie a recours à divers éléments. Elle a à voir avec l’Art, le divertissement, la provocation, le commerce, le visionnage privé et témoigne en outre des évolutions culturelles. L’œuvre du malien Malick Sidibé (né en 1936 et mort le 14 avril 2016) a suivi la culture populaire du XXe siècle et immortalisé la fierté de son peuple.

Pour percevoir les changements culturels qui ont bercé le Mali, au cours des années 1960 et 1970, ouvrez grand vos yeux sur les photos de Malick Sidibé. Elles racontent le sens de la mode des habitants de Bamako influencé par les États-Unis, mais aussi une individualité typique de la ville. Photographier l’instant sans filtre est une approche essentielle de son œuvre. Les clichés en noir et blanc sont réalisés professionnellement, bien que l’éclairage en studio importe peu au photographe. Ses images à l’atmosphère détendue ne sont toutefois pas instantanées. Il y a du naturel en elles.

Malien, Malick Sidibé a fait de la compréhension de l’Afrique comme continent sa quête visuelle. Il n’est pas rare de voir ses nations soumises ou dépassées par l’objectif des photographes blancs. Aussi exotique ou curieux que puisse être cet intérêt extérieur, l’Afrique peut y apparaître mal construite, même lorsque l’objectif des photographes blancs cherche à venir en aide ou à montrer les cultures nombreuses et dynamiques qui vivent ou ont vécu en Afrique. Les vapeurs du colonialisme européen sont durables. Elles obscurcissent même les tentatives de fournir une représentation neutre et sincère du continent. De tels effets vont de paire avec l’américanisation de l’Afrique, avec les films hollywoodiens ou la littérature, qui redessinent souvent les contours du continent pour le rendre conforme à la conception occidentale.

Le Français Gérard Guillat-Guignard était le professeur de photo de Malick Sidibé, au milieu des années 1950. On ne retrouve pourtant ni vision, ni style européen dans son œuvre. De toute évidence, il a appris avec Gérard à gérer un studio, manipuler un appareil, utiliser et développer une pellicule photographique. L’élève a ensuite créé sa voie, est devenu son propre homme et son propre artiste.

C’était un photographe noir, issu de l’Ouest africain : sa vision de son peuple et son flegme à analyser avec l’image son époque sont inestimables. Ces qualités innées ne peuvent être enseignées, mais encouragées, surtout depuis que la photographie sert de témoignage visuel à notre existence. Il ne faut pas oublier que la France a contrôlé le Mali au XIXe siècle, les relations politiques et les luttes culturelles des deux pays. Cette histoire politique est cruciale, car les années 1960 étaient une époque de bouleversement, quand les Maliens ont souhaité prendre leurs distances avec les instructions du gouvernement français.

Une liberté vestimentaire capturée par Sidibé

La culture et la mode sont importantes dans la production des années 1960 de Malick Sidibé. La liberté vestimentaire pourrait être rattachée à la liberté d’expression politique, alors que la mode américaine pénètre l’économie du Mali. Ne vous fiez pas seulement aux Maliens vêtus à l’Américaine sur ces photos. Malick Sidibé a photographié des hommes et femmes en tenues ou peintures tribales traditionnelles.

Son œuvre des années 1970 est encore plus puissante, puisqu’il donna aux clients de son studio la chance d’immortaliser leur physique et leur style. Il a aussi saisi des moments sincères, en dehors de son studio et dans les rues de Bamako : des habitants en train de danser, les joies de la musique jusque dans leurs pieds, leurs corps suspendus comme pour s’observer eux-mêmes ou être examinés par le photographe, qui était l’un d’entre eux. Il a photographié les adultes, les enfants, les familles, les amis, les bons moments, les angoisses, l’assurance, la mode, la gloire, toutes les composantes de la société malienne.

La photographie gagne de plus en plus de terrain et sa définition se multiplie : on peut retenir de l’œuvre de Malick Sidibé qu’elle n’a pas été faite pour la gloire. Elle nous remémore la figure du photographe professionnel, du studio de quartier où l’on venait faire des photos en famille, entre amis ou seul. Les selfies et les nouvelles technologies font qu’une séance photo coûte très peu cher, ou penser qu’il n’est pas nécessaire de s’entourer d’un professionnel, parce qu’on peut faire les photos soi-même. Avec ses images, Malick Sidibé nous explique comment voir au-delà de nous-mêmes et comment laisser nos yeux voyager dans le temps.

Si Françoise Hugier n’avait pas montré l’œuvre du photographe au monde, ses clichés resteraient malgré tout importants pour sa nation. Bien sûr, le monde a apprécié son œuvre et pris conscience de son talent. De nombreux photographes et artistes ont cherché à rendre hommage à son style ou à l’imiter. Il ne peut toutefois être copié. Ce qu’il a apporté à l’art photographique est une grande réussite. Ce qu’il a apporté au Mali est bien plus important : un trésor national pour sa terre natale, Bamako, au Mali, en Afrique.

Shaun La

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