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Le Questionnaire : Théo Le Foll par Carole Schmitz

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Théo Le Foll : Savoir livrer sa vérité

A seulement 22 ans, Théo Le Foll, autodidacte passionné de photographie, a déjà signé plusieurs campagnes publicitaires, dont la plus récente pour le parfum « Fame » de Paco Rabanne.
C’est au détour d’un « five o’clock tea » dans le show-room d’une décoratrice parisienne en vogue, que j’ai rencontré ce jeune homme. Son visage d’ange et son assurance teinté de naïveté (par rapport au monde dans lequel il évolue) m’ont tout de suite intrigués. Très vite, il partage avec moi quelques images de son travail. Son style à la fois rock-décadent et très travaillé attise davantage encore ma curiosité. Nous bavardons photographie bien entendu et il m’explique que pour lui, cette forme d’expression, est un moyen d’évasion, et surtout de se sentir vivant. Il aime la beauté de l’imperfection qui est l’essence même de son art. Arrêter le temps, capturer des émotions et à les stocker dans un sac qui le suivra toute sa vie, voilà son objectif.
Fan de l’argentique, avec seulement 36 poses sur sa pellicule, il ralentit à chaque image, respire, ouvre les yeux et regarde le monde passer, puis attend LE moment et fonce.
Mais, lorsqu’il immortalise un moment, il ne réfléchit pas trop. Il est attiré par les couleurs, leur rendu sur la pellicule et la façon dont elles interagissent dans une scène donnée, à un moment donné.
Talent à suivre…

 

Website : www.theolefoll.com
Instagram : theolefoll

 

Votre premier déclencheur photographique ?
Théo Le Foll : La curiosité. Issu d’une famille commerçante, je n’ai jamais eu la chance d’être éduqué sur le sujet l’art en général. Je ne suis jamais allé au cinéma ou au musée, n’ai jamais écouté de musique avec ma famille. Bien évidemment, je ne leurs en veut pas car aujourd’hui je suis déterminé et prêt à travailler aussi dur qu’eux l’on fait, pour réussir dans mon domaine.

En revanche, j’ai eu la chance d’avoir un grand père, qui faisait de la photo et qui m’a offert, vers mes 14-15 ans un petit appareil argentique, compact, télémétrique, le Olympus 35RC. Et c’est à ce moment-là que j’ai su ce que je voulais faire de ma vie. J’ai su que je voulais documenter ma vie, la vie. Mon envie fut dès lors de capturer ces moments uniques entre amis, en voyage, en famille. Je m’intéresse énormément à toujours faire ressortir à travers une image, une part de vérité.

J’ai toujours été nul pour ce qui est de l’écriture. Je n’ai pas une très bonne mémoire mais ce que ce je vois reste gravé dans mon esprit. J’écris des images, je crée mon petit conte pour me libérer, m’exprimer, faire passer une vérité en tout sincérité. Ce que je veux c’est faire passer l’authentique.

J’ai toujours essayé de me soucier le moins possible des critiques, et des thèses académiques que l’on nous oblige à suivre. En tant qu’artiste nous somme en constante recherche d’inspiration, nous brulons et il est impossible pour nous de préserver cette chaleur, c’est pourquoi nous nous évadons. C’est dans ce « quoi » que nous recueillons ce que l’on appelle notre art. Je peux faire des images nuit&jour, cela ne me dérangerait pas.

Je sais ce que je sais. Je veux publier la vérité, la vérité de l’instant.

C’est très dur de savoir que tu es diffèrent et, de le faire comprendre, reconnaitre à ton entourage, ta famille. Tout a une question de confiance. Il faut avoir confiance en soi et réussir à avoir la confiance de son entourage.

 

L’homme ou la femme d’image qui vous inspire ?
Théo Le Foll : Ma grand-mère Framboise, sans hésitation. Je ne serais pas là où j’en suis sans elle. Je l’admire tellement. Pourquoi, me direz-vous ? Tout d’abord parce que sa douceur et sa gentillesse sont inégalables. J’ai beaucoup appris d’elle juste en la regardant. Elle est très minutieuse et en même temps un peu bordélique. Elle représente pour moi la beauté de l’imperfection. Je ne cesserai de la remercier pour le soutien qu’elle m’a apporté tout le long de cette « bataille » que j’ai mené pour prouver à ma famille que je valais quelque chose.

© Théo Le Foll

L’image que vous auriez aimé réaliser ?
Théo Le Foll : Elle se réalisera au moment voulu.
Il est très compliqué d’imaginer UNE image qu’il me plairait de réaliser car mes plus belles images viennent d’instants volés, d’imprévus, de la chance d’être là au bon moment.

Celle qui vous a le plus ému ?
Théo Le Foll : L’image que j’ai réalisé pour ma première apparition dans le monde de la mode. Je l’ai réalisé lors d’un défile pendant la Covid 19. C’était une production de Casablanca. Entrer dans ce fashion show était très émouvant car c’était une première pour moi. Je n’ai jamais autant pris de photographies, j’étais à près de quinze pellicules par jour. Et ma détermination a été récompensée car l’organisation de ce show a choisi une de mes images pour en faire un poster. Ce fut donc une double émotion.

Celle qui vous a mis en colère ?
Théo Le Foll : Il n’y en a pas.

Une image clé de votre panthéon personnel ?
Théo Le Foll : C’est une image réalisée au Domaine National de Saint-Cloud aux portes de Paris, avec un vue sur toute la ville. En découvrant cette image après l’avoir développée et scannée j’ai su qu’elle avait quelque chose de fort, très fort même. Elle n’a fait que renforcer ma décision de continuer à m’exprimer tout en documentant des moments de vie. Il s’agit de la photographie d’un couple âgé, se tenant dans les bras, effrayé de ce l’avenir allait bien pouvoir leur apporter. Ce que j’adore le plus dans cette image, c’est le regard de cette femme portant un masque, on en aperçoit que mieux son regard empli de crainte et ce malgré la carrure de son homme, là pour la protéger tout en regardant vers l’horizon.

© Théo Le Foll

Un souvenir photographique de votre enfance ?

Théo Le Foll : Quand j’ai reçu mon appareil, j’ai été émerveillé par la beauté de l’objet. Je n’y comprenais strictement rien mais je sentais que j’avais entre les mains quelque chose avec un fort pouvoir. Mais je voudrais également évoquer ces premières séries d’images que j’ai réalisé en Afrique lors d’un voyage avec mon père. J’étais intrigué et je suis toujours très content de regarder ces images.

© Théo Le Foll

 Sans limite de budget, quelle serait l’œuvre que vous rêveriez d’acquérir ?
Théo Le Foll : Il y en a deux, j’aurais du mal à faire un choix. La première est la photo de Elsa Peretti faite à New York par Helmut Newton en 1975. Et la seconde est une image incroyable de Peter Lindberg réalisée pour Vogue USA en 1988. Il y affirme la puissance, la douceur et le naturel de ces tops model sur la plage, chemises blanches en noir and blanc.

© Helmut Newton

© Peter Lindbergh

Selon vous, quelle est la qualité nécessaire pour être un bon photographe ?
Théo Le Foll : La persévérance, l’envie et une vision. Il faut affronter et oser chaque instant qui vous permettra de vous exprimer.

Le secret de l’image parfaite, s’il existe ?
Théo Le Foll : Trouver de la perfection dans l’imperfection. C’est une balance. Je parle toujours d’imperfection, elle m’obstine. Même si au final je suis très perfectionniste. J’aime les compositions précises et réfléchies. La beauté de l’imperfection est l’essence même de mon travail. Il n’y a pas de secret, il faut être audacieux.

La personne que vous aimeriez photographier ?
Théo Le Foll : Kate Moss, cette femme est un monument historique pour moi.

Un livre de photos indispensable ?
Théo Le Foll : L’autobiographie de Helmut Newton. Très intéressante !

L’appareil photo de votre enfance ?
Théo Le Foll : L’Olympus 35RC, un petit appareil magique. J’ai appris avec ça et cela a été très important pour moi par la suite car c’est une visée télémétrique. Ce type de visée est relativement difficile a maitriser mais il est très intuitif.

Celui que vous utilisez aujourd’hui ?
Théo Le Foll : J’ai la chance d’avoir eu un appareil incroyable à 20 ans : le Leica MP et il me suit partout. Je suis passionné de photographie et par les cameras argentiques. J’adore chiner dans les brocantes ou sur internet, j’y achète toute sorte d’appareil. J’ai récemment investi dans des polaroïds, et plus précisément des FP100C. Je les trouve magiques. J’apprends aujourd’hui avec un Polaroid 600SE que j’adore. Il me permet de photographier en Polaroid et avec du 120mm, dos 6×9 !

Votre drogue préférée ?
Théo Le Foll : La pellicule, le sel d’argent. Je me nourris de ça. J’en ai pleins dans le frigo. Je trouve qu’il y a quelque chose de plus brut et de plus vivant dans l’utilisation de la pellicule. Quelque chose que l’on ne peut trouver dans le numérique. De l’appareil photo au développement de l’image, l’ensemble du processus d’utilisation de la pellicule donne plus de sens à la photographie.
Et j’aimerais rajouter la Femme avec un grand F. Je la trouve magnifique, douce et élégante. Sans elle je ne pense pas que je serais photographe aujourd’hui.

© Théo Le Foll

Le meilleur moyen de déconnecter pour vous ?
Théo Le Foll : Faire des photos, je pense.
La photographie me permet de m’exprimer, de m’évader, de comprendre, d’expliquer et, surtout, de me sentir vivant. Elle représente pour moi quelque chose de très profond et de très personnel.
Elle me permet d’arrêter le temps, de capturer des émotions et de les stocker dans une valise qui me suivra toute ma vie. Je suis très nostalgique, et j’adore m’assoire sur un banc et ouvrir cette valise quand je veux me souvenir « du bon temps ».
J’aime archiver.
Lorsque je vois une scène que je veux photographier, je le sais tout simplement, je le sens. Je ressens cet équilibre, je m’arrête et j’appuis sur le déclencheur sans trop réfléchir pour ne pas compliquer les choses.
Je suis attiré par l’instant, par les couleurs et la façon dont elles sont restituées sur un film. Mais par dessus tout, je suis un amoureux inconditionnel du Noir&Blanc.\

Quelle est votre relation avec l’image ?
Théo Le Foll : L’instant présent. Je suis très sensible et j’adore photographier toute sorte d’actions et de mouvements qui m’intriguent et provoque en moi une montée d’adrénaline. Prendre une photo par surprise, en cachette ou dans le flou de l’action est extraordinaire car il n’y a pas plus naturelle.
Henri Cartier-Bresson disait : « Photographier, c’est une attitude, une façon d’être, une manière de vivre ». En ce qui me concerne, j’ai une perception différentes des choses, je m’intéresse à tout, j’adore voyager, rencontrer, apprendre, et même galérer. Alors je n’ai pas peur de me faufiler à droite ou à gauche pour avoir la photo que je veux. Chaque expérience est bonne à prendre. La photographie me permet de ne pas oublier que le temps d’aujourd’hui n’est plus le même qu’hier, que le monde avance très vite.
En définitif, j’ai une sorte de relation très toxique et en même temps amoureuse avec l’image ! Elle m’a permis de découvrir des endroits incroyables, de me retrouver des situations relativement périlleuses quelques fois et magnifiques en même temps.

Votre plus grande qualité ?
Théo Le Foll : Je pense être curieux.

Votre dernière folie ?
Théo Le Foll : Je me suis lancé dans « l’évènementiel ». J’adore connecter, fédérer les gens, mes amis, les artistes et collaborateurs autour de moi. Et j’ai toujours eu envie de créer ce type de projet afin de pouvoir mélanger différents domaines artistique autour d’une idée principale, qui est la folie ! C’est ainsi qu’est né « A LA FOLLIE », une rencontre entre la photographie et la musique de manière intergénérationnelle. La 2eme Edition a eu lieu en Septembre dernière et je travaille sur la prochaine qui sera encore plus folle.

Une image pour illustrer un nouveau billet de banque ?
Théo Le Foll : Si je dois en choisir une parmi les miennes, ce serait celle-ci. Je l’ai réalisé pour une campagne de vêtements et je la trouve très forte.

© Théo Le Foll

Le travail que vous n’auriez pas aimé faire ?
Théo Le Foll : Travailler devant un écran, j’ai besoin de bouger, je peux pas rester en place.

Votre plus grande extravagance professionnelle ?
Théo Le Foll : Je suis parti du jour au lendemain avec la marque « Casablanca » pour réaliser un shooting au Mexique, et après 3 jours de travail relativement intenses, je suis parti à Mexico où je suis resté un an.

La ville, le pays ou la culture que vous rêvez de découvrir ?
Théo Le Foll : Il y a New York évidemment. Je sais que j’irais là-bas lorsque ce sera le bon moment pour moi. Mais, je rêve aussi de traverser le désert d’Atacama. Il s’agit du désert le plus pure au monde. Un jour, j’en suis convaincu, je ferai des images là-bas. J’y tiens vraiment.

L’endroit dont vous ne vous lassez jamais ?
Théo Le Foll : Le Costa Rica, j’ai eu la chance de découvrir ce pays et c’est pour moi, le paradis sur terre. C’est simple, Pura Vida.

Votre plus grand regret ?
Théo Le Foll : D’avoir du rompre ma relation avec mon père entre mon adolescence et aujourd’hui afin de lui faire comprendre que ce que je faisais avait du sens. Je suis très heureux qu’il le reconnaisse aujourd’hui.

En termes de réseaux sociaux, êtes-vous plutôt Instagram, Facebook, TikTok ou Snapchat et pourquoi ?
Théo Le Foll : Alors c’est assez contradictoire mais je n’aime pas du tout les réseaux sociaux alors que je les utilise au quotidien. Ils sont à mon sens très dangereux pour ma génération et pour la société. Mais, en même temps, ils sont aussi un des outils de communication les plus puissants. A titre personnel, je suis beaucoup sur Instagram. Il faut savoir l’utiliser de manière intelligente, c’est de l’investissement sur le longs terme, afin de créer une communauté avec qui partager votre vision des choses, vos envies et votre art. Pour moi, plus vous êtes vrai, plus votre contenu sera intéressant. Mais plus le temps passe, et plus je meurs d’envie d’exposer et de montrer mes photos sur un vrai mur, et non sur celui des réseaux sociaux.

Couleur ou N&B ?
Théo Le Foll : Si je dois vraiment faire un choix, je vous répondrai Noir&Blanc sans aucun doute. Il n’y a rien de plus puissant en images qu’un portrait en Noir&Blanc. Je parle toujours d’argentique. J’utilise la mythique Kodak TRIX400, c’est extraordinaire en terme de contraste et de douceur avec une belle palette de noir, de blanc et de gris. Je ne me lasserai jamais de cette image que j’ai réalisé lors de ma première campagne pour Paco Rabanne. Le noir et blanc a une trop grande importance pour moi. Cette image illustre parfaitement la symbiose entre la mannequin et moi. En une fraction de seconde la douceur et le naturel de la pose n’ont fait qu’un. La définition de ce grain est juste magnifique.

Lumière du jour ou lumière artificielle ?
Théo Le Foll : Lumière du jour sans hésitation. La plus grande responsabilité pour moi en tant que photographe est la compression de la lumière. La lumière est un élément tellement important, il faut arriver à la voir, à la comprendre, à l’étudier, à la sentir et à l’utiliser. Elle est souvent très compliquée à maitriser. Mais, je ne vous cacherai pas que j’adore aussi travailler au flash de temps à autre.

Quelle est, selon vous, la ville la plus photogénique ?
Théo Le Foll : Lorsque je réalise des images en ville et que je fais ce que l’on appelle de la street photographie, je suis toujours très attiré par le mouvement, la culture, l’architecture et surtout la lumière. Mexico City est selon moi une des villes les plus intéressantes à photographier. Mais je sais aussi que j’adorerais New York, que je ne connais pas encore et que j’ai hâte de découvrir.

© Théo Le Foll

Si Dieu existait, lui demanderiez-vous de poser pour vous, ou opteriez-vous pour un selfie avec lui ?
Théo Le Foll : J’aimerais le prendre en photo à son insu.

Si je pouvais organiser votre dîner idéal, qui serait à table ?
Théo Le Foll : Ma grand-mère, Peter Lindbergh, Helmut Newton, Henri Cartier-Bresson et Kate Moss.

L’image qui représente pour vous l’état actuel du monde ?
Théo Le Foll : Cette image dont je vous ai déjà parlé plus haut,l a photographie du couple âgé, se tenant dans les bras, effrayé de ce l’avenir allait bien pouvoir leur apporter.

Qu’est-ce qui manque dans le monde d’aujourd’hui ?
Théo Le Foll : De la liberté et de réelles relations humaines au sein de ma génération que je trouve trop digitalisée. J’aimerais pouvoir nous ramener dans les 70’, des années que je qualifierais de folles !

Si vous deviez tout recommencer ?
Théo Le Foll : Si je devrais tout recommencer, je ne recommencerais pas !

Le mot de la fin ?
Théo Le Foll : Bendita Locura.

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