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Emile Hyperion Dubuisson

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Loin. Peut-être même sur la Lune, si l’on en croit la première photographie du livre, pâle, toile de Rothko noir et blanc à l’horizon droit découpant deux immensités planes dans une brume épaisse. Le texte en cyrillique nous révèle que c’est en Russie. En Sibérie, apprend-on en page suivante à la lecture de la traduction du joli texte de Boris Mikhailov, qui fait de la grisaille le premier mot de son énumération poétique de la région. Vient ensuite la verdure, celle de ces forêts si denses et inaccessibles que des catholiques orthodoxes découverts en 1978 lors d’une mission de reconnaissance n’avaient jamais entendu parlé de la Seconde Guerre mondiale (http://lc.cx/5ff). Dans les paysages d’Emile Hyperion Dubuisson, la démesure de la taïga se devine dans les maisons ou les piles de bois, planches ou trophées de rennes qui s’accumulent dans l’aridité gelée comme les peaux de zibelines, les saumons et les saucisses dans les celliers. “Neige et taïga, solitude et liberté, sévérité et romance”, se poursuit le lexique émotionnel de Mikhailov. C’est cette Sibérie que le jeune assistant vidéo découvre à 18 ans, ahuri par ces jours sans soleil, ces tempéraments rugueux et ces températures qui interdisent toute errance prolongée. Il s’improvise alors photographe, bravant les conditions pour collecter quelques souvenirs de cette expédition hors du monde. L’eau glacée de Moscou a ruiné les films qu’il a tenté de développer. Les marques filamenteuses laissées par ce laborieux processus accentuent les lignes du climat rigoureux, étouffant le paysage dans une volée de hachures floconneuses et ondulant de dunes imperceptibles les étendues monochromes et vides. Avec son amateurisme avoué, le livre est une éloge de la spontanéité, des accidents. De l’éditing aussi, qui nous guide dans cette intrigue feutrée où des silhouettes romantiques arpentent les voies blanches et moelleuses que l’on atteint seulement par hélicoptère, traineau ou autoneige. Des caméras surgissent, des rires explosent, chacun s’affaire à défier le temps pétrifié par l’isolement sans parvenir à troubler le silence. Ca laisse démuni et rêveur, comme semble l’exprimer, en milieu d’ouvrage, un renne monocorne enfoui dans la neige et le flanc de son compagnon.


Emile Hyperion Dubuisson

“Far”
Editions ADAD Books, Londres
96 pages
35 £

http://adadbooks.com
http://emilehyperiondubuisson.com

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