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« Profession Photographe » par Thierry Maindrault

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Chronique de Thierry. 

La technique photographique possède un nombre d’outils incroyables pour permettre de figer le temps et l’espace avec l’aide de la lumière. Bien évidement les utilisations de cette technique ont trouvé un nombre d’usages considérables. C’est ainsi que tout naturellement il s’est développé un nombre de métiers importants dans lesquels la maîtrise, partielle ou totale, des outils de la photographie était requise. Comme pour la médecine, le photographe de quartier (avec pignon sur rue) était le généraliste qui traitait tous les petits problèmes locaux de la photographie, de l’identité à la photographie mortuaire, de la photographie d’école aux scènes de la vie locale, sans oublier les réalisations exceptionnelles de son voisin artisan sabotier ou tailleur. Et puis, il y avait tous les grands spécialistes de l’architecture ou des portraits anthropométriques, des expériences scientifiques ou de l’ethnographie, du reportage (grand reportage ou gazettes) ou de la mode, et encore de l’industrie ou des portraits de célébrités, de paysages ou de crimes, de la zoologie ou de la réclame, etc. La plupart furent de grands professionnels dont il nous reste des images remarquables, sur plus d’un siècle. Il faut dire que la symbiose de la trilogie était de règle : un sujet bien appréhendé, une maîtrise technologique affûtée et un sens de la pensée créative adaptée.

Que reste-t-il de tous ces professionnels profondément ancrés dans tous les aspects des univers économiques, scientifiques et culturels ? Soyons francs il ne reste plus grand monde. Comment expliquer cette disparition si rapide en deux ou trois décennies ? Alors que la planète globalisée produit, consomme et détruit les images par centaines de millions chaque jour.

Je ne prétends pas être exhaustif, mais j’aime trouver les bases originelles des évolutions de la mouvance humaine.

Incontestablement, comme dans une multitude d’autres technologies, le passage des systèmes de reproductions analogiques vers l’autogestion des processus numériques est un des piliers essentiels à la mutation des comportements. La connaissance ne se transmet plus d’un individu à un autre, le processeur du matériel possède la connaissance nécessaire pour que son utilisateur pense savoir tout faire : donc il est compétent. C’est ce qu’on réussit à lui fait croire pour vendre le système. Laissez votre intelligence s’assoupir tranquillement à la maison puisque l’intelligence artificielle s’occupe de tout. La photographie est aux avants postes puisque maintenant le matériel programmé appuie seul sur son déclencheur, pour nous, après avoir décidé quelle partie de l’image doit être nette, celle qui doit restée floue, toujours pour nous, et si la couleur du fond doit être modifiée, encore pour nous. Le boitier décide jusqu’à l’instant précis de la « sortie de l’oiseau » de l’appareil et s’il en fait sortir plusieurs (des oiseaux !) c’est toujours le même appareil qui décide de l’image qu’il retient et il détruit les autres. Il n’y a plus de place pour le photographe. Il est à noter que cela est identique pour le laboratoire (devenu post product et embellissements).

Et puis, la «complexification» administrative, sociale et juridique. Plus rien n’est possible, tout est réglementé. Même sorti de l’école brillamment diplômé, j’étais heureux de pouvoir travailler pendant un an bénévolement comme assistant du grand Monsieur Lafortune, cela n’est plus légalement possible ! Idem, il n’était pas obligatoire de mettre en branle dix nacelles et les filets de sécurité pour constater une fissure dans un mur. Il n’était pas nécessaire d’avoir deux secrétaires, un attaché de presse et un manager « artistique » pour travailler. En prises de vues, les plus grandes vedettes qui n’étaient pas elles même entourées d’une bande de gardes du corps. Belle ambiance pour réaliser le portrait qui va bien.

Enfin, la pseudo démocratisation professionnelle qui permet de faire croire à tout un chacun qu’il est omni compétent comme musicien, photographe, électricien ou cuisinier (vive le robot cuiseur). Une petite franchise par ici, une petite formation associative par là et vous êtes devenue une styliste hors pair, un disc-jockey inoubliable ou un « Cartier Bresson » inimitable. Plus personne ne se souvient de vos réalisations six mois après ; mais, quelle importance puisque vous aurez déjà changer de profession. Enfin, tout n’est pas perdu … surtout pour les petits malins qui lèvent quelques millions en bourse pour pouvoir prélever une dîme substantielle sur chaque geste photographique que vous aurez entrepris.

Je vous ai évoqué la trilogie qui a fait une myriade de bons photographes professionnels dans un éventail presque infini d’activités, je viens de poser la trilogie mortifère des métiers de la photographie. Car tous disparaissent les uns après les autres, tous, même les paparazzi puisque les «people» prennent eux mêmes cette petite image croustillante qui inondera le maléfique réseau des communications numérisées. L’ingénieur, le cuisinier, la professeure, l’agriculteur, le routier, la scientifique, tous prennent par eux mêmes leurs photographies qui iront bien. N’est ce pas merveilleux ? D’autant que le seul critère qui fait encore la différence : la vraie qualité, tout le monde s’en moque.

Alors que reste-t-il de nos amours pour la photographie? Il y a encore la création photographique, tout le monde en parle, en permanence tout le monde m’en parle. Aujourd’hui, tout le monde est un Artiste et ils doivent presque tous le penser car on les entend l’affirmer haut et fort, soutenus par des courtisans nullement désintéressés. La Photographie soutient la Création, même si ce n’est pas encore de l’Art, c’est évident. Mais cela sera un autre débat.

12 octobre 2020

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