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Mois de la Photo OFF 2014 : « Avers et revers sensible » à la Topographie de l’art

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L’espace Topographie a invité et donné carte blanche à Catherine Rebois, artiste photographe, pour être commissaire de l’exposition Avers et revers sensible et concevoir le catalogue qui l’accompagne.

Avers et revers sensible a pour ambition première de faire naître un dialogue, une rencontre avec le travail photographique des artistes réunis à cette occasion, dans cet espace, autour de la question du sensible. Qu’est-ce que le sensible ? Il s’agit d’interroger cette notion et d’envisager ce que ces photographes en font, mais aussi ce que chacun d’entre nous, spectateur des œuvres, y entrevoit, comme expérience à vivre et à s’approprier, en venant voir et visiter cette exposition. Tout ce qui est relatif au sensible n’étant pas nécessairement de l’ordre du subjectif. Il s’agit plutôt d’envisager de façon objective les chemins qu’empruntent ces artistes qui nous amènent à nous questionner sur la perception, l’émotion, la réalité et le vécu au sein d’un travail artistique. Comment le sensible s’exprime avec la photographie ?

Le sensible n’est pas une idée vague que chacun pourrait percevoir, sans réellement la saisir. Le sensible nous touche et c’est bien en cela qu’il pose “problème”. Il l’est encore plus pour l’artiste, car c’est avant tout la vie réelle, “le réel pur” comme le nomme Deleuze, qui interpelle en tant que sujet en jeu dans une œuvre, mais aussi comme terrain commun pour une reconnaissance d’un monde problématique et politique. Le sensible est donc cet espace qui rend possible et qui déplace les limites de la compréhension pour chacun. Il donne, en tant qu’expérience sensible, la possibilité d’élargir un champ de perception et de connaissance. Le sensible est de ce fait une composante en puissance et à part entière d’un réel avec lequel il faut négocier. Afin de poursuivre ce dialogue, une table ronde ayant pour thème “du sensible à la photographie contemporaine“ aura lieu le 29 novembre.

Le commissariat de cette exposition a été conçu de l’intérieur, en tant qu’artiste photographe qui expose également. C’est une position revendiquée : elle y introduit d’autres valeurs et déplace un point de vue et un questionnement qui ne restent plus extérieurs au processus artiste lui-même. Il a été réalisé en tenant compte de différents paramètres. Celui, entre autres, lié à la photographie et à sa forme. La photographie est dite sensible, le sensible est intrinsèque à ce médium, car une photographie se révèle et “révèle”. Aussi chacun entretient avec le sensible un rapport qui lui est particulier. Le sensible n’est pas visible, il se travaille sous différentes formes d’approches dans les œuvres, il travaille également le spectateur. Est-ce à dire qu’il est forcément une composante à l’œuvre ? Chacune des photographies exposées et accrochées ont été envisagées en respectant les univers, les réalités et les imaginaires respectifs de ces artistes. Ils peuvent paraîtres éloignés les uns des autres, à juste titre, et il fallait les confronter pour envisager ce questionnement sur le sensible. C’est tout le propos de cette exposition, l’enjeu étant de comprendre à quel point cette notion est délicate à s’approprier pour le photographe en premier lieu et pour le spectateur. Topographie de l’art est un lieu d’exposition incroyable, puissant, ce n’est pas un “white cube” où le rapport au mur reste sans embûche, c’est un espace qui demande de la considération, car lui aussi travaille avec les œuvres.

La question reste donc bien là : sous quelle forme s’exprime le sensible ? C’est ce qui va particulièrement nous intéresser, comme dans le travail de Dorothée Smith, qui interroge le trouble et la question de “l’être”, ou dans celui de Patrick Tosani qui ne montre jamais de corps alors qu’il est au centre de la problématique. Dieter Appelt ou Antoine d’Agata envisagent ce questionnement sur le sensible, de face, de plain-pied, jusqu’à investir l’image corporellement. Andres Serrano ou Roger Ballen travaillent la mise en œuvre de l’image et son rapport particulier au sujet, ce qui met directement le spectateur au cœur de cette relation au sensible qui s’impose. David Nebreda met en jeu l’autoportrait, autoportrait salvateur puisqu’on assiste avec ce travail à une résurrection, forme singulière de réalité avec une constance biographique et un rapport au temps particulier. Ann Mandelbaum travaille l’ombre et les noirs pour y envisager des métamorphoses. Blanca Casas Brullet s’empare de l’atelier comme espace sensible et intime où apparaissent et disparaissent les images. Quant à moi, je réinvestis la narration et sa forme et pose un regard décalé, introspectif ou la question du corps reste bien présente.

Ce sont toutes ces confrontations photographiques et ces différentes approches créatives qui donnent sens et ampleur à l’exposition. Chacun de ces artistes va au bout d’une vérité sensible qui lui est propre. Il s’en dégage alors d’autres enjeux … comme celui de la forme. Ce sont donc les frontières du sensible pour la photographie qui sont explorées ici. Mais les frontières existent-elles réellement ? Pourquoi ne pas envisager les liens et passages entre les genres et porter à notre tour un regard sensible sur ces survenances photographiques, car « regarder n’est pas une compétence, mais une expérience »[1].

Catherine Rebois

[1]Didi-Huberman à propos d’Histoire de Fantôme, Palais de Tokyo, 2014.

EXPOSITION
Dans le cadre du Mois de la Photo OFF
Avers et revers sensible

Jusqu’au 10 janvier 2015
Topographie de l’art
15, rue de Thorigny
75003 Paris
T. 01 40 29 44 28
Photographes : Antoine d’Agata, Dieter Appelt, Roger Ballen,
Blanca Casas Brullet, Ann Mandelbaum, David Nebreda,
Catherine Rebois, Andres Serrano, Dorothée Smith, Patrick Tosani
Commissaire : Catherine Rebois
Entrée libre du mardi au samedi de 14h à 19h

EVENEMENT
Conférences et table ronde
Samedi 29 novembre 2014 de 14h30 à 19h avec :
Alain Chareyre-Méjan, philosophe : “l’étrangeté” du sensible ; Zoé Forget, photographe et chercheure : le sensible contemporain, au risque de sa visibilité ; Géraldine Millo, photographe et chercheure : l’écorchure et le document photographique ; Françoise Paviot, galeriste et commissaire ; Catherine Rebois, artiste photographe et chercheure : avers et revers sensible ; Hortense Soichet, photographe et chercheure : les territoires du sensible ; Patrick Tosani, artiste photographe, Julien Verhaeghe, enseignant en esthétique et critique : l’existence photographique, ou que peut le corps ; Christiane Vollaire, philosophe : l’émotion documentaire ; et la participation de certains des artistes exposés.

www.topographiedelart.com

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