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Les cinq ans du Bronx Documentary Center

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Bronx rime encore pour beaucoup avec ghetto et criminalité. Mais le Bronx Documentary Center, créé en 2011, fait partie de ces initiatives qui font tomber les frontières et les préjugés, en créant du lien social et en valorisant une communauté en s’appuyant sur la photographie documentaire.

Installé dans le célèbre quartier du Bronx où New-Yorkais et touristes évitent de s’aventurer depuis des décennies, le Bronx Documentary Center (BDC) est un espace dédié à la photographie documentaire qui a réussi en cinq ans le pari de rassembler habitués de la sphère photographique et habitants curieux, autour de questions sociales et culturelles contemporaines. « À Chelsea, on ne voit que des Blancs aux vernissages d’exposition. Les seules personnes de couleur présentes sont celles qui font le service », s’indigne Michael Kamber (propos recueillis en 2014), photojournaliste et cofondateur du BDC avec Danielle Jackson, ancienne directrice culturelle de Magnum Photos New York.

Les missions du BDC : traiter des questions de justice et de progrès social à travers le documentaire, familiariser et former les communautés négligées du Bronx à la photographie et mettre en lumière le travail de photographes et cinéastes aussi bien émergents, que de renommée internationale. Avec sa vitrine donnant directement sur la rue, le BDC est un lieu familial, à but non-lucratif, où il fait bon regarder, lire, apprendre, rencontrer et échanger.

C’est à son retour d’Irak début 2011, où il a couvert la guerre pour la presse américaine, que Michael Kamber a concrétisé son envie de créer un espace dédié au documentaire. Un projet auquel avait participé son ami Tim Hetherington, photographe nommé aux Oscars pour son film Restrepo et tué à Misrata, en Libye, le 20 avril de la même année. Le lieu s’est imposé naturellement. « J’habite ici depuis les années 1980. La communauté du Bronx est l’une des plus pauvres des États-Unis, précise-t-il. Il n’y a pas beaucoup d’espaces culturels. Les médias ne s’y déplacent le plus souvent que pour rendre compte d’histoires dramatiques et peu de projets y sont créés pour ses habitants. Nous essayons d’initier des discussions approfondies en nous servant de la photographie documentaire et du journalisme, et de nous attaquer aux problèmes qui touchent les populations locales. Nous n’avons pas l’ambition de mener une réflexion à l’échelle nationale, mais nous pouvons au moins en amorcer une ici. »

Depuis cinq ans, le Bronx Documentary Center organise 4 expositions par an, souvent multidisciplinaires, une trentaine de tables rondes, de nombreuses projections documentaires, des lectures de portfolios et une fois par mois, des ateliers : ces animations sont gratuites et ouvertes à tous. Le centre propose même des événements spéciaux pour les vacances de Pâques, la Saint-Valentin ou la fête des mères – des familles peuvent venir se faire photographier par un professionnel et repartir avec un tirage gratuit. Une programmation intense et pointue, dont plusieurs expositions ont été remarquées, comme Visions : Tim Hetherington (2012), en hommage au photographe, et Invasion : Diaries and Memories of War in Iraq (Invasion : journal et mémoires de guerre en Irak, 2013), qui mêlait photographies de Gary Knight, écrits du reporter Peter Maass pour le New York Times et le journal de guerre du lieutenant américain Timothy McLaughlin. La dernière en date ? Eugene Richards, Below The Line : Living Poor in America, une série de photographies de ce célèbre photojournaliste qui dépeint l’Amérique pauvre dans les années 1980.

Le chantier de l’éducation

Les ateliers peuvent être animés par des spécialistes aguerris, comme la photographe Stephanie Sinclair, de l’agence VII, ou le documentariste Ross Kauffman. Au programme des documentaires projetés : Everybody Street, de Cheryl Dunn, un documentaire passionnant sur la tradition de la photographie de rue aux États-Unis, From Fatherless To Fatherhood : The Impact of Paternal Absence on Black Families (De l’absence de père à la paternité : l’impact de l’absence paternelle dans les familles noires), Park Avenue : Money, Power & the American Dream (Park Avenue : argent, pouvoir et rêve américain), ou encore Fela Kuti : Music Is the Weapon (Fela Kuti : la musique est une arme), qui rappelle l’engagement politique du chanteur nigérian.

De par son implication sociale, le BDC privilégie un grand chantier : l’éducation. Il noue ainsi d’étroites relations avec les établissements scolaires voisins. « Un jour, une classe est venue voir l’exposition de Ben Fernandez (en 2014), se souvient Michael Kamber. Nous avons eu une discussion sur le fait de manifester, sur les différences entre hier et aujourd’hui, ce qui doit changer aussi. » Danielle Jackson poursuit : « Lorsque nous avons organisé l’exposition Refugee Hotel (Hôtel pour réfugiés, 2013), de Gabriele Stabile, qui montrait les difficultés des réfugiés dans notre pays, une jeune fille malienne nous a dit qu’elle comprenait désormais pourquoi sa mère ne lui accordait guère d’attention : elle travaillait dur pour lui offrir une vie normale. C’est exactement ce que nous cherchons : que des gens voient leur propre vie dans les photographies. C’est une chance pour eux de se regrouper et d’en parler. »

Le BDC se veut également un pont entre les médias et les photographes du Bronx, tentant de créer pour ces derniers, isolés avant sa création, de réelles opportunités. « Il y a dans le Bronx de véritables talents et une vraie histoire de la photographie sur plusieurs décennies, explique Michael Kamber. Parmi les jeunes qui s’affirment, Edwin Torres, 26 ans, que nous avons pris sous notre aile, est devenu photographe professionnel et pigiste régulier pour le New York Times. »

Ces actions et manifestations sont possibles grâce à un modèle économique diversifié mais fragile. Au soutien financier de mécènes, tels la fondation Ford et l’État de New York, s’ajoutent les donateurs individuels (35.000 dollars récoltés en 2014 par crowdfunding pour financer le programme à venir), sans oublier le bénévolat et les aides en nature, indispensables au début de l’aventure. Après cinq années d’existence, au carrefour entre les cultures, les classes sociales et les disciplines créatives, le BDC a permis au Bronx de s’ouvrir au monde et de changer de l’intérieur le regard que l’on porte sur lui.

Jonas Cuénin

http://bronxdoc.org/

Le Bronx Documentary Center fête ses cinq ans et récolte des fonds pour son avenir lors d’une vente aux enchères de photographies le jeudi 13 octobre 2016. Les œuvres de plus de 40 photographes de renommée internationale et émergents seront proposées : Peter Van Agtmael, Donna Ferrato, Ed Kashi, Eugene Richards, Nina Robinson, Damon Winter, Ricky Flores ou Edwin Torres. Les recettes financeront des programmes éducatifs, des expositions et des programmes publics. Nombre de photographes – dont certains font partie des plus influents du photojournalisme, du portrait, paysage et de la photographie documentaire – ont donné leurs images pour cet événement.

Pour l’occasion, le BDC s’est associé avec la maison de ventes Paddle8. Pour vous inscrire et commencer à enchérir, rendez-vous sur Paddle8.com. Les enchères seront clôturées le 13 octobre à 21h.

Les images de ce portfolio seront en vente durant cet évènement qui se tiendra à la Brooklyn Brewery ce jeudi 13 octobre. 

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