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Laurent Millet aux Beaux-Arts d’Angers

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Un squelette de petit oiseau dérive dans le courant ondoyant d’une rivière, les tendons intacts relient les os entre eux, une aile est restée. Poétique et naturaliste, la vidéo Ô gué, ma mie, ô gué (2006), ouvre la grande exposition que le musée des Beaux-Arts d’Angers consacre à l’œuvre de Laurent Millet. Sous la houlette de Christine Besson, conservateur en chef aux musées d’Angers, 200 pièces, dont trois vidéos et une sculpture, retracent dix-sept ans de la carrière d’un photographe à la pratique profondément originale.
« Laurent Millet est une figure assez rare de cet équilibre entre une histoire spécifique de la photographie et l’association de celle-ci à toutes les pratiques artistiques », dit de lui Michel Poivert dans le catalogue. 

Trois espaces — dans une belle scénographie de Pascal Rodriguez, qui passe du gris foncé, au gris clair puis au blanc — rassemblent trois grands ensembles. Ils soulignent l’importance des séries dans le travail de Laurent Millet : des séries qui ne sont pas conçues comme une variation sur un même thème mais plutôt comme une volonté d’environner le monde d’une multitude de petits mondes, d’aventures singulières, à l’aide de temporalités et de moyens plastiques différents.

Le premier ensemble, le plus important, montre ses constructions dans le paysage, souvent l’estuaire de la Gironde : un paysage fantomatique, mouvant, liquide, que ses assemblages fragiles réinterprètent et modifient. Des Petites machines littorales (1997), la série fondatrice, à L’Herbier (2008-2011), en passant par La Chasse (2002) ou Windtraps (1998), on retrouve un registre d’inventivité, une sorte d’inventaire qui évoque l’encyclopédie ou le cabinet de curiosité et raconte un rapport à la nature à la fois imaginaire et concret. Dans Mon histoire avec les pierres (1999), par exemple, l’artiste s’insère dans l’image, environné de mots et de pierres, dans un genre qui rappelle les planches scientifiques du XVIIIe. Les fils de fer usagés de Please hold the line (2009) sont posés sur l’eau sur laquelle ils forment un dessin à la fois improvisé, tremblant et travaillé, qui tient des pièges des premières séries comme de l’œuvre abstraite. Dans Les Tempestaires (2004), Laurent Millet utilise la vidéo dans un désir de capturer des moments qu’il ne met pas en scène lui-même : scènes de chasse, personnages qui se promènent, cheval sous la tempête…

Le second groupe rassemble les expériences qu’il mène dans son atelier, plus proches du dessin, de la fiction et de l’exploration d’un espace intime. L’architecture, les intérieurs y tiennent une place plus importante. On y retrouve deux des séries exposées à la Galerie Particulière : Les derniers jours d’Emmanuel Kant (2008-2009), dans des grands formats produits pour l’occasion, et Translucent Mould of me (2013). À leurs côtés, les dessins et objets hétéroclites et suspendus des Zozios (2003) soulignent cette part d’enfance et de jeu indissociable du travail du photographe.

Dans le troisième espace, les formes noires jouent avec la transparence et une inscription différente dans le paysage, loin de la précarité des premières constructions. Une superbe série d’ambrotypes petits formats, Polyèdres (2009-2011), aligne des formes géométriques sombres et précieuses. Les Monolithes (2002) se dressent contre le paysage, menaçants, majestueux et mélancoliques. Alors que dans La Zone de balancement (2013), les formes noires s’enfoncent dans la vase, ou en émergent selon ce que l’on veut y voir. Au milieu de l’espace, une monumentale sculpture en bois à la surface brûlée et noire évoque le studio de Thomas Edison, surnommé la « Black Maria », et une usine qu’il essayait de construire. Les dernières images, Je croyais voir un piège (2012), laissent toute la place à une nature luxuriante, à une autre lecture du paysage : une photographie d’une carrière de pierre de taille abandonnée, dans laquelle les cavités créent une architecture par défaut envahie de verdure ; et une autre dans laquelle il s’inspire de la chasse aux toiles, une technique de la Renaissance qui consiste à disposer des toiles dans les bois pour orienter les animaux. Laurent Millet a remplacé ces toiles par des cordes qui forment des cadres sans modifier ni occulter les bois.

L’exposition se conclut sur un unique polyèdre de la série Somnium (2014), montrée à la Galerie Particulière, qui est aussi le manifeste de l’exposition et la couverture du catalogue. La boucle est bouclée.

 

EXPOSITION
Laurent Millet : Les enfantillages pittoresques
Jusqu’au 16 novembre 2014
Musée des Beaux-Arts d’Angers
14, rue du Musée
49100 Angers

http://musees.angers.fr

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