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Gaspésie 2020 : Lara Gasparotto

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Kaléidoscope extatique

Une typologie du corpus d’images de Lara Gasparotto fait apparaître l’insistante figure de la femme : jeune, sensuelle, recueillie, parfois jusqu’au repliement. Ce sont elles, ces figures immatures et sexuées, qui permettent de mettre en contact l’intime et les représentations symboliques du monde. On décèle toute une chorégraphie qui est une quête du dépli : comment sortir du fœtal et de ses projections grandioses qui remplacent l’expérience propre du monde ? Comment se jeter à l’eau, cette autre figure récurrente de l’exposition ? Nage, bain, plongeon : autant de scènes de baptême au sens physique du terme grec baptein, « plonger dans un liquide ». Jusqu’à l’idée même du rituel sacré : une silhouette féminine vêtue de lamé semble verser un peu d’eau sur la tête d’un homme au torse nu. L’ondoiement, cette cérémonie simplifiée du baptême, serait une des clés de l’exposition et du livre de Lara Gasparotto. Une suite de baptêmes des désirs, des rituels à la fois érotiques et sacrés, des images de fantômes aussi et des paysages inquiétants. Ici, toute intimité qui se révèle est un geste sacré.

 

Lara Gasparotto pratique la photographie sous une forme chamanique. Certes, les vues qu’elle conserve de ses voyages et de son quotidien ont le caractère brut d’une expérience vécue, mais loin de tout naturalisme elles contiennent les traces d’un sacré. C’est ainsi que Lara Gasparotto semble douter du monde et croire aux extases. Mais les extases concernent les régimes d’images avant même les corps convulsifs, et pour parvenir à ces tensions, la photographe pratique un art de la mise en présence de types de photographies différents, voire opposés.

Le travail de la photographe procède d’une dynamique des rapports entre les images. Pour sa génération, le noir et blanc et la couleur, l’image posée et l’image instantanée, le style documentaire ou bien la recherche symbolique, la reproduction et l’original se conjuguent sans cesse, ignorant les catégories et les écoles. Une image vernaculaire, une référence historique ou bien encore un montage fortuit, voire une négligence technique ne sont jamais pensés en termes de valeur aux côtés d’un portrait ou d’un paysage. On pourrait le dire aussi des schémas rhétoriques : pas de narration à proprement parler ni de chronique quotidienne, ou bien, à l’inverse, de séquences conceptuelles thématiques ou littéralistes… l’univers du travail de Lara Gasparotto participe de cette réinvention de la grammaire photographique au début du XXIe siècle.

L’artiste aime à rappeler le caractère intuitif de sa pratique. Les voyages et les proches, les impressions et les hasards qui peu à peu révèlent un univers poétique. Lara Gasparotto parvient ainsi à produire une représentation du monde à partir d’une tonalité intimiste. Ce passage du prosaïsme au symbolisme, du quotidien aux élans parfois mystiques, se joue donc aussi bien dans l’iconographie insistante que dans l’hétérogénéité des catégories visuelles : l’extatique naît ainsi d’un kaléidoscope de pratiques visuelles qui ne cesse de recomposer les figures du désir.

 

Lara Gasparotto à Percé

 Exposition

Kaléidoscope extatique

Secteur historique Charles-Robin du parc national de l’Île-Bonaventure-et-du-Rocher-Percé | Près de la rue du Quai | Percé

 

Lara Gasparotto, Angleur (Belgique) | laragasparotto.com

 

https://www.photogaspesie.ca/

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