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Henri Darricau, Entre flânerie et approche riante du Deadpan

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Un bout de macadam devient une peinture abstraite, des objets aux couleurs vives se superposent à la manière d’un collage, deux urinoirs résistent à l’assaut des graffitis, des nuages se bousculent dans un ciel matinal qui couve deux chaises longues au bord de l’océan, de rares personnages marchent sous une dentelle de béton comme si leur monde tenait dans ces courbes… Les photographies signées Henri Darricau ont la légèreté d’un haïku, parfois la puissance d’un tableau dont l’artifice est absent, quand elles ne se jouent pas du style neutre du Deadpan. Une invitation souvent malicieuse à voyager dans l’épaisseur des signes laissés par le temps. Ainsi, New York, Dubaï, le Mexique, la Nouvelle-Orléans, Moscou, le Mucem de Marseille, les colonnes de Buren à Paris…, sont entrés dans l’esthétique picturale de ce citoyen du monde. Par la lucarne de son œil, toujours enclin à s’émerveiller d’une enclave de réel.

Henri Darricau est un cueilleur d’instants, un semeur de questions, un photographe de rue un peu particulier. A la manière des premiers photographes et des impressionnistes, il promène son appareil photographique pour saisir des « impressions ». Il flâne, nomadise, presque flegmatique, guettant secrètement ce moment où la fulgurance a lieu : soudain, son œil est happé par la façon dont les matières, les lignes, les couleurs de ce fragment de monde, face à lui, se mettent à jouer entre elles. Ces reflets dans la vitrine, ces craquelures du macadam, ces tâches murales, ces hasards de trajectoires migrant l’une vers l’autre, se métamorphosent en personnages, en signes occultes… En un instant, la magie opère. L’œil du photographe explore alors l’architecture singulière d’un microcosme. En un clic, l’objectif le découpe de la grande toile du réel, immortalisant la composition. Voilà le fragment sauvé de l’indifférence, délivré du chaos, de l’oubli qui est le lot des choses. Unique. Presque surpris de s’être laissé saisir. Tout est allé si vite. Le temps de quelques prises de vue, deux ou trois tout au plus, et un bout du monde a pris forme, cerné dans un 24 x 36. L’œil de l’artiste glisse alors dans une joie vive, pure. A croire que l’architecture secrète des choses sait ravir l’âme. « C’est presque un tableau que je cherche », confie le photographe qui apprivoise une forme de liberté, de beauté, d’étrangeté, d’art caché dans les choses.

La recherche de cet impressionniste peut sembler éclectique, voire même hétéroclite. Elle répond en vérité à la même quête, au même désir : trouver le point d’équilibre dans le jeu des formes, dans l’aventure des lignes et des matières avec la lumière. Henri Darricau capture ce moment où sa psyché rencontre le réel. Et la sincérité de cette démarche d’auteur trouve écho dans une technique photographique très pure. Pas de mise en scène, de zoom ni de lumière artificielle, encore moins de retouche ou de recadrage. Juste une découpe du réel à l’état brut. Focale fixe et poésie de l’instant.

 

Caroline AUDIBERT, Journaliste – Auteure – Réalisatrice

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