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Génération Sipa : –Roger Auque

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Mai 1988
Mes années Liban

1976. J’ai 20 ans et je pars en stop sur les traces d’une fille au Liban. Une famille chrétienne qui fait le coup de feu m’héberge. Je me retrouve en pleine guerre sans rien y comprendre. Je croise des journalistes et des photographes. Je veux faire ce métier. Bientôt, je signerai mon premier reportage sur le Paris-Dakar pour VSD.

1982. C’est le siège de Beyrouth, l’intervention israélienne contre l’OLP, puis les massacres de Sabra et Chatila en septembre. À la fin de l’année, je m’équipe d’un boîtier. Je veux retourner au Liban et vais voir Gökşin. Il s’adresse à son assistante : « Donne-lui un boîtier en plus, 3 000 francs, un paquet de films et un billet d’avion. » Il me donne ma chance !

1983. Le 18 avril, j’interviewe Paul-Marc Henry, ambassadeur de France à Beyrouth, quand on apprend qu’un attentat vient de souffler une ambassade. « Je crois que c’est la mienne », lâche-t-il.

On se met à courir, entourés par les gardes du corps. C’est celle des États-Unis : 63 morts, dont 8 membres de la CIA. Premier photographe sur les lieux, j’envoie les images à Gökşin qui me félicite. Puis c’est la guerre du Chouf. Comme des chiens fous, on est capable de tout pour un scoop. Le 23 octobre, c’est l’attentat du Drakkar qui tue 58 casques bleus français et, presque simultanément, celui contre le contingent américain à l’aéroport : 241 victimes. En garantie pour Time, je couvre le second.

1985. Détournement du vol 847 de la TWA. Les journalistes sont évacués de l’aéroport. Avec le photographe Patrick Baz dont le père est chef d’escale d’Air France, on reste planqués dans un bureau, à 100 m de l’avion. On photographie les pirates qui font de la gymnastique sous la carlingue.

1987. En janvier, je suis enlevé par le Hezbollah. Otage pendant onze mois. À ma libération, je me prends en photo pendant que je me rase.

1988. Correspondant de RTL à Rome, je m’ennuie. Entre les deux tours de la présidentielle, la tension monte. Je reste en contact avec Jean-Charles Marchiani qui a négocié ma libération au Liban. Je sais qu’il œuvre à celle de Jean-Paul Kauffmann, Marcel Carton et Marcel Fontaine avec Iskandar Safa, un homme d’affaires libanais. L’épilogue est proche. « File au Hilton de Corfou. Prends une chambre sous un pseudonyme. On t’appellera », me dit-il. Après avoir écumé les distributeurs de billets des Champs-Élysées, je m’envole pour Corfou. Je suis M. Henry. Le lendemain matin, une voix féminine au téléphone : « Demain 23 heures, Salonique. » Elle m’indique aussi un hôtel. Je fonce, le ferry puis la route. Et j’attends. Dans ma chambre, à la télévision grecque, je vois s’afficher le nom des otages. Le soir, un coup de fil, et la voix féminine : « 23 heures à l’aéroport, confirmé. » Je m’y rends. La seule piste est plongée dans l’obscurité. Dans la petite tour de contrôle, un vieux Grec prépare son café sur un réchaud. À l’horaire prévu, un Falcon immatriculé en Suisse se pose pour son plein de kérosène. Une passerelle en descend. Un moment extraordinaire. J’aurai quinze minutes pour interviewer et photographier ceux qui sont un peu mes frères de chaîne. Je donne les films à Kauffmann pour Paris Match. « Tu vas arriver avant moi ! » Gökşin m’appelle : « Roger, tu fais partie de la famille. Tu dois me donner les films. On s’arrangera avec Paris Match. » Les premières images des otages libérés, signées Sipa, font la une de Paris Match.

Roger Auque

Biographie : Aujourd’hui ambassadeur de France en Érythrée, Roger Auque fut sur tous les fronts. Correspondant de guerre au Liban de 1982 à 1988 pour RTL, l’agence Gamma, La Croix, Radio Canada, il est pris en otage à Beyrouth en 1987 où il est détenu pendant près d’un an. Jusqu’en 2002, il couvre, pour Paris Match, Le Figaro Magazine et VSD, de nombreux conflits en Afrique, au Moyen-Orient et en ex-Yougoslavie. En Irak de 2003 à 2006 puis au Liban de 2006 à 2008, il est correspondant de guerre pour les chaînes TF1-LCI.

40 ans de photojournalisme – Génération Sipa
De Michel Setboun et Sylvie Dauvillier
Création graphique et mise en page : Grégory Bricout
© 2012, Éditions de La Martinière
239 pages – 39 euros

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