Rechercher un article

Galerie Michèle Schoonjans : Danielle Kwaaitaal : Still Water

Preview

La photographe Danielle Kwaaitaal (née en 1964 à Bussum près d’Amsterdam) est diplômée successivement de la Bijenveld Fashion Academy d’Amsterdam (1987) et de la Gerrit Rietveld Academy d’Amsterdam (1991). Pendant ses études, elle a découvert les possibilités de l’édition numérique lorsqu’elle a été autorisée à travailler avec la très coûteuse Paintbox lors d’un stage. Il s’agissait d’une puissante station de travail graphique développée en 1981 pour le montage de vidéos et de graphiques pour la télévision, dont le prix d’origine avoisinait les 600 000 euros (en termes actuels). Il va sans dire que Photoshop (qui n’a été commercialisé que vers 1990) n’était pas vraiment un concurrent à l’époque. Kwaaitaal a donc fait œuvre de pionnier, et son travail de fin d’études, Bodyscapes (1992), a été primé et acheté par le Stedelijk Museum d’Amsterdam.

La sensualité est la deuxième constante dans l’œuvre de Danielle Kwaaitaal, ou devrait-on dire la sensualité et féminité? Dans Bodyscapes par exemple, elle a créé des paysages en assemblant des images de sa propre peau. Elle y ajoute bientôt la troisième constante, l’eau: dans Bubbling de 1994, elle immerge des corps sous l’eau et photographie les détails avec les bulles d’air.

Cela reflète également la recherche d’un renouvellement du langage visuel, car pour Kwaaitaal, la réalité en soi n’est pas satisfaisante, la réalité est ennuyeuse, elle n’a rien d’exaltant.

Dès lors, ces éléments ne cessent de réapparaître dans des combinaisons variées et avec de nouveaux accents. Airheads (1998) sont des portraits sous-marins de personnes de la scène des clubs d’Amsterdam, suivis de FLO (2004), Wild Waters (2004), et Whispering Waters (2009) et Fallen Angels (2010). Dans ces deux dernières séries, il semble que la photographe prenne une position plus contemplative, et qu’elle soit à nouveau innovante. Elle précède la longue série de photographes contemporains qui représentent le corps féminin immobile, gracieux et dynamique sous l’eau.

À Bruxelles, la galerie Michèle Schoonjans présente une exposition intitulée Still Water avec trois séries récentes de Danielle Kwaaitaal : Florilegium (2017-2018), Ultraviolet (2020) et Zephyr (2021). Après quelques années de recherche, elle renoue avec sa démarche initiale telle que décrite ci-dessus.

Dans Florilegium, les fleurs coupées sont synonymes de sensualité. Florilegium est la traduction latine du mot grec Anthologion, qui signifie également Anthologie. En néerlandais, le mot original Anthologie apparaît vers 1750 sous la traduction « Lecture de Fleurs » (Bloemlezing), qui signifie en fait « Beauté choisie ».

Le sujet qu’elle aborde dans cette série, les fleurs coupées, reflète une autre tradition néerlandaise, à savoir les natures mortes de l’âge d’or des Pays Bas. Au XVIe siècle, une guerre fait rage aux Pays-Bas, alimentée par des différences politiques, religieuses et économiques. Une grande partie de la population du sud cherche la protection du nord une situation tout à fait comparable à ce qui se passe actuellement en Syrie ou en Ukraine. Les victoires militaires successives, l’expansion coloniale, la croissance économique, la philosophie fondée sur la responsabilité et l’engagement individuel et la stabilité politique du nouvel État ont assuré une période de prospérité et de bien-être à la bourgeoisie des Pays-Bas septentrionaux. La classe supérieure voulait également donner une forme à sa prospérité en achetant de l’art, mais sous la Réforme religieuse, elle s’est éloignée de l’imagerie catholique romaine. On préférait les scènes de genre et les natures mortes. Ce sont précisément ces dernières qui ont été très appréciées : elles soulignent la beauté mais témoignent aussi du caractère éphémère de la vie.

Florilegium suit cette tradition, sauf qu’elle ne choisit pas de faire les prises dimages dans un studio classique , mais immerge les fleurs dans des réservoirs d’eau construits pour elle. Elle ajoute de la couleur à l’eau, ce qui crée ensuite une densité (+ profondeur de champ) et une atmosphère spécifique. Les fleurs sont lestées de poids, et lorsqu’elle prend la photo, elle doit faire vite, car les bulles sur les fleurs apportent leur propre touche, que Kwaaitaal décrit comme des « cadeaux ».

Les deux séries suivantes marquent une rupture dans le travail de Kwaaitaal, qui remplace la nature par des objets. La référence aux compositions de Giorgio Morandi (1890-1964) est évidente et, pour le profane, il y a peu de différence entre les deux séries. Dans Ultraviolet (2020), elle utilise principalement des objets en verre  » récents « , tels que des flacons de parfum, qu’elle anonymise complètement, et dans Zephyr (2021), sa préférence va aux poteries et objets en verre historiques qu’elle collectionne.

L’artiste dit elle-même à propos de son travail dans ces séries que la difficulté consiste à chercher et à trouver la bonne composition. C’est un travail de précision, qui est bien sûr également influencé par le choix des matériaux. Les verreries historiques donneront des effets différents.

Pour les trois séries, la photographe travaille avec un caméra moyen format. La taille des cuves détermine aussi l’image, tout comme l’espace du studio fait une image. En post-traitement, elle inverse la lumière et la couleur de sorte que le sujet semble rayonner de lumière.

Kwaaitaal ne se considère pas comme une photographe mais comme un artiste avec un appareil photo. Dans ces séries, elle trouve l’équilibre entre la manipulation numérique et le réalisme photographique, et parvient à une maîtrise des prises de vue. Elle explique très ouvertement sa méthode de travail, car elle est consciente que son originalité réside dans la maîtrise de l’enregistrement analogique et la précision du traitement numérique – un savoir spécifique basé sur une longue expérience. Une faible imitation est possible, la copie est impossible.

C’est pourquoi nous conseillons au lecteur de se rendre à cette exposition : les images numériques accompagnant cette contribution ne sont vraiment pas suffisantes pour apprécier l’œuvre !

John Devos

 

PUBLICATION

Danielle Kwaaitaal FLORILEGIUM
Avec des contributions de Wieteke van Zeil et Arjan Peters dans un design de Tim Bisschop
Prix 39,90€ l 192 pages
Taille 33 x 24 cm
ISBN 978 90 8967 326 8

L’édition de luxe limitée à 100 exemplaires dans une cassette avec une couverture rigide recouverte de lin, contient une épreuve originale signée de la série Florilegium.
Prix : 199€.
Éditeur Hoogland & Van Klaveren

www.daniellekwaaitaal.com

 

EXPOSITION

DANIELLE KWAAITAAL – STILL WATER
13 mars – 30 avril 2022
Galerie Michèle Schoonjans – MS Gallery Rivoli #Gallery 25,
Waterloosesteenweg 690 Chaussée de Waterloo,
1180 Bruxelles (Bascule),
+32 478 71 62 96
www.micheleschoonjansgallery.be

Ouvert le jeudi, vendredi et samedi de 11 h à 18 h et sur rendez-vous en dehors des heures d’ouverture.

 

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android