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Françoise Chadaillac : La Reine de la patate ou Les cantines du détour

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Écrit par Françoise Chadaillac.

Fin août 2020, le livre « La Reine de la patate ou Les cantines du détour » publié aux Editions Loco, est enfin disponible en librairie.

Oui, il a fallu 40 ans pour que ce travail voie enfin le jour, puisque j’ai fait ces photos au tout début des années 80 au Québec. En noir & blanc. Avec une conscience aiguë et exigeante des rapports et des tensions entre les zones les plus sombres et les zones les plus claires. Cela, dans le seul but de restituer les atmosphères et les sensations du moment. Parce que la photographie est pour moi avant tout une question de sensations et d’émotions que seule la lumière me procure, qui transforme et sublime le plus trivial et le plus banal des objets.

Pourquoi tout ce temps ?

D’abord peut-être ce sujet, absolument insignifiant pour la France des années 80, rencontre-t-il un écho plus évident de nos jours et entre-t-il en coïncidence heureuse avec le phénomène nouveau des « food trucks » qui se multiplient en France dans les villes et aux alentours des zones industrielles.

Mais surtout grâce à l’évolution du regard collectif que ma façon de photographier, dans ces années-là, déconcertait; comme j’avais pu le constater lorsque je montrais mes séries de portraits de rue au tout début des années 70. On me faisait alors remarquer que mes images manquaient « d’instantanéité » – synonyme de « naturel » – puisque les gens se savaient photographiés. Comment ne pouvaient-ils pas le savoir quand j’essayais de capter leur regard, ou quand ils me voyaient me déplacer avec un Asahi Pentax 6×7 alourdi d’un trépied ? Oui, ils se savaient photographiés, mais n’étaient jamais « mis en scène ».

Quoi qu’il en soit, pour moi, une photo est toujours un moment, un instant unique. Le reproche, à peine voilé, n’avait pas lieu d’être. Ma façon de photographier correspondait à mon rythme lent, et à ma nécessité de m’imprégner de l’esprit des lieux, des gens et de leurs gestes. J’attendais souvent le moment propice où l’image me convenait. Et de me réjouir des « petits miracles », quand l’image que j’avais « anticipée » se concrétisait. Ce pouvait être le placement de personnages dans une scène, ou une expression, une attitude, quand il s’agissait d’un portrait. Ne pas brusquer l’événement, ni le détourner à mon avantage, mais m’adapter pour garder l’intégrité d’une émotion.

Cette façon de photographier ne m’a pas quittée.

Aujourd’hui encore, je préfère « recueillir » des images, plutôt que de les mettre en scène ou de les provoquer. Tout comme j’ai recueilli les paroles qui ouvrent chaque séquence ou chaque suite de photos du livre.

40 ans se sont écoulés, et bien que la photographie possède cette fonction magique de retenir et de restituer le passé, elle ne peut pas être réduite à cette fonction seule, ni être qu’une exhumation nostalgique d’un monde en voie d’effacement, ou déjà effacé.

Elle vous oblige aussi à vous arrêter, à prendre le temps. J’entends encore les paroles magnifiques et prémonitoires d’une propriétaire de stands : « La vie vous pousse, mais on la menace, parce qu’on prend plus l’temps de s’arrêter. La vie va bien assez vite, pourquoi aller plus vite qu’elle?… »

La publication de ce livre de photographies et de textes, qui me permet de partager aujourd’hui avec un plus grand nombre mes émotions et mon modeste regard sur le monde, est une petite – très petite – victoire sur le temps, mais une grande revanche sur le découragement.

Alors, qui pourrait s’en plaindre ? Et quel plus bel éloge de la lenteur ?

Françoise Chadaillac le 11 juillet 2020

 

 

À PROPOS DE FRANÇOISE CHADAILLAC :

Françoise Chadaillac est née en Chine en 1949. Initiée à la photographie par son beau-père, homme d’images et de culture, elle part en Californie en 1972, et s’inscrit au studio photo de l’université de Berkeley, véritable pépinière de photographes talentueux. Après près de 40 années de pratique, elle affirme qu’à ce jour, elle n’a pas trouvé de moyen ni d’outil plus adapté à sa personnalité et à son propos que l’appareil photographique pour témoigner de façon esthétique, émouvante et directe, de l’ordinaire condition humaine.

 

AUX ÉDITIONS LOCO :

LA REINE DE LA PATATE

ou les Cantines du détour

Photographies et textes : Françoise Chadaillac

> Prix public : 38 euros

> Parution : 20 août 2020

> ean 13 : 9782843140211

> 27 x 24 cm

> 120 pages,

> environ 55 reproductions en NB,

> reliure : reliée, toilée avec cuvette

www.editionsloco.com

 

 

 

 

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