Rechercher un article

Arles 2013: Le Journal de Fanny Lambert

Preview

Street Arles
Tandis que le festival se déploie au fil des rencontres, des expositions et des remises de prix, un autre fil, rouge celui-ci, semble se tisser en parallèle.Voilà maintenant plusieurs années, Arles s’affiche et s’expose librement dans ses rues, comme pour constituer le décor d’une scène plus imposante encore, à l’image de cette profusion qu’engendre les Rencontres de la Photographie chaque année. Sorte de off du off version vernaculaire, les ruelles arlésiennes prennent possession des lieux. En ferment vernis, elles servent de liant, au sens pictural, et c’est toute la cité romaine qui est aspirée par cet incommensurable typhon visuel. Un mur, une porte cochère, une grille ou un parking feront bien l’affaire. Les affiches et les fresques peintes jouent ELLES aussi, cette année, la partition en noir et blanc. Affranchie, la photo voyage, s’échange et mise sur la rue. Il fut une époque où cela se passait sous le manteau. Aujourd’hui, on l’affiche en grand et parfois même en couleur ! Ou sur une corde à linge, près de la fontaine de la mairie où les « images et portraits » de Fabien Breuvat trouvent acquéreurs. Noyés au fond de la piscine, les petits clichés trouvés reprennent vie. Un peu plus loin, un photographe italien a élu domicile pour quelques jours seulement. Il exposera ses formats carrés, lui aussi, suspendus à un fil. A croire que tout ne tient qu’à cela.

Anonymous
A cela, ou à un vieux tirage d’ancêtre anonyme retrouvé au grenier qui, refaisant surface, contamine singulièrement cette 44ème édition. L’ALBUM de famille semble revêtir un intérêt soudain quant on le pensait disparu à jamais dans l’armada des milliers de dossiers « photos » numériques. En face, à l’archevêché, l’Album Beauty d’Erik Kessels poursuit la piste du vernaculaire. En prise à une collectionnite aigüe, Kessel devenu commissaire, décline sous de multiples formes les images de famille, réintroduisant un goût avéré pour l’amateurisme. Gigantesques posters, cadres anciens, vitrines et impressions sur tapis forment un parcours ludique depuis lequel l’inconnu nous domine. Sa seconde proposition, 24HRS of Photos, expérimente le vertige de l’accumulation avec sa pile de clichés 10×15 imprimés et rassemblés en un monticule débordant. L’ensemble équivalant à la mise en ligne d’images en 24 heures de temps sur la toile. Et puis la photographie anonyme a l’avantage de pouvoir se transformer d’un coup d’un seul en médium. Ainsi, John Stezaker s’en sert pour effectuer des collages par le biais duquel il produit associations et juxtapositions, qui ne sont pas sans rappeler, on s’en serait douté, le procédé des photomontages des années 1910-20.

Couleurs
En outre, elle peut également en encourager d’autre. Les portraits de studio colorisés à la main par Adib et Fouad Ghorab (Studio Fouad) et Van-Léo provenant de La Fondation Arabe pour l’Image reprennent le principe de colorisation employé jadis. A fonds perdus, la collection Raynal Pellicer manifeste un engouement similaire pour le détournement. En effectuant des retouches sur des images de presse à l’aide de gouache, d’encre et d’aérographe, c’est une réflexion sur les enjeux de la retouche qui est amorcée. La réappropriation des techniques anciennes, comme des supports vintages, était sans doute inévitable pour aborder la thématique choisie cette année. De toute évidence, et à l’instar du rouge et du noir, il s’avérait difficile d’envisager le noir sans son alter ego. S’exhibant ici et là, parfaisant tantôt la scénographie, en habillant les cimaises de son plus beau spectre, la couleur s’illustre. Il y a Guy Bourdin bien sur. Les Polaroids de Hiroshi Sugimoto et les grands formats de Wolfgang Tilmans viennent compléter le tableau.

En sus
Si la couleur fait acte de foi et que les clichés colonisent la rue, une fois n’est pas coutume, il n’y avait aucune raison pour que l’installation photographique soit évincée du jeu. Pulsées par l’effervescence de Marseille 2013, Arles et les Rencontres proposent également de montrer de l’art contemporain. La très belle exposition d’Alfredo Jaar à l’église des Frères Prêcheurs électrise. De photographie il est question, mais seulement question. Le texte s’inscrit en négatif. La lumière surgit et la multitude des regards nous saisi. Ailleurs, Guissepe Penone fait de l’Arte Povera. Quand la photographie rencontre la matière, elle fait cause commune avec le bois, la pomme de terre et le pain. Devenus traces, ses clichés, d’actions racontent une autre histoire, mais celle-ci est toujours en noir et blanc. Enfin, les expositions des ateliers rassemblent comme souvent, un échantillon d’essais scénographiques tournés vers l’installation. Epinglé, imprimé directement au mur, jouant des reliefs la photographie pendant Arles arbore les mêmes problématiques curratoriales qu’ailleurs. Entre gigantisme et miniature, entre noir et couleurs, et enfin entre procédés anciens et pratiques nouvelles, le festival cette année se révélait à la lumière du contraste. Un vent de chaleur semble avoir regagné Arles cette semaine.

Fanny Lambert

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android