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Vevey : Seba Kurtis et les marques de l’exil

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Seba Kurtis connaît la réalité de l’exil. Né en 1974 à Buenos Aires, la terrible crise économique du début des années 2000 en Argentine l’a contraint –lui d’abord, sa famille ensuite – à trouver refuge en Espagne. Il y vit en clandestin pendant cinq ans, côtoyant d’autres exilés sur des chantiers de construction.

Seba Kurtis, fasciné par la tradition littéraire du réalisme magique en Amérique du Sud, veut d’abord devenir écrivain. Mais c’est dans la photographie qu’il trouve son moyen d’expression. Il prend alors le parti de mettre en abyme sa condition de migrant.

L’exposition de Quai1 à Vevey en Suisse, l’espace permanent du festival de photographie Images, se conclut par ce qui est le point de départ de la démarche de Seba Kurtis. Le seul bien de la maison familiale en Argentine qui ait échappé aux saisies judiciaires était une boîte à chaussures. Celle-ci contenait des photos de familles, ainsi que trois films en Super 8. La boîte a fait le voyage vers l’Espagne avec la mère de Seba Kurtis. Mais les images ont été endommagées par une inondation survenue dans la maison d’Argentine. L’eau a attaqué les tirages, ainsi que les supports en celluloïd.

Seba Kurtis va s’inspirer de cette dégradation des images, métaphore de l’épreuve de l’exil. Avec tout ce que ce périple contraint comporte de danger, d’accidentel, de perte d’identité, de déshumanisation.

Seba Kurtis photographie les côtes des Canaries, lieux d’arrivée des bateaux de clandestins en provenance d’Afrique, à la chambre 4 x 5. Puis il immerge les films non-développés dans l’eau corrosive de la mer, tant redoutée par les migrants sur leurs embarcations précaires. Sur les côtes normandes, Seba Kurtis prend les portraits de réfugiés qui s’étaient cachés dans la cargaison de talc d’un camion, camouflant leur visages avec des fragments du minéral blanchâtre.

Aux douanes anglaises, le photographe rejoue le processus des appareils de détection des battements de cœur qui sont introduits dans les camions. Il prend de très longues poses de migrants, au point de les faire disparaître sur les négatifs surexposés. Puis, avec un scanner qui mime les dispositifs fouineurs des douaniers, il tente de faire réapparaître les formes humaines. Parfois celles-ci reviennent, fantômatiques, parfois pas. Comme dans la fuite vers des mondes jugés meilleurs, la chance et la malchance règnent ici en maîtres.

Les photos tavelées, et les films Super 8 qui le sont tout autant, composent un saisissant récit de pertes, d’épreuves et de blessures. Ces images ravagées sont aux antipodes d’une pose esthétique, comme on en voit tant aujourd’hui. Elles racontent une histoire contemporaine, en connaissance de cause. Avec le sens profond qui jaillit des démarches sincères, nécessaires et réfléchies. Dans une forme hébétée, entre départ et arrivée, toujours ballotée par le hasard.

EXPOSITION
Thicker than water
Seba Kurtis
Jusqu’au 27 février 2016
Quai1
Place de la Gare 3
1800 Vevey
Suisse
Tél : +41 21 922 48 54

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