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Best Of 2021 : “Très Chères Galeries” par Thierry Maindrault

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Chronique Mensuelle de Thierry

La période est particulièrement bien choisie puisque les petits et grands mondes des galeries est sur le pied de guerre à plus d’un titre. Le premier concerne la résurrection d’une bonne moitié des grandes messes qui affichent, en ce mois de novembre, un maximum d’images issues de la photographie. A minima, plus de la moitié des manifestations parisiennes qui proposent aux galeries une vitrine universelle seront actives et opérationnelles à la publication de cette chronique. Le deuxième est la sensible réactivation des marchés de la photographie après plus d’un an de végétation. Le troisième point concerne cette longue période de semi immobilisme physique qui a permis aux créateurs, très connus ou encore totalement inconnus de produire abondamment.

Il résulte un nombre de manifestations, liées au marché de l’Art et de la création photographique, suffisamment significatif quelque soit le niveau ou la spécialisation. L’existence et l’évolution des galeries qui interviennent dans les marchés du secteur photographiques se sont considérablement modifiées depuis une quinzaine d’années. Hormis quelques grandes galeries de créations contemporaines qui possédaient un département consacré à la photographie et quelques galeries isolées qui s’imposaient avec ténacité dans ce milieu de la photographie, le marché se limitait à des transactions directes de quelques conservateurs et quelques collectionneurs avertis avec les auteurs des œuvres ou leurs ayants droits. La passion, la compétence et la sensibilité des uns et des autres l’emportait sur toutes autres considérations.

Et puis, … et puis, un engouement très rapide s’est installé pour le monde de l’image photographique. Cet intérêt s’est paradoxalement installé dans cette période de démultiplication exponentielle des images numériquement figées et la division, toute aussi exponentielle, du nombre des images effectivement matérialisées sur des supports pérennes. En un mot, c’est quand plus il y en a et moins il en reste que les marchés se développent autour de concepts et d’objectifs fort éloignés des sources primaires de leur naissance. C’est dans ce contexte qu’un petit inventaire des différents types de galeries se doit de bien remettre les idées en place et interpeller nos choix pour la diffusion de nos œuvres.

A tous seigneurs tous honneurs, les galeries dites d’art seront les premières pour la bonne raison qu’elles furent les premières, pour un certain nombre d’entre elles, à considérer les créations photographiques comme de potentielles œuvres d’art au même titre que celles issues d’autres technologies. Les vrais détecteurs d’œuvres n’ont que faire des techniques de réalisation utilisées par un auteur pour matérialiser son imagination. Ces grands esthètes, à travers les âges, sont devenus professionnels avec une grande lucidité dans leur choix pour des œuvres d’une créativité aussi universelle qu’intemporelle qui doit offrir une certaine pérennité. L’efficacité et les réseaux de ces «maisons» parfois centenaires est un véritable atout pour le créateur qui se trouve dégagé d’angoisses quotidiennes. Les représentations et/ou les acquisitions de ces galeries exigent des œuvres réellement abouties et connues dont les auteurs sont des maîtres, s’ils ne sont pas déjà décédés.

Elles sont également dans le domaine des professionnels et on aimerait qu’elles y restent longtemps les galeries de photographies. Elles fleurissent, depuis une quinzaine d’années à quelques belles exceptions près antérieures, au début de façon anecdotique puis de façon exponentielle. Les directeurs, souvent propriétaires, sont de bons spécialistes de la photographie, de ses techniques, de son histoire et surtout du marché avec ses fluctuations. Ils essaient de doser au plus juste leurs expositions entre des valeurs sures incontestées et les travaux de créateurs en devenir. Ils tentent de s’approprier des exclusivités pour asseoir leur fonds de commerce et leur réputation personnelle qu’ils affichent dans des participations comme commissaires dans des festivals ou comme membres d’un de ces nouveaux jurys aussi nombreux que variés. Comme elles ont souvent très peu d’amplitude géographique et sectorielle, elles adhèrent à des réseaux nationaux et/ou internationaux pour échanger et faire tourner les expositions. Un plus indispensable à bien vérifier pour l’auteur à qui une galerie demande une exclusivité, car dans ces réseaux tous les membres sont rarement du même niveau de performance et de compétence.

Toutes les grandes marques qui se veulent prestigieuses se sont créées des galeries de marques qui sont, pour la plupart, les vitrines de la fondation adossée à la marque. Une notoriété, une image d’une valeur inestimable et financée par le crédit impôt. Ce montage n’est pas le champs d’action privilégié des seuls acteurs économiques du monde de la photographie. Cette dernière a le vent en poupe, alors tout le monde se raccroche aux branches des banques aux automobiles, des vins aux chemins de fer, des régions aux vêtements de luxe, etc.. Actuellement, les moyens sont quasiment illimités tant pour acheter des œuvres que pour prendre en charge des résidences, tant pour organiser une exposition que pour éditer un livre, tant pour organiser un des innombrables concours que pour parrainer un festival plus ou moins connu. Ces galeries sont installées dans des espaces de prestige, image oblige, et elles sont une partie d’un vaste système administratif, genre usine à gaz, dans lequel un gourou artistique trône. Toute la valeur culturelle de l’ensemble et le choix des créateurs « maison » tient dans les mains de ce trieur de créations qui se trouve à cheval sur un curseur qui se déplace entre des œuvres extraordinaires jusqu’aux « peoples » à scandales les plus médiatiques.

Un petit capital en poche, un magasin dont on ne sait quoi faire, une suggestion d’un intervenant de stage de recyclage professionnel, un truc qui se répète en confidence : «la photo çà marche bien en ce moment, çà prend pas le tête et surtout c’est relax comme activité, cool !», et parfois quelques affinités avec la photographie. Bienvenue dans la galerie du quartier. Une sorte de virus est entré dans le monde photographique avec comme tout virus des symptômes aussi bizarres que diversifiés. Plus le nombre de vrais photographes rétrécissait et plus il y avait de clic clac à travers la planète, plus le nombre de créateurs photographiques de talent s’estompait et plus il y avait d’images à tous les coins de rues. Les premières implantations se situaient dans les zones un peu abandonnées des grandes mégapoles, pour gagner progressivement les banlieues et finalement s’imposer jusque dans les villes moyennes de nombreux pays. Tout le monde peut envisager d’exposer la naissance de son enfant immortalisée avec un smartphone ou son dialogue en diptyque entre ses autoportraits et le bovin capricieux du dernier gîte de ses vacances. Tant que vous ne parlez pas de la Photographie avec le directeur de cette galerie qui s’annonce également commissaire d’exposition, scénographe, agent artistique et propriétaire de la galerie, vous avez toutes les chances (moyennant une légère contribution) de faire admirer vos travaux à un large public les jours d’ouverture quand la galerie sera ouverte (souvenez vous keep cool !).

Je pourrais vous entraîner dans les mondes des galeries d’auteurs, dans celui des galeries d’informaticiens ou celui des galeries de promoteurs immobiliers toutes plus savoureuses les unes que les autres. Mais, il est impossible d’échapper même pour quelques lignes, aux galeries business, souvent à la limite de l’arnaque. Le système, bien huilé, sévit sur internet et également dans les festivals. Comme on achète des numéros de téléphones, on recense sur les réseaux sociaux, sur les sites personnels, toutes les personnes qui montrent des photos. Un appel téléphonique ou un courriel pour vanter à l’auteur que ses images magnifiques se doivent d’être exposées dans un lieu prestigieux au sein d’une grande capitale culturelle. Quatre ou six œuvres seront parfaites, vous faites les tirages et surtout vous virez immédiatement une somme assez rondelette pour couvrir les frais de la galerie, les frais de surveillance, les frais administratifs, les frais de promotion et publicité, les frais de vernissage, etc. L’argent versé, vous avez l’autorisation d’envoyer (à vos frais) vos photographies qui seront exposées deux semaines dans des locaux au milieu de dizaines d’autres images. Après quoi vous paierez pour récupérer vos œuvres dont on vous assure qu’elles ont eu un franc succès d’estime et que vous pouvez mentionner la ville prestigieuse sur votre curriculum vitae.

Le choix d’une galerie d’art peut être la meilleure et la pire des choses. Prenez votre temps, n’évitez pas les questions pourquoi, quand, comment et l’essentiel avec qui ?

Thierry Maindrault

12 novembre 2021

 

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