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Salut au Monde! : Tito Mouraz : Mergulho

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Le genre paysage, l’attrait pour des territoires qui remettent en question les limites géographiques, comme les côtes, les zones volcaniques, les lieux souterrains, les forêts et les montagnes, les lieux reculés et inhospitaliers, (apparemment) à la limite de la civilisation, qui découragent les humains de les habiter ou même de les visiter de par leur topographie extrême et leurs conditions météorologiques, constituent l’un des axes principaux des images photographiques de Tito Mouraz.

Dans le même temps, on voit aussi que son travail est dominé par des images qui démontrent un sens rigoureux de la composition, qui privilégient la clarté et la sobriété esthétique, c’est-à-dire des images qui suivent des généalogies de style documentaire. Pourtant, avec une analyse plus minutieuse et plus exigeante, on se rend compte que les photographies de Tito Mouraz ne sont pas entièrement documentaires ni même objectives, en raison de leur rhétorique liant le domaine descriptif au potentiel spéculatif, esthétique et reconfiguratif de l’image. Ainsi, on peut dire que le photographe s’écarte des conventions de l’image objective pour rechercher une subjectivité plus large et plus efficace.

La série Mergulho [Plongeon] est le résultat d’une récente incursion dans la région des Açores. Ce n’est pas la première fois que le photographe travaille aux Açores, dans cette terre fragmentée et flottante qui remet en question le sens de la volatilité des choses et la façon dont elles sont perçues. Les images nous montrent des paysages, des lieux et des détails de la nature et de l’occupation humaine. L’atmosphère est silencieuse, mais on y sent l’action du vent et des vagues de l’océan sur la côte. L’eau, les roches et les pierres, la lumière et l’obscurité, jour et nuit, sont représentés comme les éléments immanents d’une réalité habitée par des mouvements, des flux et des mutations. Ce regard était clairement préparé et disposé à expérimenter de manière sensible et méditative la nature unique et particulière d’un territoire fortement influencé par une conflagration des temps et des mouvements – géophysique, sensorielle, fictive, esthétique.

Pour cette nouvelle série, le photographe a choisi d’utiliser un film instantané, une décision qui impliquait des changements substantiels dans ses méthodes de production habituelles. Lorsque ce type de film est utilisé, il produit une image positive sur papier photographique et un film négatif avec une couche de matière chimique, qui est ce qui entre en contact avec le papier et génère l’image positive. Dans cette matière chimique, on voit une copie précaire de l’image (moins nette et moins détaillée, contenant souvent des imperfections) qui peut être transférée sur un autre support papier. Ce processus de transfert doit être effectué juste après la séparation de l’image positive de son négatif. Il s’agit d’un processus complexe et imprécis qui, en fonction des caractéristiques de l’image et des conditions de température et d’éclairage ambiantes, peut donner lieu à des transformations de la qualité de représentation de l’image.

En regardant ces images de Mergulho, on se rend compte que, outre les thèmes photographiés, Tito Mouraz vise à réfléchir sur l’éventail des possibilités du médium photographique, essayant même d’établir des liens avec d’autres modes d’expression artistique, comme la peinture et le dessin. Un groupe de photographies se distingue par sa clarté représentative. Les images sont transparentes, privilégiant le regard et la reconnaissance du sujet, comme des réalités que l’on pourrait trouver dans le monde: un chemin de terre, des détails de la terre et des rochers, une échelle dans une piscine naturelle, un muret, la structure métallique d’un panneau d’affichage. A cause de l’obscurité ou du point de vue, les photographies n’ont pas d’horizon; ce sont des plans fermés et opaques, qui prouvent l’efficacité de la photographie dans la constitution d’un monde à deux dimensions.

Les photographies restantes, qui forment un groupe plus important, sont le résultat de transferts de la couche chimique. Sur le plan visuel, ils sont moins homogènes en ce qui concerne la taille du plan et la sphère strictement figurative de l’image. Nous voyons le chevauchement d’images différentes (car plusieurs transferts peuvent être effectués sur le même support), qui se confondent pour créer des réalités spectrales et fantasmatiques. Dans d’autres cas, on rencontre des images dans lesquelles le processus chimique a donné lieu à des perturbations visuelles – qui vont des variations de densité et de couleur (comme l’eau de mer jaune) à la constitution de marques abstraites. Ce sont donc des images profondément affectées par la médiation chimique, qui produisent des glissements vers des domaines visuels qui rompent avec l’attente habituelle d’efficacité photographique dans la relation entre la représentation et le représenté. Un monde imaginaire instable et impermanent, ce qui est une bonne chose, car il garantit l’une des plus grandes motivations de la pratique artistique, l’opportunité d’une perspective différente, suggestive et productive, capable de mobiliser ce qui est le plus subjectif, intuitif et projectif pour le spectateur.

Sérgio Mah, Lisbonne, 4 mars 2021

 

Tito Mouraz : Mergulho
07 Avril  –  08 Mai 2021

Salut au Monde!
Rua de Santos Pousada 620, 4000-480 Porto, Portugal

https://www.salutaumonde.info/

https://www.titomouraz.com/en/works/mergulho/

 

 

 

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