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Paris : entretien avec la See Studio Galerie

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Rencontre avec Valeria Cetraro, Sophie et Edouard Escougnou.

Vous êtes une toute jeune galerie. Pouvez-vous me raconter comment s’est composée cette aventure à trois ?
Sophie Escougnou : La galerie a vu le jour en juillet 2013, il y a maintenant un peu plus d’un an. En ce qui me concerne, je venais déjà du monde la photo puisque j’ai travaillé pour Polka en tant que responsable des expositions hors les murs. Edouard, mon frère, est photographe. Valeria, quant à elle, est architecte de formation et s’est toujours intéressée de près aux arts plastiques. Nous avions pour habitude de fréquenter ensemble les vernissages et les divers centres d’art. Ce qui a qui a fini de nous décider à créer notre propre lieu, à la fois pour promouvoir des artistes, mais aussi à des fins d’exploration du médium photographique au travers des arts plastiques.
Valeria Cetraro : En effet, c’est “notre” centre d’intérêt principal : comment le médium photographique intervient aujourd’hui dans les multiples disciplines plastiques ? Et comment procède-t-il ? Nous sommes partis de cette passion commune pour la photo et pour les arts plastiques, qui nous a permis de définir la ligne que nous voulions pour le projet.

A ce propos, comment vous êtes-vous répartis les tâches au sein de cette entreprise ?
Sophie Escougnou : Il faut rappeler que See Studio est une galerie, mais aussi une agence. Ce qui explique pour partie le nom que nous avons choisi de lui donner. Edouard et Valeria s’occupent davantage de la direction artistique de la galerie et du commissariat. De mon côté, je suis en charge de la gestion et de l’administration de celle-ci, mais aussi de l’agence. C’est une entité à part, bien qu’elle fasse partie intégrante du projet. Enfin, ayant suivi une formation en marketing, j’étais peut-être celle qui était la plus à même de s’en occuper… Disons que les rôles de chacun se sont distribués tout simplement en fonction de nos spécificités.
Valeria Cetraro : Oui, c’est un partage qui s’est fait très naturellement. Avec Edouard, nous avons constitué un collectif, ou plutôt un laboratoire qui se consacre au commissariat d’expositions ; donc il nous a paru évident de choisir, ensemble, les artistes nous voulions défendre.
Edouard Escougnou : Nous sommes une petite structure mais qui engendre beaucoup d’interactions. Il y a un véritable rapport d’interchangeabilité entre nous. Ce qui facilite souvent les choses.
Valeria Cetraro : Et il est vrai que nous avons aussi tous les trois des formations complémentaires. Ce qui nous permet de gérer différents sujets en même temps, sans avoir à faire appel à des personnes extérieurs. Pour autant, nous avons tous les trois une vision globale de ce qui se passe dans la galerie.

Concernant l’agence, porte-t-elle, elle aussi, le nom de See Studio ?
Sophie Escougnou : C’est exact. C’était un souhait. En effet, dans les deux cas, le point de départ c’est le travail sur l’image, mais observé à travers deux registres entièrement différents.
Le terme “see” reprend nos initiales à Edouard et à moi (S/E/Escougnou) et celui de “Studio”, parce que l’on accorde une importance capitale à la recherche, à l’échange et à l’expérimentation.

L’idée était-elle que la galerie se mue en une sorte de laboratoire ?
Edouard Escougnou : Oui, tout à fait. Car nous pensons qu’une galerie, ça n’est pas seulement un lieu d’exposition mais aussi un lieu où l’on a avant tout envie de se poser des questions.

Vous disiez toute à l’heure que la photographie était au cœur de vos préoccupations. Comment définiriez-vous la ligne de la galerie ?
Valeria Cetraro : Disons que nous ne cherchons pas à nous situer dans un état d’esprit totalement éclectique. Ce qui ne nous empêche pas d’être très ouverts à la pluridisciplinarité. Malgré tout, nous fondons notre programmation autour d’un champ de réflexion relativement précis, qui est celui du rôle de la photographie dans les arts plastiques. Donc, d’une certaine manière, nous pourrions parler de “ligne”, en effet. En échangeant et en conversant avec les acteurs de l’art et les artistes, nous avons relevé différentes façons chez eux d’interroger ou d’exploiter le médium photographique. D’une part via ses caractéristiques formelles, à savoir la façon de présenter la photographie au-delà de sa dimension stricto bidimensionnelle, unilatérale, jusqu’à devenir sculpturale ou faire l’objet d’une l’installation. Puis d’un point de vue purement topique, à savoir l’histoire que le sujet photographié véhicule (la temporalité, le rapport à la réalité et à la fiction). Et enfin, la fabrication même de la photographie, dans son aspect le plus technique. Disons que si dans l’art, la photo s’est davantage introduite comme documentation des actions artistiques, nous ce que l’on se pose comme question aujourd’hui, c’est comment la photographie peut-elle devenir elle-même matériau de ces actions ?
Edouard Escougnou : En novembre prochain, nous allons d’ailleurs présenter une exposition collective intitulée Au-delà de l’image. Nous tenons beaucoup à ce projet Valeria et moi-même. Figurant au Mois de la Photo Off, l’exposition invite six artistes à s’exprimer sur la question.  Par ailleurs, l’exposition actuelle pose déjà, à sa manière, les enjeux similaires puisqu’elle présente les travaux photographique d’artistes qui ne sont pas photographes. Les problématiques de documentation et d’original y sont centrales.

J’imagine que vous ne fonctionnez pas de la même façon pour l’agence que pour la galerie. Comment procédez-vous ? Vous avez un catalogue dinstinct pour l’une ou l’autre de votre activité ? Combien d’artistes en tout représentez-vous ?
Sophie Escougnou : Côté agence, nous sommes spécialisés dans la photographie d’architecture et de portrait, et nous travaillons en étroite collaboration avec cinq photographes.  
Valeria Cetraro : Coté galerie, nous avons débuté avec un petit groupe de photographes avec lesquels nous travaillons toujours. Puis, peu à peu, nous avons intégré des plasticiens. Jean-Baptiste Lenglet, qui présente actuellement une exposition individuelle à la galerie, est une toute nouvelle collaboration. Disons qu’en terme de nombre, l’objectif est d’arriver à la fin de l’année prochaine à une petite dizaine d’artistes au total.
Edouard Escougnou: Tout ceci est en pleine évolution !

Pouvez-vous me donner un ordre de prix ?
Sophie Escougnou : Nous pourrions dire entre 500 et 10 000 euros. Nous avons plutôt tendance à travailler avec des artistes émergents…

Que pensez-vous des galeristes qui travaillent en bureau et qui n’ont plus d’espace d’exposition public ?
Edouard Escougnou : Pour nous, le fait d’avoir pignon sur rue est fondamental puisque cela nous permet d’avoir une vitrine mais aussi de concevoir un moyen de partage pour pouvoir expérimenter, dialoguer et se rencontrer. C’est important que la galerie ait sa dimension d’échange. Nous ne cherchons pas uniquement exposer, mais aussi à susciter une réflexion. D’où la programmation de conférences et de débats au sein de la galerie en complément des événements liés aux galeries du quartier.  

En quoi selon vous est-ce une bonne nouvelle que la photographie soit de plus en plus convoitée ?
Valeria Cetraro : C’est évidemment un bonne nouvelle dans la mesure où il y a beaucoup de questions qui n’ont pas encore trouvé leurs réponses, et cela permet aussi d’alimenter la théorie de la photographie. Nous sommes au cœur du débat entre la photographie “pure” et sa pratique dans les arts plastiques. D’autre part, cela permet de décloisonner et de faire sauter les barrières existantes entre les disciplines. Au Salon de Montrouge il y a quelques semaines, vous pouviez constater la présence majeure de la photographie chez les plasticiens exposés.  

J’ai bien conscience que c’est peut être un peu tôt pour vous de jauger, mais pouvez-vous me dire quel type de clientèle vous avez approchée jusqu’à présent ?
Valeria Cetraro : Nos expositions ont su attirer des  collectionneurs des années 70 et 90, mais aussi des acheteurs amateurs intéressés par les problématiques plus contemporaines du médium photographique. Plus généralement, le public qui fréquente la galerie appartient autant au monde de la photographie qu’à celui de l’art contemporain ou de la recherche théorique.

Croyez-vous que le caractère multiple de la photographie puisse être un obstacle supplémentaire à l’acquisition ?
Valeria Cetraro : Nous nous adressons de fait à un public plutôt averti, donc la concept de reproductibilité est une notion relativement intégrée. Ça n’est donc ni un frein ni un argument, selon moi…
Edouard Escougnou : Et puis quand on parle de photographie, les choses sont désormais relativement établies. On sait dès lors que les éditions peuvent varier entre 5 et 10 en général.

Avez-vous l’impression que certaines choses se vendent mieux que d’autres ? Des tendances qui se seraient dégagées depuis la création du lieu ?
Sophie Escougnou :  Ça n’est pas évident, car les expositions que nous avons faites sont tellement différentes qu’il nous est difficile de dire pour le moment. Tout ça a été pour nous une année de recherche et d’expérimentation.

Participez-vous déjà à des foires ? Où avez-vous l’intention de le faire ?
Sophie Escougnou : Nous venons d’avoir la confirmation de notre sélection au salon Attitude qui se tiendra Pont Alexandre III durant la Fiac en octobre prochain. Pour la suite, nous souhaiterions participer à YIA Art Fair, ainsi qu’à des foires étrangères, comme Art Brussels par exemple. C’est une chose importante que de se confronter à l’étranger.

Qu’est-ce qui pourrait vous dissuader d’entamer une collaboration avec un artiste ?
Edouard Escougnou : Le manque de sincérité. De sincérité, d’engagement mais aussi de cohérence dans le travail.
Valeria Cetraro : Oui, la générosité de l’investissement compte pour beaucoup. Nous commençons à rencontrer de nombreux artistes et on finit par faire la distinction de plus en plus rapidement entre une réelle profondeur dans l’investissement ou, au contraire, quand cela relève plus du superficiel…
Edouard Escougnou : De toute façon, la générosité va souvent de pair avec l’épaisseur du travail. Pour Au-delà de l’image, l’exposition collective prévue en novembre, nous avons voulu que les artistes se rencontrent et échangent ensemble sur leur travail avant de réaliser des œuvres inédites qui seront présentées ensemble.
Valeria Cetraro : Il a été très intéressant de constater à quel point ils avaient été séduits et motivés à l’idée de travailler de concert. Donc l’idée de partage, pour nous, c’est fondamental. C’est un esprit de laboratoire mais qui n’est pas forcé, qui reste fluide et enthousiaste.

Si j’ai bien compris, vous êtes principalement portés vers les expositions collectives ? Cela signifie-t-il que vous excluez les monographies ?
Edouard Escougnou : L’actuelle exposition est une exposition individuelle. Jean-Baptiste Lenglet exploitera tout l’espace de la galerie jusqu’au sous-sol. En réalité, on essaie d’alterner le plus souvent.
Valeria Cetraro : En tant que galeristes, on tient aussi à faire du commissariat. Ce qui nous conduit souvent vers des expositions collectives. Mais effectivement, nous savons aussi que pour que les artistes aient la possibilité de s’exprimer pleinement, le solo show est plus approprié. L’année prochaine, nous expérimenterons le duo, à deux reprises : avec Muriel Leray et Magali Sanheira, et Eleonore False et Ana Vega. Là, on conserve la forme du dialogue, mais chacun des artistes a l’espace nécessaire pour montrer son travail.
Nous avons très vite établi des relations avec divers commissaires d‘exposition. Peut-être parce qu’on a commencé à faire ce type d’événements et de débats très tôt . Et puis nous avons tissé des affinités avec d’autres galeries, ici et à Belleville. Notre programmation aujourd’hui est le fruit de toutes ces rencontres. Et c’est ce qui permet de rendre compte, je l’espère, de cet éclectisme auquel nous aspirons.

Pourquoi devrait-on acheter de la photographie aujourd’hui selon vous ?
Edouard Escougnou : On n’achète pas de la photographie. On achète des œuvres d’art.

INFORMATIONS
Galerie SEE Studio
7, rue Saint-Claude
75003 Paris
tel. +33 (0)9 83 02 52 93

[email protected]
http://seestudio.fr

EXPOSITIONS
Actuellement :
Jean-Baptiste Lenglet : History Of Trance
Part I : jusqu’au 20 septembre 2014
Part II : 2 – 31 octobre 2014

Prochainement :
Au-delà de l’image
David de Beyter, Emmanuel Le Cerf, Jean-Baptiste Lenglet, Aurélie Pétrel, Pia Rondé & Fabien Saleil et Alexandre Maubert
Du 6 novembre au 20 décembre 2014

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