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Musée Magazine

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Le numéro 8 de Musée Magazine vient de sortir. Au sommaire : Didier Massard, Laurent Chehere, Slater Bradley, Thomas Wrede, Zoe Crosher, Rona Yefman, Thomas Struth, Chris Boot et Julian Frydman. Nous avons particulièrement apprécié l’entretien de Sondra Gilman et celui de David Levinthal, par Andrea Blanch.

Entretien de David Levinthal 

Andrea Blanch : Où avez-vous fait vos études supérieures ? Et à quelle époque ?
David Levinthal :
Je me suis inscrit à Yale en 1971.

A.B. : Qui enseignait là-bas à l’époque ? Les choses ont beaucoup changé depuis.
D.B. : J’y suis entré principalement parce que Walker Evans y enseignait.

A.B. : Waouh !
D.B. : Je sais. Parfois, quand je dis ça à mes étudiants, ils me regardent comme s’ils allaient s’écrier : « Et vous êtes toujours vivant ? » Walker était là, il y avait aussi Paul Caponigro, et des artistes merveilleux venaient comme intervenants — Ed McGowan, Linda Connor, Frederick Sommer, entre autres. Je savais bien sûr à quel point Walker avait une aura importante dans le monde de la photographie, mais je pense que j’étais vraiment trop jeune pour la saisir dans toute son ampleur. Je me rappelle qu’on m’a demandé quel genre de professeur était Walker lorsque j’étais étudiant, et je pense que c’était plus l’idée de le fréquenter en tant que personne qui importait, le fait de pouvoir passer du temps avec lui. L’un de mes camarades était Jerry Thompson. Après avoir obtenu nos diplômes, Jerry et moi avons pris un appartement ensemble à New Haven et Walker restait souvent pour la nuit quand il ne rentrait pas à Old Lyme.  J’ai pu passer beaucoup de temps en sa compagnie, ce qui a constitué une expérience fascinante. Mais une fois encore, je pense que vous ne pouvez comprendre ce que cela peut vraiment signifier que bien plus tard dans votre carrière.

A.B. : Qu’est-ce que vous avez appris de lui ?
D.B. : Je ne crois pas que je puisse dire quelque chose de spécifique… J’enseigne à mes étudiants à travers des anecdotes et des histoires, et je pense que c’est quelque chose que j’ai appris de Walker. Quelqu’un me pose une question et vingt minutes plus tard, je serai passé par trois ou quatre sujets tout à fait annexes avant de demander : « Est-ce que j’ai répondu à votre question ? » Je crois que c’est ce qu’on appelle l’expérience. Je ne me suis jamais retrouvé en train de poser à Walker des questions précises sur ce que ça pouvait représenter de réaliser Let Us Now Praise Famous Men. Mais je pense qu’il connaissait tous les gens dans le domaine de la photographie qui ouvraient la voie à la production que nous connaissons aujourd’hui, et qu’il était à l’écoute.

A.B. : Qu’est-ce que vous pensez qu’il dirait, s’il était vivant aujourd’hui, à propos de la photographie conceptuelle et de la manière dont elle a été acceptée ?
D.B. : Vous savez, c’est intéressant. Walker est venu à Paris quand il était jeune homme pour devenir écrivain. Il aimait la littérature, et particulièrement la littérature française. C’était un francophile absolu. En fait, l’un de ses mécènes lui a payé un billet pour qu’il puisse participer au dernier voyage du SS France. Je vois Walker comme un intellectuel, et la photographie était un véhicule, mais pour lui ce n’était pas une fin en soi.

Entretien de Sondra Gilman

Andrea Blanch : La photographie a énormément changé au cours des dix ou quinze dernières années, en prenant beaucoup de formes différentes. Comment votre regard a-t-il évolué ? Vous dites que vous collectionnez en suivant votre cœur et vos tripes, est-ce que c’est toujours le cas, est-ce que vos critères esthétiques ont changé ?
Sondra Gilman : C’est très vrai. Si vous comparez les premières images que j’ai pu acquérir, qui dataient du début du XXe, et celles que j’ai achetées hier, vous aurez l’impression qu’elles appartiennent à des univers très différents. Même si le but reste le même, mon regard a changé. Si vous continuez d’exposer votre œil à tout ce qui se fait, alors il devient votre meilleure arme. Il change, il gagne en assurance, soudainement vous réalisez que « ceci est meilleur que cela », et aimez quelque chose. Je fais toujours confiance à mon œil.

A.B. : Je trouve ça extraordinaire qu’en ayant commencé à créer des collections aussi tôt, vous ayez réussi à rester au fait de toutes les tendances. Vous avez principalement travaillé pour le Metropolitan Museum of Art et le Whitney Museum. Quels sont les différences et les critères pris en compte dans les deux cas de figure ?
S.G. : Eh bien les deux musées ont des buts différents. Par exemple, le Met est est plus impliqué dans l’histoire de la photographie. Le MoMA était un des tout premiers musées, avec John Szarkowski, à briser toutes les règles établies en matière de reconnaissance et d’achat de photographies. Le Whitney Museum a commencé sa collection quand j’ai pris mon poste chez eux, mais ils ont dû démarrer du milieu des années 70 parce que tout dépendait de la disponibilité des photos. Si vous aviez commencé très tôt comme le Met l’a fait, vous pouviez obtenir une magnifique collection de clichés datant des débuts de la photo. Si vous aviez commencé votre collection au moment où le MoMA l’a fait, il était difficile de remonter jusqu’au XIXe siècle, mais les années 1900 étaient très bien représentées dans leurs fonds. Le Whitney a commencé plutôt tard, en 1990, donc la possibilité d’acquérir des travaux anciens était plus restreinte et les prix plus élevés. D’un point de vue pragmatique, ils devaient partir de 1975 et des années qui suivaient, parce que un, ils pouvaient trouver des impressions magnifiques datant de cette période, et deux, c’était abordable.

A.B.: Maintenant, avec la possibilité de trouver et de voir de l’art en ligne aussi facilement, pourquoi les gens continuent-ils d’acheter des œuvres ?
S.G. : Parce qu’il n’y a rien qui vaille le fait de s’asseoir devant une œuvre d’art et de communiquer avec elle. Rien ne peut remplacer cela. C’est comme d’écouter de la musique : l’expérience n’est pas la même en jouant un disque qu’en passant un morceau dans vos écouteurs.

 

http://museemagazine.com

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