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L’œil magique de Carlo Mollino

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Carlo Mollino (1905-1973) fut l’un des architectes les plus célèbres et éclectiques du xxe siècle. Doté de multiples talents et de centres d’intérêts tout aussi variés, il excellait dans de nombreux domaines : ski, design, pilotage d’avions et voitures de course, ainsi que photographie. Ce personnage fascinant naquit et vécut à Turin, où le CAMERA – Centro Italiano per la Fotografia lui consacre une exposition remarquable.

C’est en 1934 que Mollino démarra la photographie, qui resta toute sa vie son moyen d’expression privilégié. L’exposition du CAMERA est la plus importante à ce jour et se focalise sur le lien unique entre l’artiste et cette discipline, de ses premiers travaux d’architecture à ses derniers clichés Polaroid.

Pour ce centre turinois, c’est le premier événement de la saison. « Le CAMERA travaille à cette exposition depuis longtemps, en collaboration avec l’école polytechnique de Turin, dont les archives ont permis de présenter plus de cinq-cents images. Notons au passage que le travail de Mollino répond à la nature du centre CAMERA, d’une part en tant qu’auteur étroitement lié à Turin, et d’autre part en tant que phénomène international. Écrivain historien, son langage allégorique est d’une singulière modernité. Son œuvre colossale et envoûtante permet de puiser à volonté afin d’exposer des images célèbres ainsi que d’autres totalement inédites. Ce sont de simples photos, qui représente pourtant tout un monde », déclare Walter Guadagnini, directeur du CAMERA.

Dès ses débuts dans les années 1930, Carlo Mollino fit naître une vaste collection d’images respectant les fondements classiques tout en marquant un mouvement vers des formes d’expression modernes. « Dans les années 1930 et 1940, lorsque Mollino commença ses recherches et rédigea son ouvrage fondamental, Il Messaggio dalla Camera Oscura, il semblait être l’un des intellectuels les plus informés de la scène internationale. De fait, il traitait la photographie sans le moindre préjugé négatif, alors qu’elle était largement considérée comme un art mineur au sein des cercles culturels italiens de l’époque », ajoute Walter Guadagnini.

L’exposition n’est pas organisée par rubriques, car l’artiste entreprenait simultanément des projets très différents et les laissait s’influencer les uns les autres. « Nous n’avons pas créé de sections. Les images sont mélangées et suivent un fil-rouge qui rappelle la vision à la fois organique et éclectique de Mollino dans ses photos ainsi que ses projets de design, avec leurs formes sinueuses et ‘arborescentes’. La nature organique forme le lien qui assure la cohérence de cette exposition. On retrouve des lignes sinueuses dans les traces laissées par des skieurs dans la neige, dans le dessin des rues et des rivières vues d’avion [voir l’aéropeinture, expression du futurisme, N.D.R.], ou dans les courbes des femmes dont il réalise le portrait. Le parcours s’écoule au fil des images, qui s’accumulent sans interruption les unes après les autres [évoquant la façon dont le poète italien Gabriele D’Annunzio avait meublé sa maison-musée du Vittoriale degli italiani, N.D.R.]. Il favorise ainsi l’idée d’une surprise continue tout en brisant la linéarité chronologique ou thématique », explique le conservateur de l’exposition Francesco Zanot.

Cette accumulation rappelle la tendance à la collection en vogue au xixe siècle, tout en évoquant pour Mollino une forte inclination à mener des recherches. Ces deux dynamiques ont convergé pour aboutir à des résultats inattendus.

L’exposition comporte quatre zones dont les titres sont tirés des écrits de l’auteur. Les visiteurs sont accueillis par Mille case, consacrée aux photos d’intérieurs et d’architecture, ainsi qu’à une série de clichés pris au cours de ses voyages. Puis on pénètre dans Fantasie di un quotidiano impossibile, orientée sur les atmosphères surréalistes et différents sujets questionnant la réalité telle qu’elle est capturée et représentée par l’appareil photographique (des boutiques dont les devantures font écho à Eugène Atget, des photomontages créés avec Riccardo Moncalvo, et des images tirées d’Occhio magico, 1945). La zone Mistica dell’acrobazia est consacrée à son amour de la vitesse, de l’aéronautique et des bolides (dont la Bisiluro qu’il a dessinée avec Mario Damonte et Enrico Nardi). Enfin, L’amante del duca affiche plus de cent-quatre-vingts photos axées sur le corps humain et les poses. D’une part, ses skieurs et de l’autre, ses portraits, ses clichés Polaroids bien connus et de nombreux tirages vintage, dans lesquels on retrouve une évidente référence au classicisme – comme par exemple la réinterprétation de La Venus à son miroir de Velàzquez. Notons que nombre de ses images sont encadrées de façon particulièrement novatrice.

Presque toutes les œuvres proviennent des collections de l’école polytechnique de Turin, ainsi que des archives de la Biblioteca Centrale di Architettura Roberto Gabetti et du fonds Carlo Mollino. Pour Sergio Pace, du département architecture et design de l’école polytechnique, « Carlo Mollino a porté une attention extraordinaire à la photographie tout au long de sa carrière. Son héritage témoigne à la fois de ses activités de designer et de l’immense variété de ses centres d’intérêt, ce qui en fait l’un des esprits artistiques les plus passionnants de son époque ». Les archives ont conservé des milliers de ses photos, souvent retouchées à la main. Ce fonds d’une valeur inestimable permet de poursuivre l’exploration du travail de Mollino et constitue un chapitre important de l’histoire de la photographie en Italie au début du xxe siècle.

 

Paola Sammartano

Paola Sammartano est journaliste spécialisée en art et photographie. Elle est basée à Milan, en Italie.

 

L’occhio magico di Carlo Mollino – Fotografie 1934-1973
18 janvier – 13 mai 2018
CAMERA – Centro Italiano per la Fotografia
Via delle Rosine 18
10123 Torino
Italie

http://camera.to/
Catalogue : essais de Francesco Zanot, Enrica Bodrato, Fulvio Ferrari et Paul Kooiker (éditions Silvana Editoriale)

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