Rechercher un article

L’École de Photographie de Kharkiv : Le Jeu du Quotidien

Preview

par Alina Sanduliak

Alors qu’en Europe et en Amérique dans les années 1960 à 1980, les photographes étaient libres de photographier n’importe quel aspect du quotidien, l’Union soviétique exigeait une longue et solide réflexion avant de se lancer dans la photographie de rue. « L’école de photographie de Kharkiv : de la censure soviétique à une nouvelle esthétique » est un projet qui nous permet de mieux comprendre comment les photographes ukrainiens de la fin de l’URSS voyaient le quotidien socialiste.

Les photographes européens et américains n’étaient pas limités dans leur choix de protagonistes ou de scènes – chaque nouveauté apparue dans la société était documentée de manière approfondie par des auteurs curieux : qu’il s’agisse de personnes d’apparence atypique (œuvres de Diana Arbus), de bohémiens new-yorkais faisant la promotion de la révolution sexuelle, de toxicomanes ou de personnes atteintes du sida (œuvres de Nan Goldin), de la vie nocturne (œuvres d’Ed van der Elsken), de communautés marginalisées (œuvres d’Anders Petersen), etc.

Dans le même temps, le champ des thèmes montrés à travers l’objectif des photographes ukrainiens de l’époque, se restreignait de plus en plus. La législation ukrainienne, qui faisait alors partie de l’Union soviétique, interdisait la photographie clandestine non seulement des « sujets stratégiques » (tels que les chemins de fer, les usines, les installations militaires), mais aussi la photographie de rue. Le nu était totalement tabou.

Les pouvoirs en place ont même dicté l’esthétique : la photographie ne devait pas contenir d’expériences extravagantes – celles-ci étaient qualifiées de « formalisme » et entraînaient la persécution pure et simple de leurs auteurs. La photographie soviétique proprement dite devait être « correcte », mise en scène, soigneusement sélectionnée. Il s’agissait essentiellement de propagande – les photographies de ce type étaient destinées à montrer une vision strictement positive de la vie soviétique, à souligner les mérites de l’utopie socialiste. La photographie documentaire qui aurait révélé d’autres côtés, une variété qui n’était pas toujours attrayante, était interdite. C’est ainsi que, jusqu’à la légère libéralisation de la vie sociale lors du «dégel khrouchtchévien » des années 1960, la photographie ukrainienne ne présente aucun exemple de photographie documentaire directe similaire à la photographie européenne ou américaine (du moins, si de tels exemples existent, ils n’ont pas encore été trouvés ou étudiés). Des expériences audacieuses commencent à la fin des années 1960 dans un cercle de photographes de Kharkiv, désormais connu sous le nom d’école de photographie de Kharkiv.

L’école de photographie de Kharkiv est un terme générique qui désigne plusieurs groupes photographiques et auteurs isolés – trois générations de photographes en tout, qui ont pris des photos à partir de la fin des années 1960 à Kharkiv. Le terme englobe environ deux douzaines de noms, dont Eugeny Pavlov, Juri Rupin, Boris Mikhailov, Oleg Maliovany, Oleksandr Suprun, Anatoliy Makiyenko, Oleksandr Sitnichenko, Gennadiy Tubalev, Viktor et Serhiy Kochetov, Sergey Bratkov, Sergiy Solonsky, Misha Pedan, Valerii et Natalia Cherkashyn, Igor Manko, Volodymyr Starko, Roman Pyatkovka, Igor Chursyn, Andrii Avdieienko ; et quatre groupes : « Vremia » (« Temps »), « Gosprom », « Groupe d’intervention rapide » et « Shilo » (Alène). Ces derniers ont non seulement créé des photographies documentaires pour raconter tous les aspects de la vie en Union soviétique, mais ont également incorporé des éléments artistiques pour interpréter, exagérer, déformer et ainsi créer des images encore plus justes de l’époque.

Les auteurs de l’école de photographie de Kharkiv ont créé de nombreuses œuvres qui ont documenté et interprété le quotidien soviétique et post-soviétique. Nous pouvons nous faire une idée générale des thèmes, des méthodes et des formats de leur travail en parcourant les archives en ligne « The Kharkiv School of Photography : From Soviet Censorhip to a New Aesthetic », créée dans le cadre du programme Ukraine Everywhere de l’Institut ukrainien.

Le quotidien soviétique peu attrayant a fait sa première apparition dans les œuvres du photographe ukrainien Boris Mikhailov (cet artiste désormais internationalement connu a vécu à Berlin au cours des dernières décennies). Sa photographie – ainsi que celle de ses collègues de Kharkiv – était à l’opposé de la photographie officielle et de propagande cultivée par l’Union soviétique. Alors que la photographie dominante visait à produire une valorisation chargée de pathos du citoyen soviétique et de ses journées de travail, les artistes qui s’y opposaient de manière non déclarée voulaient clairement montrer une autre facette – le quotidien et l’intime, ce qui était minutieusement caché par les autorités soviétiques. Pour eux, la photographie « servait une cause principale – dé-héroïser les Soviétiques », comme l’a dit Mikhailov dans une interview au sujet de sa démarche artistique.

Le thème du quotidien a été largement exploré dans son projet « Unfinished Dissertation » – un livre de photos en noir et blanc et de textes manuscrits, qu’il a créé en 1984-1985. À première vue, le livre peut apparaître comme une collection un peu hétéroclite de clichés d’amateurs. Toutefois, cette simplicité cache un regard franc et dénué de tout sentimentalisme sur la vie des habitants de Kharkiv au cours de la dernière décennie du pouvoir soviétique. La juxtaposition de photographies (le visuel) et de textes (le verbal) est quelque peu inhabituelle : les phrases manuscrites sont des pensées inattendues ou des extraits de livres, et n’ont rien à voir avec les images. De manière générale, Mikhailov accorde une grande attention à la ville et à ses changements au fil du temps ; ces thèmes se retrouvent dans toutes ses séries photographiques. Avec sa vision non-conformiste, Mikhailov a été une figure de proue pour nombre de ses amis du groupe « Vremia », ainsi que pour les générations suivantes de photographes. Ses œuvres sont aujourd’hui largement connues et analysées, c’est pourquoi nous proposons de nous pencher sur les travaux des auteurs moins bien connus.

Viktor et Serhii Kochetov sont un père et un fils qui présentent leurs œuvres comme des projets communs. N’ayant jamais fait partie d’aucun groupe artistique, ils ont toujours gardé une certaine discrétion. Cependant, les interactions avec Boris Mikhailov ont poussé Viktor Kochetov, qui travaillait comme reporter pour les médias soviétiques (et faisait donc partie de l’establishment photographique officiel), à prendre des photos « pour lui-même ». Cela signifiait créer le genre de photographie qui n’aurait été accepté par aucun rédacteur en chef d’aucun journal de l’époque. L’œil de l’appareil photo captait tout – l’appareil était une sorte de journal intime. Leurs photographies représentent leurs itinéraires quotidiens, le chemin au travail et le retour à la maison, ainsi que leurs promenades. Même lorsqu’ils photographiaient les rues du centre-ville, ils préféraient voir « derrière les façades », généralement ignorées par les photographes et les reporters professionnels. Leurs paysages sont marqués par un intérêt pour les lieux périphériques et marginalisés.

Dans les photographies des Kochetov, le quotidien se révèle être une dychotomie : sur une photo, nous voyons un vieil émetteur radio soviétique « Festival », mais le cliché lui-même est daté de 1994, c’est-à-dire après l’effondrement de l’Union soviétique ; sur une autre, nous voyons « Marlboro » inscrit sur des sacs à provisions et des tramways. Telle était la réalité dans l’Ukraine des années 1990 : tout était mélangé, sans correspondance avec le lieu ou le moment.

Un geste caractéristique de l’école de photographie de Kharkiv est la technique de la coloration des instantanés. Mais alors que d’autres représentants de l’école de Kharkiv ont essayé toutes sortes de techniques – collage, superposition de diapositives, solarisation, tonification – les Kochetov ont limité leurs expériences à une seule. La peinture aux couleurs vives, frappantes, étranges (comme des visages bleus ou un ciel rose, par exemple) sert l’intention des auteurs de faire naître un fort sentiment de dissonance chez le spectateur.

Certaines photographies des Kochetovs peuvent être considérées sous un angle historique : ils avaient un grand intérêt pour les vieilles voitures. De nombreuses photographies montrent des Moskvitchs, des Chaikas et des Pobedas soviétiques dans diverses conditions. Il est très étonnant de voir ces symboles du temps documentés de près, comme des monuments majestueux.

Boris Mikhailov a une série intitulée « Cas historique », dans laquelle il a photographié des sans-abri, et a ainsi documenté une nouvelle strate sociale qui n’est apparue en Ukraine qu’après l’effondrement de l’Union soviétique. Les Kochetov n’ont pas photographié de sans-abri, mais leurs œuvres paysagères des années 1990 contiennent de nombreux chiens et chats des rues. Ils constituent un trait caractéristique de l’espace public post-soviétique, où, privés de soins, les animaux des rues ont commencé à se rassembler en meutes pour survivre.

Dans les œuvres de Kochetovs, le banal devient surréaliste. Peut-être est-ce l’ennui et l’apathie de la vie dans la réalité soviétique et post-soviétique qui ont motivé cette tournure. Les Kochetovs utilisent la photographie comme un moyen ironique de dépeindre l’absurdité de l’existence (post-)socialiste.

D’autres auteurs de ce qu’on appelle la première génération de l’école de photographie de Kharkiv s’intéressaient davantage aux thèmes du corps nu et de la sexualité.

La deuxième génération, tout comme les auteurs susmentionnés, s’est intéressée au quotidien, aux changements dans l’espace environnant et aux personnes. Le groupe formé par Igor Manko et Hennadii Maslov en 1985, d’abord appelé « Encounters », puis « Gosprom », en est un exemple frappant. Le groupe comprenait également Volodymyr Starko, Boris Redko, Misha Pedan, Leonid Pesin, Kostiantyn Melnyk ; Sergey Bratkov s’y est joint plus tard à la place de Maslov. Les jeunes photographes collaboraient avec le groupe de Vremia et leur montraient leurs photographies, mais ils s’en écartaient par la « théorie du coup » [un concept formulé par les photographes de Kharkiv, selon lequel des photographies saisissantes, parfois agressives, sont censées « frapper » le spectateur, capter immédiatement son attention et former ainsi une forte impression – ndlr]. Comme l’a noté Ihor Manko lors d’une interview, leur groupe « s’efforçait avant tout d’être fiable sur le plan documentaire, de revenir au réalisme et de montrer les véritables aspects de la réalité soviétique dans sa décomposition ». Ils s’intéressaient au quotidien soviétique sans fioritures.

Misha Pedan a fourni une documentation presque exhaustive sur les dernières années de l’Union soviétique. En 1990 déjà, Pedan a émigré en Suède. Ses photographies de 1986-1990 dépeignent diverses scènes de rue, où les gens regardent souvent l’appareil photo ou prennent des poses ironiques. Dans ses œuvres, le quotidien transparaît dans les vêtements des sujets de ses photographies, leurs expressions faciales et leurs poses. À la fin des années 1980, les jeunes se comportent plus librement, ils n’ont plus peur de l’appareil photo, ils prennent des poses courageuses, voire légèrement provocantes, « cool » et « modernes ». Les poses et les visages des personnes plus âgées montrent encore parfois de la réserve ou de la timidité, mais là encore, ils ne craignent pas de se faire photographier. C’est un signe révélateur de l’évolution de l’état d’esprit de la société, qui devient plus libre et moins coincée. Ce sentiment de liberté soudaine était dans l’air, et Misha Pedan a réussi à le capturer. Le livre de photos « La fin d’une belle époque », qui compile ses photographies des années 1980, a été publié il n’y a pas si longtemps, en 2012. Dans une interview, Pedan décrit l’album ainsi : « Cette liberté, cette étape initiale de la liberté, était belle. Ce livre a un double objectif : d’une part, il dépeint l’exotisme soviétique, mais en même temps, il montre la vie ordinaire. »

La vie ordinaire est également illustrée dans l’avant-dernier album photo de Pedan, intitulé « M », et consacré au métro soviétique. En 1985-1986, Misha Pedan a photographié en secret les passagers du métro pendant leur trajet quotidien de 45 minutes, le matin et le soir (il était encore interdit de photographier ouvertement la vie quotidienne). Les 80 photographies en noir et blanc ne montrent que des visages tristes et méfiants : on dirait qu’il n’y avait pas du tout de gens heureux en Union soviétique. En préparant le livre pour la publication, les éditeurs se sont efforcés de trouver du vieux papier photographique soviétique, afin de créer une impression appropriée : « Les photographies ont l’air sales et sombres – c’est précisément l’effet que je recherchais ». Les photographies, le texte et la conception visuelle globale du livre s’associent pour donner une image saisissante de « l’homme soviétique moyen ».

D’autres membres du groupe Gosprom s’intéressaient également aux manifestations du quotidien, et trouvaient une esthétique appropriée pour les transmettre : Si j’essayais de résumer l’esthétique du groupe Gosprom en un mot, ce serait « Indifférence » », a déclaré Pedan lors d’une interview. Et, en effet, on peut dire que les photographies sont ennuyeuses et grises, mais c’est précisément l’esthétique qui s’attaque aux dernières années de l’Union soviétique lorsqu’on les regarde sans ironie ni sarcasme, comme le préférait la première génération de l’école de Kharkiv. Ihor Manko, cofondateur du groupe Gosprom, et commissaire de l’exposition « Kharkiv School of Photography : From Soviet Censorship to a New Aesthetic », décrit ainsi les tentatives artistiques de ses collègues : « Dans cette ligne générale [de précision documentaire – note de l’éditeur] Pesin et Starko tendaient vers l’expression critique antisoviétique, tandis que Borys Redko préférait la démonstration ironique de l’absurdité de la vie environnante. »

Les photographies de Volodymyr Starko présentent un regard direct et quelque peu détaché sur l’espace public délabré : ici, un tas d’asphalte brisé, là, le panneau d’affichage vide d’un cinéma, ailleurs, des fils tordus d’une utilité incertaine au milieu d’une cour. Dans la plupart de ses œuvres, l’espace semble abandonné par l’humanité. La photographie de la chaise vide avec une veste drapée sur le dossier est également symbolique : c’est comme si le propriétaire du vêtement n’était plus là, sa place est vacante. Ou vice versa, nous voyons une foule préoccupée par ses propres affaires alors qu’elle attend un moyen de transport – le rituel automatique quotidien des déplacements professionnels.

Ce qui frappe dans les œuvres de Boris Redko, c’est la vue répétitive des immeubles et projets de grande envergure en panneaux préfabriqués. Leur construction en Union soviétique a commencé dans les années 1960 et, dans les années 1980, ils dominaient la périphérie des villes. Dans les photographies de Boris Redko, les « panneaux » ne sont pas des objets directs de la photographie ; ils accompagnent plutôt les tentatives de l’auteur de photographier la cour de son enfance, une vue depuis une fenêtre, ou même un paysage avec la lune ou des poussettes. Ces photographies évoquent le sentiment d’une « jungle urbaine » grise, où les gens sont presque absents, serrés dans une des nombreuses boîtes qui ne sont pas censées être différentes des autres boîtes voisines.

Le thème du quotidien sans artifices semble former un cycle fermé dans les œuvres du groupe Shilo [« awl »], la troisième génération de l’école de Kharkiv. Le groupe a été formé en 2010 par les photographes Serhii Lebedynskyi, Vladyslav Krasnoshchok et Vadym Trykoz, qui se sont finalement séparés. Comme leurs prédécesseurs, ces photographes recourent fréquemment à l’ironie et considèrent que leur fonction est de « piqué » (d’où le terme « awl ») le milieu photographique quelque peu endormi tel qu’il existait à Kharkiv dans les années 2010. Ils ont créé un album photo intitulé « Dissertation achevée » en hommage à Boris Mikhailov, à la fois pour tenter de « construire des ponts » entre les générations, mais aussi pour se moquer d’un maître reconnu. Ils ont utilisé la même esthétique que celle de Mikhailov dans sa « Dissertation inachevée », la même photographie grise et ennuyeuse combinée à des textes ironiques pour documenter le Kharkiv moderne. Pourtant, il est difficile de faire la différence, comme si le temps s’était arrêté en ce lieu.

Pour résumer, les représentants de l’école de photographie de Kharkiv étaient attirés par les petits détails de la vie. La majeure partie de leur œuvre consiste en une sorte de jeu autour de ces détails insignifiants. Dans une situation où les œuvres susmentionnées ne pouvaient pas être exposées, ou lorsque leur seule présence dans une exposition entraînait leur retrait et la fermeture de l’exposition, c’est comme si les auteurs avaient pris ces photographies uniquement pour leur usage privé, qu’ils étaient libres de jouer avec elles comme bon leur semblait, sans aucune contrainte de technique ou de point de vue esthétique. Tout est possible dans le jeu. C’est pourquoi la photographie de Kharkiv, avec la place centrale qu’occupe l’ironie dans de nombreuses séries représentées ici, est tout à fait conforme au postmodernisme. L’ironie et le jeu se manifestent dans la manière de regarder les choses. Ils étaient un moyen de lutter contre l’ennui soviétique et la grisaille du quotidien. Comme l’a noté Misha Pedan dans une de ses interviews : « S’il y avait un thème unificateur à l’école de Kharkiv, c’était le sentiment de l’absurdité du monde environnant, et une attitude ironique [envers ce monde]. Cette ironie nous permettait de continuer à vivre tout en sachant que le monde est absurde. »

Alina Sanduliak

Traduction: Tanguy Martignolles

 

Pour en savoir plus sur l’École de photographie de Kharkiv, visitez la plateforme « L’École de photographie de Kharkiv: de la Censure soviétique vers une Nouvelle esthétique ». Elle fait partie du programme Ukraine Everywhere de l’Institut Ukrainien. Ce projet a pour but d’éclairer quant au rôle et à l’œuvre de la photographie de Kharkiv. Il combine des images, des interviews, des essais critiques, et d’autres formes de documents, pour illustrer l’évolution de l’École de photographie de Kharkiv, la lutte des artistes pour leur liberté d’expression, et les courants de photographie contemporaine artistique en Ukraine.

Alina Sanduliak est historienne de la photographie, auteur indépendante et commissaire d’exposition. Ses recherches portent sur la photographie du monde contemporain, les méthodes de création de projets photographiques, ainsi que sur la photographie ukrainienne classique. Ses articles ont été publiés dans différents magazines en ligne tels que Bird in Flight, Art Ukraine, Korydor.

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android