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Le Questionnaire N°100 : Gilles Decamps par Carole Schmitz

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Aujourd’hui, c’est le centième du Questionnaire de Carole Schmitz que nous publions.
Et pour fêter cet anniversaire, c’est un invité spécial que nous avons.
Gilles Decamps : oui, le rédacteur en chef de l’Oeil de la Photographie qui fut aussi un des photographes de Paris Match.
Regardez, son choix d’images est éloquent !
Quant à Carole, elle aimerait trouver un éditeur pour sa collection étonnante de questionnaires de passionnés de l’image fixe.
Jean-Jacques Naudet

 

THE QUESTIONNAIRE N°100

 Ce centième Questionnaire est loccasion pour moi de remercier tous les photographes (et particulièrement Mathieu Bitton qui fut le premier à me dire oui), les collectionneurs, les galeristes et autres amateurs de belles images de m’avoir fait confiance.

Je l’avoue, même si l’idée de cette rubrique (inspirée par Proust) est mienne et que j’en suis fière, je ne pensais pas qu’elle aurait une telle longévité et un tel succès. Je sais que pour certains d’entre vous elle est un rendez-vous attendu chaque lundi et je vous en remercie. Elle est pour moi une manière différente d’aller à la rencontre de ces femmes et ces hommes d’images et de partager avec vous leur sincérité, leur vision du monde et leur humour aussi. Certaines de leurs réponses m’ont amusée, d’autres m’ont étonnée, mais chaque nouveau questionnaire est un pur bonheur pour moi… Évidemment, cette aventure se poursuit car il me reste beaucoup d’autres personnalités à vous faire découvrir… et qui sait peut-être en ferai-je même un livre cette année ! A bon entendeur, salut …

 

Gilles Decamps : La Photographie en Heritage

Pour l’heure, je suis ravie que pour mon 100e Questionnaire Gilles Decamps, notre rédacteur en chef, ait « enfin » accepté de jouer le jeu de ce Q&A. Car, Gilles, je me dois de vous le dire, n’est pas qu’un simple rédacteur en chef pour moi, il est aussi le photographe avec qui j’ai pratiquement démarré ma carrière de journaliste, mais avant tout, il est mon complice, mon ami, l’un des parrains de ma fille, le frère que je rêvais d’avoir enfant (même si j’aime ma sœur ! ) … Bref il fait partie de ma famille.

Je me souviens comme si c’était hier (… et pourtant !) de notre premier sujet ensemble. Ce fut avec Arielle Dombasle et Omar Sharif, une séance photos à l’hôtel de Crillon pour Paris Match. Elle marqua le début d’une longue collaboration et surtout d’une indéfectible amitié avec des rires, des engueulades, des silences et toujours beaucoup de bienveillance.

Mais assez de nostalgie, parlons de lui…

La photographie a toujours fait partie de la vie de Gilles. En revanche l’un de ses premiers vrais souvenirs remonte aux années 60, il n’avait alors que 6 ans et immortalisa déjà Veruschka, mannequin de 1,80 m. –

Dès lors, il ne cessera d’avoir un faible pour les jolies femmes.

Mais ce n’est que 12 ans plus tard, qu’il décide de se mettre à la photographie avec une prédilection pour la mode et le portrait.

De retour de son service militaire, il est engagé par le magazine Paris-Match tout en collaborant avec d’autres titres du groupe Filipacchi tels Première, Elle, Femme, Photo, Lui, Newlook… Nonobstant, ses images ont également été publiées dans Vogue, Depeche Mode, The Face, Time Magazine, Empire, Grazia, Amica, Stern… pour ne citer que ceux-ci.

Ses portraits et cette manière bien à lui de photographier les gens font l’unanimité. De Jeanne Moreau (dont il fut le photographe quasi exclusif durant plus d’une décennie à Sharon Stone, en passant par Faye Dunaway, Elizabeth Taylor, Grace Jones, Leelee Sobieski, Julie Delpy, Clint Eastwood, John Malkovich, Morgan Freeman, Christopher Walken, Sir Ben Kingsley, Mark Wahlberg, James Cameron, Oliver Stone, Francis Ford Coppola, Steven Tyler, Karl Lagerfeld, Jean-Paul Gaultier, John Galliano, Valentino, Claude Montana, Daniel Humm, Marc Haeberlin, Pierre Gagnaire et bien d’autres, tous ont été les victimes consentantes de son talent.

En 1997 pourtant, il signe un contrat exclusif avec l’agence SYGMA qui l’emmène à Los Angeles… « Une offre exaltante sur le papier mais un enterrement de luxe en réalité. » se souvient-il. Rapidement il se défait de cet engagement et s’échappe de cette prison dorée pour partir s’installer à New York où il vit depuis.

S’il poursuit épisodiquement quelques collaborations à des magazines, son travail est désormais davantage axé sur la photographie d’art, comme l’on dit…

D’ailleurs, nombreuses de ses photographies font parties de grandes collections à travers le monde, et récemment celle de « Grace Jones pour Patrick Kelly, Paris 1989 » a été exposée au Philadalphia Museum of Art dont elle fait partie de la collection permanente.

Carole Schmitz

 

Website : gillesdecamps.com
Instagram : gillesdecamps

 

Le Questionnaire N°100 :

Votre premier déclic photographique ?
Je suis né “en photographie”, un père, un oncle mais surtout mon parrain Georges Dambier, célèbre photographe de mode des années 50. J’ai grandi dans son ombre, ou plutôt dans l’ombre de son studio que ma mère Micheline dirigeait, bien qu’elle était plus à la directrice d’un petit orchestre d’assistants, de stylistes, de tireurs et d’une distribution en constante évolution de modèles, d’actrices et de personnalités. du « Tout-Paris ». Là, marchant à peine, j’ai vu mon premier modèle, touché mon premier Hasselblad, pris ma première photo alors que son chien Woodstock était allongé à proximité, totalement imperturbable par les éclairs des flashs Balcar. Des années plus tard, je suis devenu son dernier assistant.

Georges Dambier © Archives Georges Dambier

 

L’homme ou la femme d’image qui vous a inspiré ?
Georges bien sûr, mais aussi Helmut Newton, Guy Bourdin, David Bailey et Dick Avedon, tous avec qui j’ai eu la chance de passer du temps et bien sûr Mr. Penn, que je n’ai jamais rencontré, mais j’ai soudoyé le concierge du studio qu’il utilisait à Paris pour nettoyer à sa place après les shooting, juste pour jeter un coup d’œil à sa configuration d’éclairage qui était si trompeusement « simple ». A eux, je dois ajouter Roger Thérond et Daniel Filipacchi, sans eux je ne serais pas ce que je suis aujourd’hui. Et la liste continue…

Roger THÉROND (Arles, 1999, © Lionel Charrier, Olivier Monge, ENS Louis-Lumière)

 

 L’image que vous n’avez pas encore réalisé et que vous aimeriez réaliser ?
Un portrait de Sa Sainteté le 14e Dalaï Lama. Le rencontrer quelques minutes il y a des décennies grâce à Benjamin Auger a changé ma vision de tout dans la vie. J’essaie tous les jours de ne pas oublier.

Celle qui vous a le plus ému ?
Après la réponse précédente, cela semblera un peu superficiel, mais le portrait d’Avedon de Marilyn Monroe en 1957 m’émeut toujours. Comme il l’a dit : « Pendant des heures, elle a dansé, chanté, flirté et fait ce truc qui est—elle a fait Marilyn Monroe. Et puis il y a eu la chute inévitable. Et quand la nuit était finie et que le vin blanc était fini et que la danse était finie, elle s’est assise dans le coin comme une enfant, avec tout parti. Je l’ai vue assise tranquillement sans expression sur son visage, et j’ai marché vers elle mais je ne l’aurais pas photographiée à son insu. Et comme je suis venu avec la caméra, j’ai vu qu’elle ne disait pas non.”

Richard Avedon. Marilyn Monroe, New York. May 6, 1957 © The Richard Avedon Foundation

 

Celle qui vous a mis en colère ?
La liste est interminable de la photographie par Nick Ut de Kim Phuc au Vietnam, Tomoko et Mother in the Bath de W.Eugene Smith, Tank Man de Jeff Widener à Tiananmen, les « sauteurs » du World Trade Center le 11 septembre 2001, dernièrement les horribles images de l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021, l’Ukraine, l’Iran… J’essaie de ne pas céder à la colère et à la rage. Ces images sont essentielles et les photographes qui risquent leur vie pour témoigner pour le monde méritent plus de respect que la plupart d’entre nous s’amusant derrière un appareil photo.

Une image clé de votre panthéon personnel ?
Probablement mon premier portrait de Jeanne Moreau, suivi de plus de 10 ans de collaboration et aussi Azzedine Alaïa sous la verrière de son espace rue de la Verrerie. Les deux ont changé la donne dans ma carrière.

Un souvenir photographique de votre enfance ?
La première fois que j’ai vu Blow Up d’Antonioni avant mes 10 ans, et mon premier livre photo que j’ai reçu à mes 13 ans : White Women d’Helmut Newton. Si vous pensez que c’était assez jeune, eh bien, j’étais abonné à American Playboy depuis mes 9 ou 10 ans, pratiquant mon anglais bien sûr. Le bonheur de grandir dans les années 60…

L’image qui vous obsède ?
Celle que je n’ai pas encore faite.

Sans limite de budget, quelle serait l’œuvre que vous rêveriez d’acquérir ?
« Dovima et les éléphants, Robe du soir Dior, Cirque d’Hiver, Paris, août 1955 » de Richard Avedon. Helmut Newton’s “Saddle I, Paris, 1976”et “Sie Kommen, Paris (Habillé et nu), 1981”.

Selon vous, quelle est la qualité nécessaire pour être un bon photographe ?
Quand je suis arrivé à Paris Match. Daniel Filipacchi avait une question : “A-t-il de la chance ?” Je dois donc en avoir.

Le secret de l’image parfaite, s’il existe ?
Avoir au moins un œil ouvert.

La personne que vous aimeriez photographier si vous en aviez l’opportunité ?
Encore une fois, la liste est longue, mais malheureusement, à ce jour, elles/ils ont tous disparu. Mais il y a toujours demain. Un nouvel Orson… Marilyn… Marlon… Ava… Yul… Je ne pense pas, mais on peut toujours espérer.

Un livre de photos indispensable ?
Juste un? Vraiment?

L’appareil photo de votre enfance ?
A 5 ou 6 ans un Kodak Instamatic, puis un Yashica Mat-124G (le « Rolleiflex du pauvre »), suivi rapidement par le “vrai”.

Celui que vous utilisez aujourd’hui ?
Canon 5D Mark III par nécessité et un Hasselblad 500 C/M pour le plaisir, ce qui est plus encore une nécessité.

Votre drogue préférée ?
Je travaille mieux « lubrifié ». Comme l’a dit Sinatra « Je suis désolé pour les gens qui ne boivent pas parce que quand ils se réveillent le matin, c’est le meilleur qu’ils vont se sentir toute la journée. » Heureusement, et ce n’est pas faute d’avoir essayé, je n’ai eu qu’une unique gueule de bois dans ma vie, ça en valait la peine. Merci Keith.

Le meilleur moyen de déconnecter pour vous ?
Des films, des films et encore des films. Beaucoup de photographes sont des peintres frustrés, je suis un réalisateur frustré, jusqu’ici…

Quelle est votre relation avec l’image ?
Je vis et respire par elle depuis l’enfance.

Que voyez vous lorsque vous apercevez votre reflet dans un miroir ?
Un ami pour ceux que j’aime inconditionnellement, aux autres mieux vaut ne pas répondre.

Votre plus grande qualité ?
J’aimerais dire la bonté, mais je pense que c’est la résilience.

Votre dernière folie ?
Me porter volontaire pour ton Questionnaire.

Une image pour illustrer un nouveau billet de banque ?
En Suède, un portrait d’Ingmar Bergman réalisé par mon ami Frederick Edwin Bertin orne l’un de leurs billets de banque, pas une mauvaise idée. Je me méfie cependant de savoir qui obtiendrait des votes aux États-Unis…

Le travail que vous n’auriez pas aimé faire ?
Critique. Je parle des méchants, des aigris. À l’Œil de la Photographie, nous ne publions que les œuvres que nous aimons de personnes que nous respectons (et souvent aimons).

Votre plus grande extravagance professionnelle ?
Travailler gratuitement. Cela a rendu certains de mes agents assez fous.

Quelles différences entre photographie et photographie d’art ?
Oh mon Dieu! Tant d’arguments sur ce sujet. Je ne vois pas la photographie comme un art mais comme une forme d’expression artistique, trop d’aspects techniques sont impliqués, trop de gens. Le jour où je pourrai créer une photographie juste en clignant de l’œil, alors nous pourrons en discuter. Cela vaut aussi pour le Septième Art.

La ville, le pays ou la culture que vous rêvez de découvrir ?
Descendre lentement la vallée du Nil, et le Japon.

L’endroit dont vous ne vous lassez jamais ?
Manhattan.

Votre plus grand regret ?
Les occasions manquées, la plupart de ma faute, cachant une timidité naturelle pour ce qui était souvent pris pour de l’arrogance.

En termes de réseaux sociaux, êtes-vous plutôt Instagram, Facebook, Tik Tok ou Snapchat et pourquoi ?
Je suis assez mitigé sur le sujet. Bien que je réalise l’omniprésence des réseaux sociaux aujourd’hui, je les redoute. Je pense que je poste tous les deux ans, surtout quand quelqu’un franchit le Rubicon en me sentant comme un croque-mort… Une des choses les plus stupides que j’ai dites (et il y en a beaucoup), quand un ami m’a dit il y a des années que quelqu’un était « célèbre » sur Instagram, J’ai répondu qu’être célèbre sur Instagram, c’était comme être riche au Monopoly. Aujourd’hui, je ne pourrai pas me tromper davantage, quand les marques, les magazines et les studios de cinéma engagent les talents en function de leurs “followers”. Pas sûr que ce soit une bonne chose…

Couleur ou N&B ?
Tout paraît mieux en Noir & Blanc, mais pourquoi séparer ?

Lumière du jour ou lumière artificielle ?
Certainement la lumière artificielle, bien que je fasse confiance à un Être Supérieur pour beaucoup de choses mais quand il s’agit de lumière, il ou elle, est beaucoup trop inconsitant(e) à mon goût.

Quelle est, selon vous, la ville la plus photogénique ?
Pour moi New York, mais Paris !!! Je suppose que je n’ai jamais compris sa beauté photographique parce que je suis né et j’ai grandi à Paris, j’ai peut-être pris la Dame pour acquise. Toujours une énorme erreur.

Si Dieu existait, lui demanderiez-vous de poser pour vous, ou opteriez-vous pour un selfie avec lui ?
Ni l’un, ni l’autre. J’ai hâte de prendre un verre ou deux et de discuter de la façon d’améliorer les choses ici bas, d’en haut, il est assez facile de perdre la perspective.

Si je pouvais organiser votre dîner idéal, qui serait à table ?
Bon alors, 13 à table même si c’est assez de mauvais goût dans la « bonne société ». Les dames d’abord : Elizabeth Taylor, Frida Kahlo, Lee Miller, Simone de Beauvoir, Marilyn Monroe et Cléopâtre (si non disponible Néfertiti fera l’affaire) quant aux messieurs : Orson Welles, Sacha Guitry, Ernest Hemingway, Jim Morrison, Mark Twain, Oscar Wilde et Jean Yanne (qui « animera » ce dîner à sa manière inimitable). Ajoutons Serge Gainsbourg, cela fera 14 et les superstitieux seront rassurés.

L’image qui représente pour vous l’état actuel du monde ?
J’aimerais pouvoir penser à une image d’espoir, comme je ne peux pas : no comment.

Qu’est-ce qui manque dans le monde d’aujourd’hui ?
Nous le savons tous, n’est-ce pas?

Si vous deviez tout recommencer ?
Chaque jour est une chance de tout recommencer.

Le mot de la fin ?
Keep calm and carry on (Restons calme et continuons).

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