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La Chronique Livre : Oleñka Carrasco : Patria

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« Le 9 juin 2020, j’ai reçu un appel. De ce côté-ci de l’Atlantique il devait être 10h. « Il est mort », m’a-t-elle crié. » C’est ainsi qu’Oleñka Carrasco apprend la mort de son père, à 7286 kilomètres de distance.

La photographe vénézuélienne, qui a quitté son pays pour l’Europe en 2003, à l’âge de 23 ans, n’y est pas retournée depuis 2015. Cette même année, Nicolas Maduro autorise l’utilisation d’armes à feu dans la répression des manifestations. Elles sont de plus en plus nombreuses dans ce pays gangrené par une crise politique et économique interminable.

Dans Patria, Oleñka Carrasco fait résonner le récit bouleversant du deuil d’un être cher avec la mort de son pays. Pour ce projet, né sous la forme d’un livre et décliné dans une exposition aux Rencontres d’Arles, l’artiste poursuit une démarche protéiforme, mêlant pensées écrites à la machine, archives historiques et personnelles, conversations WhatsApp et visiophoniques, captures d’écran…

Partant du décès de son père, Oleñka Carrasco nous plonge dans sa traversée d’un deuil vécu dans la solitude de la distance. La photographie est une tentative de réponse : « comment photographier l’absence ? comment photographier le vide ? comment photographier la distance ? comment photographier les non-dits, le noeud dans la gorge, ton prénom ? » Elle assiste à l’enterrement à travers la caméra d’un téléphone dont les images laissent entrevoir la situation du pays, où des cimetières impersonnels sont improvisés pour accueillir les milliers de morts.

Les questions d’identité et d’appartenance à un pays que ce deuil fait surgir rejoignent progressivement l’histoire du Vénézuéla et de sa population exilée. Oleñka Carrasco raconte la situation d’une famille, la sienne, éclatée entre la France, les États-Unis et leur pays natal. Elle évoque son dernier voyage au Vénézuéla, lors duquel elle trouve un territoire déserté et une patrie éparpillée. Ce pays n’est plus le sien, elle fait partie de « ceux qui sont partis ». En 2020, 5,9 millions de Vénézuéliens vivent en exil. Ceux qui restent doivent marcher des heures pour trouver de la nourriture. Son père parcourait trois kilomètres pour atteindre le dispensaire où il pourrait acheter un inhalateur permettant de traiter son asthme.

Du « pater » à la « patria », Oleñka Carrasco livre le récit poignant d’une double disparition, dans lequel l’histoire intime devient universelle et politique.

 

Oleñka Carrasco – Patria
The Eyes Publishing, 2023
21 x 30 cm, Broché
ISBN: 9791092727555
Disponible en bonnes librairies et en ligne

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