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Heidi Levine : La guerre et la guérison à Gaza

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Gaza City : Août 2014, Hidya Atash, palestinienne, découvre au lever du jour les décombres de son quartier de Shujayea, détruit par les bombardements deTsahal dans le cadre de l’opération «  Bordure protectrice » en représailles aux tirs de roquettes du Hamas sur Israël.

Bayeux : Octobre 2015, plus de 1500 personnes, toutes devenues un instant Hidya d’un soir, accompagnent par une salve d’applaudissements Heidi Levine qui monte sur la scène du 22ème PRIX Bayeux Calvados des Correspondants de guerre. Venue recevoir le Prix Photo Nikon décerné par le jury professionnel , elle porte son émotion au bord des larmes. Elle sera à son comble quand elle revient peu après recevoir son deuxième «  award » pour le même reportage : le Prix Grand Public parrainé par l’Agence Française de Développement ( AFD ). Les «  bravo » se mêlent aux applaudissements redoublés pour ovationner une des plus opiniâtres et talentueuses photographes correspondante à Tel-Aviv depuis 25 ans pour l’agence SIPA Press.

Réalisée, coûte que coûte, en plein cœur du chaudron israélo–palestinien, chacune de ses images porte la marque d’un engagement quotidien délivré de tout préjugé. Juive de naissance, palestinienne de cœur, mais d’une rigueur déontologique incontestée de part et d’autre, Heidi Levine fait de son œil avisé et sans concession l’outil des plus indispensables constats sur ce théâtre de guerre ultra-sensible. Aucune surenchère dans la recherche d’empathie. Le grand public de Bayeux a fait sien le jugement des professionnels devant les images de Gaza à leur juste place, dans un éditing remarquable de sobriété. Heidi Levine pratique toujours un cadrage lumineux de simplicité : tel le visage grêlé d’éclats d’obus de Rawya Abu Jom’a , au regard mouillé de pleurs et de sang mêlés, venu du creux de sa douleur, pour diffuser et imprimer en nous la réalité tragique d’un conflit sans fin. La jeune photographe qui a débuté chez Associated Press dans les années 80, aujourd’hui totalement aguerrie et plus convaincue que jamais de l’utilité du métier, n’a cessé d’attester avec chacun de ses clichés de la tragique « réalité iconographique » de la souffrance humaine. En répondant à sa manière toujours pudique à cette permanente question du reporter de guerre : comment représenter l’horreur sans provoquer l’impatience de ne plus la voir ? Telles ces images de pères et fils amputés, au centre d’une composition d’une totale sobriété, qui n’exprime que plus encore le désespoir résigné et le chagrin qui les tenaillent, l’amour qui les sauve .

Comment empêcher que l’esthétique ne serve d’alibi et de surenchère à la compassion ? La question fut souvent sous-jacente dans toutes les catégories confondues et souvent allègrement débattue, autant que la cohabitation nécessaire entre reportage sur le terrain et enquête. Pour donner la primeur, en presse écrite au reportage de Christoph Reuter de Spiegel : «  Haji Bakr , le cerveau de la terreur »  le Prix du département du Calvados.

«  «  Savoir, comprendre, agir » sont les mots clés de la raison d’être du Prix Bayeux « , soulignait Jean-Léonce Dupont, Président du Conseil départemental du Calvados. Un écho aux propos tenus devant la stèle du Mémorial des reporters par Riss, survivant de Charlie qui disait « la guerre est venue jusqu’à nous ».  Plus présente que jamais chaque année dans les reportages et sur des terrains de plus en plus difficiles d’accès. Patrick Gomont , maire de Bayeux le rappelait : 720 journalistes sont morts ces 10 dernières année. Il faut y ajouter les milliers de victimes de tous les conflits qui perdurent dans le monde, en Syrie, en Irak, comme sur les routes assassines des « migrants » vers l’Europe. «  Puissions nous garder au fond de nous la présence  de leur absence » souhaite Jean–Léonce Dupont.

Pour défendre la démocratie, le devoir d’informer et le droit à l’information plus que jamais menacés. Un combat qui n’est pas le monopole de RSF mais une chance pour tous. « Merci Bayeux », écrit Jean-Pierre Perrin dans « Libération » du 12 Septembre. Avec totale raison.

Alain Mingam .

«  La guerre et la guérison à Gaza »
Prix Photo Nikon
Prix Grand public- AFD
(Agence française de développement)

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