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Gilles Peress : Whatever You Say, Say Nothing – Le Premier Jour

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Minority Claim (Revendication de Minorité) Texte par Gilles Peress

C’est un vieux livre, un livre mort-né, le livre qui « n’a jamais existé », à propos d’une époque maintenant révolue qui était morne, sombre et violente, remplie de secrets et de meurtres.

J’avais voyagé en Irlande du Nord dans les années 1970 – après la réintroduction de l’internement en 1971 ; avant et pendant Bloody Sunday en 1972; et plusieurs fois par la suite – mais ce n’est qu’au début des années 1980, après avoir terminé Telex Persan, que j’ai décidé sérieusement de faire un livre.  Beaucoup de fictions courrent sur le projet, y compris le fait que j’y travaille depuis 20 ans, 40 ans. Le fait est que l’essentiel du livre, tant en idées qu’en images, a été réalisé en quelques années bien précises, 1981, 1984, 1986, 1988 et 1989. Le livre a été essentiellement terminé en 1990, plus ou moins sous la forme que vous voyez maintenant, et aurait été publié à cette époque sans les aléas de ma propre vie. Il avait un titre différent à l’époque (il en a eu beaucoup au cours des 20 dernières années), et il faisait environ 700 pages, mais il avait déjà la structure de 22 jours semi-fictionnels qui organisent les deux volumes de Whatever You Say, Say Nothing. Cette structure EST le livre autant que les images qui l’ont compris. Un avertissement : La page de titre décrit l’œuvre comme une fiction documentaire, et c’est bien cela.

En faisant ce livre, mon intention était de décrire une totalité dans toutes ses simultanéités : pas seulement pour représenter ce qui se passait de chaque côté de la division entre nationalistes et loyalistes, ou de chaque côté de la division de classe entre les riches et les pauvres, mais pour représenter la vie dans toutes ses incarnations. Je voulais décrire des jours où de grands événements, des événements historiques, se produisent, et je voulais décrire des jours où rien ne se passe, des jours intensément ennuyeux, des jours qui ne finissent jamais. Je voulais décrire la texture et la structure de la vie, dans tous ses détails ; qu’est-ce qu’un verre de bière, une portion de chips, un lit ; qu’est-ce qu’une émeute, qu’est-ce qu’un champ, un oiseau, un nuage. Bref, j’ai voulu décrire tout ce qui fait une réalité, tout ce qui définit l’existence et l’expérience dans un espace ritualisé par une violence récurrente et cyclique sur une longue période de temps. Si j’avais pu décrire l’air et le temps qui passe, je l’aurais fait ; en fait, je pense avoir essayé.

Gilles Peress, de Minority Claim, publié dans Annals of the North pour accompagner Whatever You Say, Say Nothing

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