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Gilles Mercier, Zona de Alb

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Ouvert dans les années 30, Tichilesti, petit village roumain proche du Delta du Danube, est un lieu d’exil pour les personnes atteintes de la lèpre et demeure à l’heure actuelle leur terre d’accueil. Zone Blanche, les résidents ont retrouvé leur liberté de circulation depuis les années 90 et ont reconstruit leur vie sociale extérieure avec difficulté. Ils resteront à jamais ces personnes frappées de la vengeance divine, déracinées, « effacées » et oubliées de toute mémoire familiale et collective pendant des décennies.

« En 1999, j’arpente un chemin de terre m’éloignant de l’axe routier principal longeant le Delta du Danube.

Passant le portillon, je m’engage alors dans un ensemble de bâtiments anachroniques, de par l’énergie qui s’en dégage…

Les premières rencontres répondent également à cette étrange sensation d’intemporalité que connaissent ces hommes et femmes « frappés de la vengeance divine » .

La plupart des 40 résidents sont ici depuis plusieurs décennies même si la maladie a été contenue, même si elle a été dépistée et soignée suffisamment tôt …

Aujourd’hui stabilisés mais marqués dans leur chair, les patients ont su reconstruire une vie sociale et affective en quasi autarcie matérielle, vivant dans des habitats de 10m2 pour la plupart, s tout en respectant l’intimité de chacun.

Et malgré le déracinement subi, ils font tous preuve d’une humanité incroyable.

Cette même humanité qui après mon premier séjour parmi eux m’a incité séjourner à nouveau chez eux.

En 2016, de retour parmi eux, je constate qu’avancées scientifiques et avancées sociales n’ont pas eu le même cheminement …

Soins, décès et inactivité meublent leur quotidien mais l’équipe médicale et technique sur site, au minima soit elle à ce jour, constitue le liant de leur vie sociale.

Pacha, Imma, Grisha…ne différencient espoir, désillusions, satisfaction de cette situation qui s’affiche pourtant fièrement dans divers médias nationaux comme « en voix d’extinction ».

Chacun a banalisé cet itinéraire forcé, des souvenirs violents de désocialisation qui se conjuguent à une vie extérieure autorisée.

Certains connaissent les joies de vie familiale reconstruite grâce à des naissances intra muros , annonciatrices d’ouverture hors murs.

Nombreux gardent un lien de part les visiteurs bénévoles, ou encore les rares fermiers des terres mitoyennes ayant acceptés leur présence, leur existence.

Les 14 derniers résidents sont intimement attachés à ce village qu’ils ont érigé et aucun ne se résous à abandonner ces terres à l’avenir incertain du fait de restrictions budgétaires et de la disparition de ces malades frappés de la vengeance divine. »

Un devoir de mémoire, hymne à la dignité de ces personnes qui, silencieuses, demeurent des martyres contemporains.

 

http://www.gillesmercier.fr/ma-part-intacte/

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