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Fabrice Lépissier –Un village oublié

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Printemps 1956, un village vietnamien prend vie dans le Lot et Garonne. L’arrivée de 1200 français d’Indochine (dont 740 enfants) à Sainte-Livrade-sur-Lot, a transformé le camp militaire du village en « Petit Vietnam ».

« CARI : centre d’accueil des rapatriés d’Indochine »

La pancarte a été accrochée à l’entrée du camp quelques semaines avant leur arrivée. Pour loger « provisoirement » ces familles, les baraquements militaires ont été divisés en « appartements » de 2 à 4 pièces. C’est la seule transformation qui ait été apportée à ces bâtiments vétustes pour y loger les familles indochinoises, dont les nombreux enfants étaient souvent très jeunes. Une table, un buffet, des lits de camp équipés de matelas de paille, un petit poêle à charbon qui sert aussi bien pour chauffer que pour cuisiner. Et un couvert par personne.

Un confort pour le moins spartiate, surtout lorsqu’on apprend que la plupart des femmes rapatriées étaient issues de familles aisées en Indochine, vivant dans de grandes et belles maisons entretenues par des domestiques…

« On nous a placé là, dans un camp ! Comme si nous étions des gens à surveiller. « Centre » c’est juste un nom moderne pour désigner un camp! » Claude était enfant lorsqu’il est arrivé au centre d’accueil de Ste-Livrade. Aujourd’hui il est un peu amer. Il a le sentiment que les français rapatriés d’Indochine après la chute de Dien Bien Phu, ont tout simplement été oubliés là. Cette amertume est un sentiment partagé par bien des habitants du « petit Vietnam sur Lot ». Car le centre existe toujours. Ce qui devait être du provisoire a duré.

Le Cari est devenu « Cafi » : Centre d’accueil des Français d’Indochine. La vie s’est organisée. Les enfants sont allés à l’école du centre jusqu’à sa fermeture dans les années 70. Une pagode et une église ont été aménagées pour le culte. Femmes et enfants ont répondu au besoin de main d’œuvre de leurs voisins agriculteurs, travaillant d’arrache-pied pour un maigre salaire… Après la désillusion de l’arrivée, les familles se sont installées, le camp s’est empli des rires et des jeux des enfants, dans les allées embaumant la cuisine vietnamienne…

Les baraquements n’ont pas bougé. Ils ont pris des couleurs, ont été améliorés par les familles qui y ont investi leurs économies. En bricolant de petites avancées couvertes de tôles, des cuisines et des bouts de salle de bain sont venus améliorer le mode de vie de ceux qui sont restés au Cafi. Les jeunes mamans arrivées en 56, sont aujourd’hui les mamies du Cafi. Mais elles n’y sont pas seules. Certains des enfants qui avaient grandi là y vivent encore aujourd’hui. Ceux qui sont restés pour s’occuper de leurs parents qui vieillissaient, ceux qui ont rencontré des difficultés à s’insérer ailleurs et les nostalgiques, qui sont revenus au Cafi à l’heure de la retraite.

Et le Cafi ne s’arrête pas là, chaque année, des centaines de personnes arrivent de toute la France pour la fête du Têt, jour de l’an Vietnamien, et pour la traditionnelle fête du 15 août. Nombreux aussi sont ceux qui y ont gardé une « résidence secondaire » (Souvent, le logement dans lequel ils ont grandi) pour venir y passer des vacances. Mais aujourd’hui, le Cafi, c’est fini.

La Mairie de Sainte-Livrade, propriétaire du terrain et du bâti depuis les années 80, transforme le camp du Moulin du Lot en lotissements HLM. En 2010 les premières maisons neuves ont poussé au milieu des baraquements. Tous les habitants vont y être relogés d’ici 2 ans. Les premiers déménagements ont eu lieu en février 2011. Les barres de logements ainsi vidées sont promises à la destruction dans les semaines suivantes. A leur place une deuxième série de maisons sera construite…. jusqu’à la disparition des 36 barres du camp militaire qui durant plus de 50 ans, ont abrité la communauté Cafi.

Marie-Lise Cans

Fabrice Lépissier, photographe
06.12.29.38.16
[email protected]
Marie-Lise Cans, journaliste
Collectif Presse-ID
06 67 49 79 53
[email protected]

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