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Elena Perlino, Pipeline :

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L’Office des Nations unies contre la drogue et le crime a classé le Nigeria dans la liste des huit pays ayant le taux le plus élevé de traite des êtres humains dans le monde. Depuis de nombreuses années, la photographe documentaire Elena Perlino travaille sur ce sujet vital, se concentrant principalement sur ses connexions avec l’Italie, pays où se développe une vaste industrie du sexe, basée sur la traite de femmes africaines. Le travail d’Elena Perlino tente de montrer la complexité et les contradictions de l’expérience de ces femmes, documentant leur vie quotidienne à Turin, à Gênes, à Rome, à Naples et à Palerme. En collectant les histoires des prostituées de Benin City (dans l’État d’Edo, au Nigeria), ville natale de près de 80 % des femmes victimes de la traite, ce reportage témoigne des multiples raisons de leur migration — qu’elle soit forcée ou volontaire. Elena Perlino nous livre un compte-rendu brutal et touchant de la vie que mènent ces femmes.

Ancienne victime de la traite, Isoke Aikpitanyi est devenue la principale référence pour les femmes nigérianes en Italie. Elle a publié deux livres sur le sujet : Le ragazze di Benin City (avec L. Maragnani, 2007) et 500 storie vere (2011).
Voici un extrait de Le ragazze di Benin City :

Une semaine après mon arrivée, Judith a dit : « Tu ne peux pas rester là sans argent et sans travail. Il faut payer pour manger et pour dormir. Tu dois travailler. Et pour ceux qui n’ont pas de papiers, il n’y a qu’un seul travail. »

« […] C’est ainsi que cela fonctionne en Europe. Si tu ne fais pas la difficile tu te feras de l’argent ; et puis tu feras comme toutes les autres ont fait. »
Alors je lui ai demandé : « Mais, comment ont fait les autres ? » Ce fut une des rares phrases que j’ai prononcées ce soir-là.

Il y a des filles qui finissent sur le trottoir le soir même de leur arrivée.
Et si elles osent dire non, alors elles sont battues, violées et massacrées.
Cela n’a pas été mon cas.
Et je ne sais, au final, si ce n’était pas le pire. Moi, on m’a laissée des jours et des jours pourrir dans l’incertitude. Parfois, lorsque les filles arrivent, elles sont encore vierges.
Vous ne le savez pas, mais beaucoup de filles ont été battues à mort, poignardées, étranglées, parfois écrasées par une voiture, pour certaines on leur a injecté du poison.
Tessie a survécu de justesse. Ils lui ont fait boire de l’acide chlorhydrique pour que les autres filles comprennent ce qui arrive à celles qui disent non.

[…] La traite n’est pas seulement un problème de sexe, de putes et de clients.
La traite est avant tout une affaire colossale. Un business.
C’est un esclavage qui rapporte un tas d’argent, et cet argent est partagé entre les Blancs et les Noirs, d’un commun accord. Notre peau à nous les filles ne fait pas faire fortune seulement aux personnes comme la maman que j’ai vue dans le journal, assise sur un canapé à Benin City, entourée de hautes piles d’argent. Il y a aussi les Blancs comme il faut, ceux qui ne frappent pas leurs enfants ni leur femme, ceux qui peut-être le dimanche vont à l’église, ceux qui ont un beau chien, de bons voisins, une réputation sans l’ombre d’une tache.

Ce reportage sera projeté à Perpignan le 4 septembre, lors du festival Visa pour l’Image 2014.

LIVRES
Pipeline, La traite humaine en Italie
Photographies d’Elena Perlino
André Frère Editions
Sortie: 11 septembre 2014
192 pages
17 x 21 cm
couverture rigide
76 images
Français
29,50 €
ISBN: 979-10-92265-16-3

Le ragazze di Benin City
Laura Maragnani, Isoke Aikpitanyi
Melampo Editore
Milano 2012
ISBN 978-0-7486-3316-6

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