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Edges of the Rainbow : les communautés LGBTQ dans le Japon moderne

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Edges of the Rainbow : LGBTQ Japan, livre publié par The New Press, est un aperçu photographique intime d’un fascinant monde dans les coulisses de la société japonaise moderne. Au travers de plus de 150 photographies en couleur et en noir et blanc, le photographe Michel Delsol et le journaliste Haruku Shinozaki ont créé un regard inoubliable sur une communauté à la fois fière et en marge. Michel Delsol a répondu aux questions de L’Œil de la Photographie.

Comment avez-vous commencé à photographier la communauté LGBTQ au Japon ?

Ce livre est une commission de la Fondation Arcus qui, avec les consultants en design Emerson Wajdowicz Studios (EWS) de New York, produit une série de livres publiés par The New Press sur les communautés LGBTQ dans différents pays, de Saint-Pétersbourg en Russie, au Mexique et Australie à la Gay Pride de New York City. Je suis spécialisé dans le portrait et je suis toujours particulièrement heureux lorsque le sujet central est la liberté d’expression de soi dans une culture ou un cadre juridique restrictif.

Comment votre travail a-t-il été perçu au Japon ?

Au début, et parce que le projet vient des États-Unis, il a été perçu comme un pont important et nécessaire entre les cultures, quelque chose de bénéfique pour tous. Une fois au Japon, nous avons été très souvent invités. Pendant la production, leur engagement et leur confiance dans le projet se sont approfondies, en dépit du fait (ou à cause de cela ?), qu’une décharge devait être signée avant le premier clic, et qu’ils n’avaient pas le droit de voir les photographies.

Une fois que le livre a été édité, nous avons reçu l’approbation de Gon Matsunaka qui a produit le projet Out in Japan. Plus important encore, les personnes photographiées sont très satisfaites du livre et le partagent aujourd’hui activement sur les réseaux sociaux.

La plupart de vos sujets vivent dans des grandes villes, Tokyo, Kyoto, Osaka… quelle est la situation des LGBTQ dans les zones plus rurales du Japon ?

Keiki est un homme transsexuel d’un village d’environ 30 familles, il a grandi dans un contexte difficile en raison de l’isolement et de la pensée conservatrice de sa communauté. Vers la fin de son adolescence, le café Internet le plus proche était à 45 mn de voiture. Les informations sur qui il était et ses sentiments n’étaient pas facilement accessibles. Il a eu la chance d’avoir le soutien de sa mère lorsqu’il a fait son coming-out. Il a ensuite déménagé à Tokyo au début de la vingtaine et, après quelques années, il a suivi une hormonothérapie et a eu une opération de réaffectation sexuelle.

Apotheke, un groupe électro composé d’hommes uniquement (l’un de ses hits est la chanson SuperGays) qui habite une propriété bohème dans un village de moins de 600 habitants. Ils se sont rencontrés à Berlin, où ils sont allés sans se connaître pour poursuivre leur musique. Une fois retournés au Japon, ils ont décidé de vivre dans ce village d’agriculteurs et ont mis un point d’honneur à interagir avec les habitants en participant à la récolte locale de thé (le village est pauvre, et la plupart des jeunes sont partis en l’absences de travail). Ils achètent la plupart de leurs produits dans l’unique magasin et créent une fois par an un spectacle drag queen pour les villages environnants. Ils ont un grand drapeau arc-en-ciel attaché à côté de l’entrée de leur porte. Lors de notre première visite, un voisin est venu nous dire bonjour à leur maison, offrant du thé et des biscuits comme geste de bienvenue.

Ai Haruna est une femme transsexuelle, une idole populaire et une militante des droits civiques. Sa vie privée est connue de la plupart des Japonais. Elle nous a invités à un campement de casernes en bois pour les victimes et les survivants déplacés par la catastrophe de Fukushima, lors d’une de ses visites régulières là-bas. Elle leur propose des divertissements avec des chansons et des spectacles qui nourrissent cette communauté de pêcheurs et de femmes en majorité vieillissants. Elle est très appréciée de tous.

Vous photographiez vos sujets à la chambre en noir et blanc au début de chaque chapitre, puis en couleurs, dans un style plus journalistique. Comment articulez-vous ces deux approches et la dynamique qu’elle crée ?

Je voulais avoir deux mondes photographiques différents avec chaque sujet. J’ai fait un portrait avec une caméra de visualisation et Polaroid type 665 négatif, que j’ai stocké pour des occasions spéciales. Cette séance photo pouvait prendre plus de 30 minutes. Je voulais cette intensité lente particulière de la relation entre sujet et photographe, dans le cadre du processus d’échange. Le reste du temps, j’ai travaillé avec un Canon, et en fonction de la situation, je photographie parfois très rapidement. Ces deux approches ont créé des rythmes alternés qui étaient importants pour moi et je pense aussi pour les sujets que nous avons suivis parfois plusieurs jours de suite.

Le Japon a une grande culture photographique. Avez-vous été inspirés par des photographes japonais pour ce projet ?

Hier, j’aurais dis Daido Moriyama. Aujourd’hui je dirais Keizo Kitajima, toujours Eiko Hosoe des débuts, Nakahira Takuma, Shomei Tomatsu, et demain  probablement Moriyama.

Propos recueillis par Myrtille Beauvert

Myrtille Beauvert est consultante en photographie. Elle vit et travaille à New York, aux Etats-Unis.

 

Edges of the Rainbow: LGBTQ Japan
Publié par The New Press
21,95 $

http://thenewpress.com/

Une conversation et une signature de livre sont organisées à Fondation Aperture à New York le mercredi 14 juin 2017 à 18h30.

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