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Dernière interview de Lewis Baltz avec Jeff Rian

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C’est une formidable interview que nous publions aujourd’hui. La dernière de Lewis Baltz, réalisée par son ami Jeff Rian. Baltz, personnage secret et réservé, s’y livre sans réserve. Merci Jeff Rian, merci Diane Dufour, qui nous avait suggéré lors de son exposition, cet été au BAL.
Au revoir, Lewis, vous êtes un Monsieur très étonnant.

Jean-Jacques Naudet


JEFF RIAN — Comment était le sud de la Californie quand vous étiez enfant ?

LEWIS BALTZ — C’était une Californie différente, avec six millions d’habitants au lieu de 40 millions ; provinciale à un point presque inimaginable pour ceux qui y vont aujourd’hui. Ce n’était pas une Californie cosmopolite. La plupart des gens étaient blancs ; la plupart venait du Midwest. Les Hispaniques venaient des provinces du nord du Mexique ; les Africains-Américains, comme ils sont appelés aujourd’hui, venaient du sud de l’Amérique. Los Angeles aujourd’hui comporte plus de 200 langues dans son système scolaire — les Noirs peuvent venir du Soudan, les Blancs peuvent venir de Russie. Les Hispaniques peuvent venir d’Amérique Centrale. Je pense que c’est la ville occidentale la plus cosmopolite. Une autre ville semblable est Toronto, où les gens semblent s’entendre. Los Angeles tend à avoir des règlements de compte en voiture.

Où viviez-vous ?

Dans un coin de Newport Beach, Corona del Mar, qui se trouve à à peu près 75 km au sud du LA Civic cCenter, au bord de l’eau. Elle était différente des autres petites villes dans le sens où elle avait un petit port naturel, très proche de LA ; c’est pour ça que les stars du cinéma qui aimaient les yachts vivaient là — Errol Flynn, John Wayne.

Aviez-vous une belle maison ?

Non, il n’y en avait pas. Enfin, il y en avait une : La Lovelle Beach House, construite dans les années 20 sur la Balboa section par Rudolf Schindler.

Vous m’avez dit une fois que lorsque vous aviez 12 ans, vous vouliez travailler au MoMA. Ce qui m’a frappé, c’est que vous connaissiez ce musée et vous vous y connaissiez en art.

Quand j’avais 11 ans, mes parents m’ont offert un appareil photo et j’ai commencé à prendre des photos. J’étais fasciné par la photographie. Puis, à 12 ans, j’ai eu un Rolleiflex. Je lisais le peu qu’il y avait à lire sur l’art. Il n’y avait pas de magazines d’art. Je ne les aurai pas vus de toute façon. Je crois qu’il y avait Art News, de New York, géré par Thomas Hess. Les magazines de photographie étaient comme Popular Mechanics, plus technique qu’esthétique. Mais, en lisant des magazines de photo, j’ai découvert The Americans, de Robert Frank, et Edward Weston — que je voulais être. Je pensais que Weston faisait tout ce qu’on pouvait faire de mieux en photographie. Mais la photographie n’était pas vraiment un art.

Comment avez-vous connu l’art – cela devait sembler très lointain ?

Oui, très, très lointain. Il n’y en avait pas beaucoup sur la côte Ouest. Los Angeles comme centre artistique, c’est très récent. Mais si on connaissait Weston, on pouvait savoir qu’il y avait une rétrospective au MoMA. Il y avait si peu de choses écrites à propos de la photographie qu’il était facile d’apprendre de telles choses.

Développiez-vous vos photos vous-même ?

Oui, et c’était difficile.

Je croyais que vous travailliez dans un magasin de photo ?

Oui. Je travaillais au magasin de William Current. Bien plus tard, il a été inclus dans la collection du MoMA. J’ai plus appris de lui que de quiconque. Mon père est mort quand j’avais 12 ans et je cherchais, je crois, un mentor.

Aviez-vous des frères et sœurs ?

Non.

Alors vous remplissiez votre propre espace.

J’essayais. Il y avait quelque chose de bizarre à propos de la manière dont vivaient les familles. Tout était conformiste. Tout le monde était républicain, du moins tout le monde dans le Orange County.

Avez-vous eu une voiture à 16 ans ?

Quinze ans et demi, parce qu’en Californie il y avait quelque chose appelé le permis d’apprentissage, qui vous permet de conduire tant que vous êtes accompagné d’un conducteur avec un permis californien.

Quelle a été votre première voiture ?

Une Porsche 1959 1600, que j’ai démolie quand j’avais 16 ans. La suivante a été également une Porsche, que j’ai démolie encore plus vite.

C’était comment le lycée ?

J’étais inscrit au lycée. Je n’étais pas très bon. Je m’ennuyais comme un rat mort. Un commentaire à propos de mois était : «  Si l’on considère le nombre de jours où Mr Baltz a été présent, il ne s’est pas si mal débrouillé. » J’étais absent, légalement ou illégalement, plus de la moitié du temps. Je voulais étudier l’art et rester chez moi pour lire.

Avez-vous appris beaucoup de choses sur l’art
?

Je lisais tous de livres Skira et Abrams bon marché avec les illustrations séparées. Les lundis soir, il y avait une soirée entrée libre dans le secteur des galeries à LA, alors j’ai commencé à voir des galeries. Je voulais être un artiste. La plupart des gens ne savent pas ce qu’ils veulent faire de leur vie, j’avais une idée absolument claire : je voulais travailler dans le milieu de la photographie ; je ne voulais pas être peintre ou sculpteur — ou travailler dans la pub, la mode ou faire des photos de guerre ou de documentaire. Je voulais également vivre dans un bel endroit et que des belles femmes viennent me rendre visite à toute heure de la journée ou de la nuit.

Preniez-vous de photos uniquement en noir et blanc, ou alors en couleur également ?

D’abord en couleur puis j’ai pris conscience du fait que toutes les photographies que j’admirais étaient en noir et blanc, parce que toutes les photographies artistiques étaient en noir et blanc, et il en a été ainsi jusqu’au milieu des années 70.

Quels photographes vous intéressaient ?

A 16 ou 17 ans, je voulais rencontrer des gens comme Weston, Wynn Bullock. Je les ai même appelés pour leur demander si je pouvais les rencontrer.

Avez-vous rencontré des artistes ?
 
Quelques années plus tard, quand j’avais 18 ans, j’ai rencontré le peintre John Mc Laughlin, qui avait 70 ans. Je l’ai rencontré grâce à William Current. Bill photographiait ses œuvres pour lui rendre service et ça ne lui plaisait pas trop. Les goûts de Bill n’étaient pas minimalistes ; il trouvait que McLaughlin n’utilisait pas toutes les possibilités de la peinture — la main, la couleur. Son idée de grande peinture serait probablement plutôt Matisse ou Kandinsky, ce contre quoi on ne peut rien dire. Bill possédait une peinture e McLaughlin, qui lui avait été donné pour avoir photographié le travail. Il avait la peinture dans la boutique de photo, qu’il avait conçue dans le style néo plastique — blanc, propre, rectangulaire, couleurs primaire — auquel personne ne répondait d’une manière ou d’une autre. Puis, quand Bill a quitté Laguna — il n’était pas un bon en affaires, bien qu’il ait eu un Guggenheim puis ait déménagé ensuite à Santé Fe —, avant de partir il m’a demandé si je voulais acheter la peinture. C’était un prix ridiculement bas. Mais il a insisté sur le prix, me demandant : « Tu veux l’acheter ou pas ? » Alors j’ai payé et je l’ai eue.

Lire l’intégralité de l’interview dans la version anglaise de L’Œil.

 

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