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«Confusions Photographiques ?» par Thierry Maindrault

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Chronique Mensuelle de Thierry

Avec ses centaines de milliards de photographies de tous les styles, de toutes les écoles et surtout de toutes les qualités qui apparaissent, en permanence sur la planète, la confusion photographique nous attend à chaque instant. En effet, de tous les outils de concrétisation artistique la photographie est celle qui offre le plus large éventail qualitatif lorsque ses réalisations aboutissent. En résumé, le sublime et le pire s’y côtoient. Mais quelque soit l’œuvre produite, sa finalité et sa finition ; elle passe obligatoirement par trois points incontournables. La création et sa matérialisation photographique exigent un sujet, un interprète et un créateur.

Je vous propose d’éliminer tout de suite l’interprète, son rôle qualitatif n’est pas négligeable dans l’interprétation de par sa gestion de la lumière et son stockage. Ce point de passage est obligé soit sous la forme d’une chambre noire au bitume de Judée ou du dernier bijou numérique à l’intelligence opportuniste. Cet intermédiaire physique, dont la parfaite maîtrise est indispensable pour les vrais créateurs, se doit d’assurer la réalisation technique des œuvres en toute neutralité.

Ensuite, il nous faut admettre que la possibilité de construire une Œuvre, toutes branches artistiques confondues, passe par un sujet dont les origines variées sont infinies et par un créateur dont les capacités inventives sont également illimitées. Seule l’association de ce duo incontournable peut créer une parfaite symbiose pour espérer une approche du Saint Graal photographique. Même en excluant tous les non-photographes qui produisent des images, il reste encore beaucoup trop de photographes – y compris ceux autoproclamés artistes- qui n’intègrent pas cette fission indispensable.

Le sujet, les sujets vont de l’infiniment petit comme la trace d’une particule élémentaire à l’immensément grand comme un univers sidéral. Les sujets peuvent couvrir la vie immatérielle de l’Olympe ou un galet-ponce sous un zénith solaire. Tous les sujets sont acceptables sans aucune censure et quelque soient leur taux de vitalité d’un battement d’aile de colibri à l’érosion séculaire d’une cheminée de fée. Peu importe les modes, les coutumes, les lois et autres affaiblissements intellectuels Sans sujet pas de réflexions ou d’absorptions de photons ce qui au passage délivrerait nombre de photographes et nous épargnerait les brûlages irrémédiables et les opacités définitivement bouchées. Alors que les lois actuelles de la physique nous soutiennent que rien est déjà beaucoup, la moindre feuille blanche est déjà un sujet pour le photographe. Certes ils sont indispensables nos sujets ; mais, en aucun cas un sujet ne saurait faire une œuvre (sauf à l’être intrinsèquement par lui-même comme pour une sculpture). Les hommes de Loi le précisent bien : une originalité est obligatoire pour reconnaître un statut d’œuvre et accorder des droits à son auteur. Ce qui est paradoxale, c’est que la reconnaissance de ladite « originalité » est confiée à l’appréciation du Juge. Je ne doute pas que de nombreux juges sont amateurs, voire férus, dans les domaines artistiques. Toutefois, pour ce qui est de la compétence à déterminer si l’angle de vue, la profondeur de champs, l’éclairage, etc. révèlent une authentique création, cela peut devenir plus aléatoire. La jurisprudence, dans son ensemble détermine quand même clairement que si le sujet devient essentiel, la notion d’œuvre disparaît au profit de celle de reproduction ou de copie. Ce n’est pas parce qu’un enfant est tristement affamé, qu’un virus cloître une belle voisine derrière sa fenêtre, qu’un tracteur rouille perché sur un poteau électrique ou qu’un rat traverse la Place Rouge qui vous êtes devenus le Michael Ange ou le Praxitèle de l’image photographique.

Le photographe, c’est l’auteur qui va utiliser les outils photographiques pour construire une image originale ou plus traduire une pensée s’il est créateur.

L’image originale va être la présentation, sous un jour inédit ou un aspect inhabituel, d’un sujet déterminé. Dans ce cas, l’auteur va mettre en œuvre son savoir-faire technique et sa maîtrise du sujet pour obtenir l’image qu’il avait construite dans sa tête et la faire partager par le plus grand nombre. Dès ce niveau d’approche, une relation affective s’installe déjà entre l’auteur et son sujet. C’est particulièrement vrai pour les grands reporters, pour les bons portraitistes, les photographes animaliers, les naturalistes et autres « street-viewers », etc.

L’œuvre créative pousse plus loin le lien indéfectible entre les délires cérébraux d’une pensée et sa fusion intime avec le sujet indispensable à la matérialisation d’un imaginaire. Comment utiliser un flux de lumière sur une construction matérielle pour concrétiser une idée aussi abstraite qu’immatérielle. Lorsque le créateur et le sujet s’interpénètrent, -dans une suprématie technique avérée-, l’œuvre devient unique et exceptionnelle. Ce qui au passage est absolument vrai pour tous les secteurs créatifs sans exception.

Dans toutes photographies la réalité est bien dans les rapports entre un sujet et un photographe à travers un outil qui fige de la lumière, cela est indéniable. Néanmoins, il ne faut pas confondre tous les résultats obtenus qui sont issus du mode relationnel entre l’opérateur et le sujet et qui sont tous respectables à un même niveau. Le technicien présentera le sujet le plus objectivement possible. L’auteur (et ses droits tirelire) offrira des images inattendues souvent rehaussées d’esthétique. Le créateur (et sa discrétion derrière son travail) alignera des œuvres supposées pérennes pour interpeller quelques contemporains et leurs générations futures.

La photographie est devenue un outil d’expression à la mode, pourquoi pas ! Mais ne confondons pas les genres et arrêtons de nous pâmer devant une image parce que le sujet est d’actualité pour faire pleurer dans les chaumières ou pour se tordre de rire dans un contexte stupide. Mieux encore, lorsqu’il ne s’agit pas d’éradiquer les fantasmes douloureux d’adolescents tardifs et introvertis. Ne confondons pas !

Thierry Maindrault

10 décembre 2021

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