Rechercher un article

Christopher Makos

Preview

A peine débarqué dans le New York électrique du début des années 70, Christopher Makos devient le protégé des artistes de la Warhol Factory et des musiciens survoltés qu’il rencontre au fil des concerts du Bowery, dont il fréquente tous les clubs underground. Ce sont les débuts du punk, de l’exubérance fait maison : jeans jusqu’au bout des doigts, sappes à deux sous signés Joe Fresh et épingles à nourrice en guise de broches. Tous ignorent l’appareil impudique de Makos et se rendent accessibles dans leur exaltante créativité. White Trash, l’ouvrage mythique de 1977, manifeste d’un style de vie libre et décompléxé, a été publié en juin dans une version augmentée, Uncut, chez Gillerati. Y sort égalment pour la rentrée une autre rétrospective du photographe, Everything: The Black and White Monograph. L’occasion d’échanger quelques souvenirs des seventies avec Chistopher Makos par Skype, à l’heure de la sieste. Sa “tournée européenne” incluait notamment un arreêt dans une bastide italienne du Lazio, où il se détendait chez une amie dans la djellaba blanche et dorée qu’elle venait de lui rapporter du Maroc.


Commencons par le commencement : comment vous êtes-vous retrouvé a la Warhol Factory ?
Christopher Makos :
Quand je suis arrivé a New York, j’écrivais de la poésie et j’ai rencontré l’acteur Anthony Perkins, qui m’a offert un appareil photo. Prendre des photos revenait très cher à l’époque, entre le film, le dévelopement et l’impression, donc il fallait que je les vende. L’éditeur du magazine Rolling Stone a publié mes toute premières images, puis j’ai fait une exposition en 1976, Step on the photographs. Bob Colacello, d’Interview Magazine, l’a trouvée intelligente et en a parlé à Andy Warhol. Je suis allé le voir à la Factory et j’ai commencé a travaillé avec lui sur plusieurs de ses livres. Je l’avais déja rencontré au Whitney Museum, par l’intermédiaire d’un ami écrivain. Tennessee Williams, etc., tout le monde gravitait autour de la Warhol Factory à cette époque, il y avait des gens qui allaient et venaient en permanence. New York est comme ca. C’est une collection de petits villages, de petites communautés qui ne se mélangent pas.

Alors à quoi ressemblait le village de Bowery ?
C. M. :
Tout le monde était là, amical et accessible. Tu tombais par hasard sur les gens dans le rue et c’était facile de dire à quelqu’un : « Vous etes superbe. J’adore votre tenue. » Tu vois cette photographie de la devanture du CBGB ? Elle n’a pas changé pendant des années, et maintenant c’est la boutique du designer John Varvatos, qui a conservé les posters originaux et le noir sur les murs.

Vous avez assisté à la majorité de ces concerts…
C. M. :
Pas seulement au CBGB. J’allais dans les petits lieux où des groupes comme New York Dolls ou Talking Heads jouaient, et je rencontrais les musiciens : Richard Hell, Tom Verlaine de Television, Divine. A force, je les connaissais tous et ils m’invitaient à leurs concerts, à leurs soirées. Je prenais des photos de ce qu’il s’y passait. Je n’ai quasiment jamais travaillé dans le cadre d’une commande. Je trouvais quelque chose d’intéressant à photographier, et je le publiais. 

Andrew Crispo écrit en introduction de White Trash: « By his imaginative probing and fierce recollections, Makos documents and – in an act of intense identification – becomes the culture he defines; an unruly mise-en-scene of punkish posturing and ambisexual allure. » Il parle de “process of social brutalization” (“processus de brutalisation sociale”). Je suis curieuse de vous entendre décrire cette période.
C. M. :
J’ai grandi dans le Massachusetts puis en Californe et j’ai déménagé à New York à 20 ans. C’est là que j’ai commencé à être vivant. Je passais mon temps avec Warhol et j’allais tout le temps en France. Un souvenir mémorable de France, c’est quand j’ai photographié Elizabeth Taylor en Normandie à l’occasion d’une des soirées que Malcom Forbes organisait chaque année pour son anniversaire. Elle était mal à l’aise et magnifique. Quand je l’ai rencontrée, j’ai réalisé qu’elle avait été une star de cinéma toute sa vie, et c’est vraiment quelque chose que j’ai aimé. Elle était tellement moderne, intelligent et new age. Elle s’est mariée trois fois et a divorcé à chaque fois. C’était vraiment une punk. Elle faisait vraiment ce qu’elle voulait.

C’est donc cela, l’esprit punk?
C. M. :
La simplicité était l’élément clé, et ça n’a pas changé. Regarde Richard Hell et Lou Reed. C’est t’aimer suffisamment pour te sentir libre de faire ce que tu veux, quoi que ce soit. Le punk, c’est vraiment croire d’une façon abstraite : tu ne sais pas faire, mais tu fais quand même. Peu importe si tu sais jouer de la guitare, tu joues. L’honnêteté, c’est le plus important. Qui veut être autour de quelqu’un de faux ? Ça n’a rien a voir avec le punk. Des caractères et personnages pareils, ça n’existe plus – peut-être Lady Gaga, mais elle est tellement absorbée par elle-même et obsédée par le consumérisme. A l’époque, les gens faisaient les choses parce qu’ils les aimaient, pas parce qu’ils pouvaient les vendre.

Musicalement, comment cela se traduisait ?
C. M. :
Tout ce qu’il se passait était une réaction. C’était avant la techno, le run rock et les groupes de Seattle. Debbie Harry, de Blondie, Talking Heads, David Byrne, Iggy Pop, tout cela c’est une réponse à la disco, la happy music. Les gens qui vivaient là à ce moment la voulait quelque chose de différent, qui ne soit pas produit en studio, qui soit un style de vie. L’avant-garde n’existe plus parce que tout va trop vite. Pour qu’il y ait avant-garde, il faut un début, une croissance et la reconnaissance, du coup l’avant-garde ne dépasse pas 20 minutes maintenant. A peine adopté, un mouvement se transforme en mode.

Et donc en termes de mode, quels étaient les must du punk?
C. M. :
Le credo du punk, c’est “Fais ton propre style”. Ce n’est pas du consumérisme au sens classique. Maintenant, les jeunes peuvent trouver des fringues quasiment jetables à peu près partout. Regarde le métro de la ligne L, depuis la 8e avenue jusqu’a Bedford : le niveau de cool est spectaculaire. Même dans une boîte de nuit tu n’as pas autant de gens si cools. Le niveau de divertissement est maximal. Il y a des blacks avec un boombox, tout ! Le nouvel underground, c’est la ligne L, et le meatpacking est devenu le repère des New-Jersiais. Les gens vont au restaurant maintenant. Ils mangent sain, bio, durable, tous ces mots.

Le livre s’inspire d’un style pas tres “bio”, à commencer par les pages argentées…
C. M. :
Je ne voulais pas les pages argentées. Je suis sur la route tout le temps donc j’ai dit : « Okay. » On choisit pour moi ! J’aurais préféré sans, mais elles sont là et en fait j’adore. Ça ajoute une couche supplémentaire. Le premier livre a été publié par Virgin Books. Je n’en ai jamais parlé comme d’un livre, c’était plutôt un ovni archéologique. Il y avait très peu de mots — seulement « We are the future: No future », des Sex Pistols —, mais il n’y avait pas de légendes, de commentaires. C’était une vraie description de la culture à ce moment précis : tu devais être assez cool pour savoir qui était cool. C’est pour cela que le livre est devenu culte. Il est devenu collector quand il n’y en avait plus à collectionner!

Vous écrivez : « What was the everyday is now barely recognizable except as an era gone by. » Qu’est ce qui vous manque ?
C. M. :
La West Side Highway ! Les gens venaient regarder le coucher de soleil et l’eau, c’était assez magnifique. Il y a aussi quelques restaurants, mais tout cela a disparu. Lesquels ? Je prends des photos parce que je n’ai pas de mémoire.

Alors quel souvenir voudriez-vous montrer ?
C. M. :
Le portrait de Man Ray. C’est celui que je préfère. Man Ray était vraiment un Dada, et comme photographe il croyait en une chose : faire de la photographie à sa maniere. Je l’aimais beaucoup, comme son travail. Et la photographie de la femme nue, à la Factory. C’est Marilyn Chambers, qui était la première actrice porno. Personne n’a jamais voulu publier ces images !
 

http://glitteratiincorporated.com/products/white-trash-uncut 
http://glitteratiincorporated.com/products/everything-black-and-white-monograph-by-christopher-makos 

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android