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Art Basel 2012

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Alors que l’Espagne tend la main à la troïka pour sauver ses banques et que l’Italie s’apprête à lui emboîter le pas, la crispation financière qui sévit sur le continent Européen semble loin des préoccupations du marché de l’art. Au moins en surface.
Bienvenue à Art Basel où tout le monde est beau et affiche le sourire. Pas question de laisser transparaître la moindre inquiétude. Seules quelques galeries, par le choix des œuvres exposées, trahissent une nécessité de vendre à tout prix, délaissant les affirmations artistiques ou déballages extravagants du passé.
Ici, la déconnection est totale. Comme si l’art pouvait sauver le monde. Après tout, quoi de plus jouissif que de placer des deniers dans l’œuvre d’un artiste confirmé plutôt que de les risquer en bourse ou en placement immobilier lourdement taxé. Un collectionneur peut toujours se consoler chez soi devant une acquisition récente alors que la planète brûle de mille feux.
Art Basel, considérée comme la cathédrale des foires internationale, offre une des plus belle vitrine à l’art contemporain. Une véritable marque déposée, Art Basel s’est exportée avec succès à Miami il y a quelques années. En 2013, les organisateurs visent Hong Kong.
Comme à chaque édition, (depuis 1976) la photographie a sa place sur les bancs de cette grande messe. Longtemps cantonnés dans une section à part, les spécialistes de la photographie coexistent depuis quelques temps avec les autres galeries d’art.
L’influence contemporaine se reflète dans le choix d’œuvres exposées et dans la présentation. A part chez quelques galeries plus traditionnelles, la tendance est aux œuvres murales et aux installations qui regroupent de multiples tirages.
On retrouve aussi ce mélange des genres : les peintures réalisées d’après une photographie, des photographies peintes ou rehaussées à l’encre. Avec certaines innovations, notamment chez l’iranienne Sissi Farassat (vu chez Edwynn Houk) dont le travail méticuleux de broderie introduit les sequins ou perles de cristal Swarovski sur ses tirages.
Dans cette foire la compétition est rude. Pour se démarquer il faut concrétiser le lien entre la photographie et l’art.
Chez Françoise Paviot, une série de tirages d’époque par André Kertesz nous plongent dans l’intimité du studio de Piet Mondrian. Aux côtés de l’iconique image de la pipe et des lunettes du peintre, on découvre des portraits inédits : Mondrian débouchant une bouteille de vin ou fixant l’objectif du maître hongrois, droit dans les yeux.
Hans P. Kraus Jr. propose une sélection de photographies du 19ème siècle représentant des exemples d’architecture du Second Empire, un contre-pied élégant aux multiples tirages de Robert Polidori ou Candida Hoffer qui foisonnent toujours dans les foires contemporaines. Un tirage sur papier salé attribué à Bisson Frères d’une façade d’hôtel particulier parisien attire le regard instantanément tant il semble animé. La richesse des tonalités est déroutante pour une œuvre datant de 1855. Une série d’épreuves albuminées par Durandelle révèle les coulisses de la construction de l’Opéra Garnier, un des plus grand chef d’œuvre de l’architecture française. La qualité des tirages transcende leur aspect purement décoratif.
Thomas Zander se démarque toujours, tant avec sa sélection éclectique de tirages de grands maîtres tels Walker Evans, Harry Callahan ou Lewis Baltz, qu’avec ses clins d’oeil aux préoccupations économiques et écologiques de notre époque. Dans Think about it (1976), Victor Burgin prédit le résultat désastreux d’une société qui vit au delà de ses moyens : « l’absence de classe se traduit par un manque de conscience ». Emmet Gowin, dans sa série Changing the Earth, Aerial photographs (1986-1996) documente les exactions humaines sur l’environnement vues du ciel, en particulier les sites de tests atomiques au Nevada. Le portrait d’un couple d’adolescents qui paraît déjà vieux avant l’âge semble aussi évoquant aujourd’hui qu’au moment ou Diane Arbus l’a saisi en 1963. Une œuvre co-réalisée par le regretté Larry Sultan et l’artiste Mike Mandel : Ooh la la (1982), met en scène un champignon atomique sur un panneau publicitaire. Grinçant, mais pertinent. Peu de stand affichait autant de cohérence visuelle et intellectuelle.
Fraenkel Gallery présente une belle sélection de tirages argentiques par Lee Freidlander, réalisés en 2011 à New York et Tucson. Ces prises de vues de vitrines de magasins renvoient aux icônes de Berenice Abbott, Eugène Atget ou Lisette Model, mais, avec son habileté visuelle qui réussi à faire cohabiter trois plans différents dans une même surface, Friedlander fait voyager l’œil à l’infini. La galerie propose également des tirages vintages plus anciens du photographe américain, comme celui issu de la série des télévisions : Portland Maine, 1963. Egalement sont présentés des tirages par Robert Adams, Diane Arbus, Richard Avedon (un sublime portrait de Robert Frank réalisé en 1975), une œuvre récente du génie d’Adam Fuss, Ralph Eugène Meatyard, Nicholas Nixon, Irving Penn, Hiroshi Sugimoto et un gigantesque tirage par Richard Misrach d’un homme flottant à la surface de l’eau.
Kicken Berlin offre la possibilité de se désaltérer visuellement devant une série de tirages ektacolors de piscines par Ed Ruscha (Pools, 1966-1967). D’autres œuvres se détachent parmi une multitude de tirages de photographes de renoms : Un étonnant agrandissement du Projet pour une tapisserie, 1925-1926 de Man Ray, réalisé en 1938, et une photographie des carrières de marbre en Italie par Alfred Seiland : Cervaiole #2, Monte Altissimo, de la série Imperium Romanum, 2010.
Sur le stand de Marian Goodman, des petites photographies que Tacita Dean à récupérées, peintes, et s’est approprié, cohabitent avec une œuvre murale par Jeff Wall (Boxing, 2011) et des grands tirages de Thomas Struth : un paysage marin en Corée et un portrait de la Reine d’Angleterre – jubilé oblige. D’autres œuvres par Struth sont visibles au salon, notamment Paradise 27, Rio Madre de Dios, Peru, 2005 à la galerie Rüdiger Schöttle.
François Sage présente un superbe tirage vintage de Magnolia Blossom, Tower of Jewels par Imogen Cunningham (1925).
Adam Fuss (dont les œuvres sont également présentées par Cheim & Read et Fraenkel Gallery) signe la création la plus énigmatique et élégante du salon (chez Xavier Hufkens). Un gigantesque paon blanc nous tourne le dos, dévoilant une parure dont la luminosité est aussi aveuglante qu’apaisante. Sa tête, de profil, révèle une délicate couronne. Son unique œil noir semble nous prévenir de ne pas s’approcher d’avantage. Cet oiseau mystique, issu de l’imagination de l’artiste, semble vulnérable et tout-puissant à la fois.
Le nombre d’œuvres par Cindy Sherman à Art Basel n’étonne guère. Son one-woman show qui vient de se terminer au MoMA et sa côte en font une valeur sur. Pourtant, une création récente, qui mesure plus d’un mètre cinquante sur trois mètres (Untitled 2012/2012), semble moins inspirée qu’une œuvre plus modeste et ancienne présentée chez Metro Pictures.
Un autre artiste dont les photographies s’exposent sur plusieurs stands est Wolfgang Tillmans. Ses clichés de lingots d’or (Gold, 2002, chez Andrea Rosen) font autant sourire par temps de crise que son gargantuesque Astro Crusto, 2012 présenté par Regen Projects. Au milieu d’un opulent repas de crustacés trône une grosse mouche noire. Comme l’œuvre d’Irving Penn, dont elle est incontestablement inspirée, cette nature morte suggère la décomposition des éléments et nous renvoi à notre mortalité. Basée à Los Angeles, cette galerie propose également une œuvre surdimensionné de Marilyn Minter : Peeping Toe, 2012. L’artiste brouille encore plus les pistes entre la peinture et la photographie que d’habitude. Sans lire le titre, on a du mal à reconnaitre les doigts de pieds, dont les ongles sont peints en rouge, qui surgissent, tel des intrus, d’une paire d’escarpins.
En plus des tirages de Brassaï, Harry Callahan, Manuel Alvarez Bravo ou Edward Weston (pour ne citer qu’eux), Edwynn Houk propose un choix pertinent d’œuvres d’artistes dont l’acte photographique n’est qu’une étape dans le processus créatif. Pour réaliser Tetrarch, 9:53AM, 2nd July, 2011 Christopher Bucklow crée une silhouette en perçant des trous sur une grande feuille d’aluminium. Puis, il superpose son dessin sur un papier photo-sensible et l’expose à la lumière du soleil. L’image est ensuite révélée dans une solution teintée. L’œuvre finale est unique. Aux côtés des œuvres de Valérie Belin, Sissi Farassat ou Vik Muniz, considérés comme des artistes plus que des photographes, on découvre les créations de Sébastien Bremer. Les lignes et points à l’encre blanche qu’il appose à la surface des tirages argentiques donne un relief qui n’est visible qu’à l’œil nu (et non sur écran). L’artiste nous fait comprendre que la photographie n’est pas qu’une question d’image, mais qu’elle peut aussi être un objet.

Infos utiles :

ART BASEL 43
Jusqu’au 17 juin 2012
Horaires : 10h30 – 19h30
Messe Schweiz
CH-4005 BASEL
T. + 41 58 200 20 20
F. + 41 58 206 26 86
[email protected]

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