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Willy Rizzo:–par Daniel Filipacchi

Il y a deux ans à l’occasion de ses expositions Daniel Filipacchi nous avait reçu pour parler de Willy Rizzo, voici l’entretien que nous avions publié le 6 décembre 2010.

Dans un entretien audio exclusif, Daniel Filipacchi nous fait partager ses souvenirs de Willy Rizzo et de Paris Match.

America ! America ! Sa vraie vie commence comme dans un film. Mais cet italien d’origine est un gamin de Paris qui débarque à New York en Strato-cruiser, avec quelques dollars en poche, l’adresse d’une agence photo, et un appétit de vivre inextinguible. On lui a offert un jouet quand il avait douze ans, un petit appareil photo à soufflet. Le jouet est devenu tout de suite un outil, ses copains de classes sont ses premiers modèles. L’élève Rizzo ne porte qu’un intérêt distrait à ses études. La photo est déjà son domaine. Quand il annonce à sa mère qu’il en fera son métier, elle se désespère, ce n’est pas un métier honorable, est-ce même un métier ? Mama mia ! Heureusement qu’elle ne voit pas son unique rejeton s’installer dans une roulotte made in Usa! Celle de Nick de Morgoli qui a installé son campement réglementaire dans un wagon sur roues : il travaille pour le cirque Barnum.

Très vite, le jeune Willy prend la route de l’ouest et de la prospérité américaine. A Paris, il avait déjà travaillé dans le milieu du cinéma, rencontré ses premières vedettes, mais le cinéma, c’est Hollywood. Tout se passe à Los Angeles. Il se faufile la jungle des studios avec cet art de ne pas se faire remarquer mais d’être toujours là au bon moment. Pour son premier grand film, il vit des semaines dans le désert avec Richard Widmark et Gregory Peck qui tournent « Nevada. La ville abandonnée ». Passe des heures avec la touchante héroïne de service, Anne Baxter, lui donne les cours d’argot français qu’elle réclamait. Willy parle encore mal l’anglais, mais il sait se faire comprendre. L’écolier de la rue Rodier n’a jamais séché les cours de langue verte. Anne gratte studieusement sur son petit cahier d’écolier : « pantalon= phalzar ou bénard », « bijoux= joncaille » « monnaie= fric, flouze, artiche », si bien qu’en quelques semaines elle lirait du Audiard dans le texte. Pendant que Gregory Peck flingue les méchants menés par Richard Widmark, Willy arme son Rolleiflex. Il est chez lui, définitivement. Il invente la vie dans son viseur. A Paris, il avait pris le temps de s’initier à la couleur qui est une révolution. Il a une longueur d’avance.

Mais c’est à New York que sa vie bascule. Dans un hôtel convenable dont les prix sont compatibles avec les premières notes de frais d’après-guerre : le Stanhope. Dans le hall, il croise deux poids lourds de la presse française. Hervé Mille qui dirigea, avant 1940, le célèbre Paris-Soir de Jean Prouvost, avec Lazareff. Max Corre le colosse qui a fait la guerre dans la division Leclerc et mets le feu dans la presse périodique d’après 1946. Ils se retrouvent au dîner. Avec Hervé, tout commence en effet par « on déjeune ensemble, on en parle… » Et tout fini 51 rue Pierre Charron, dans le modeste quatre pièces où la petite équipe de Paris-Match prépare le lancement du magazine, dès octobre 1948. Hervé connaissait les photos de Willy, parues notamment dans Images du Monde. Avec cette onction de prélat romain qui suscite la confession et l’obéissance, Hervé a persuadé le jeune homme que tout se passe désormais à Paris. Première couverture de Paris-Match, le 25 mars 1949, son Churchill ne fait qu’un quart de page. Son premier et dernier petit format ! Désormais, place au portrait qui raconte une histoire. Willy fera 210 couvertures. En deux ans, le magazine est devenu une institution. C’est la Une qui lance aux Usa la petite danseuse inconnue Leslie Caron. C’est encore la Une de mai 1952 qui annonce sous le portrait de Brigitte Bardot « Cette jeune fille sera célèbre cette année ».
Les photos de Willy font le tour du monde. Lui aussi parce que, comme tous les photographes de Paris- Match, il couvre tous les sujets. Y compris le Viet-Nam. Rien de ce qui est humain ne lui échappe. Rien ne lui échappe, la preuve, Willy est le seul à avoir donné un ordre à Pie XII ! En italien, certes, mais quand même ! Explication : après des mois de négociations le souverain pontife accepte de le recevoir dans son jardin privé. Willy opère, clic ! Non, l’obturateur reste coincé. Alors Willy demande très calmement, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde : « Très Saint-Père, pouvez-vous reculer et revenir devant moi ? » La blanche silhouette repasse, le dôme de Saint-Pierre en toile de fond. Le poids des mots, chez celui qui veut La photo…

La vie rêvée d’un photographe. Jamais il ne pourra se passer de travailler. Dans la galerie qu’il vient d’ouvrir pour exposer le mobilier qu’il dessine aussi, depuis les années 60, il a installé son studio. C’est à Paris que tout se passe avait dit Hervé Mille…

Cette semaine, au salon de la photo, c’est tout simplement notre histoire depuis 60 ans que Willy Rizzo raconte. Chacune des cent images ouvre la porte d’un univers qui nous a été familier. Dans un ordre dicté uniquement par l’esthétique. Par le plaisir. Il suffit de se faufiler, pour entrer dans cet extraordinaire Who’s who où mêmes les inconnus deviennent célèbres.
François D’Elven

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