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Washington: Annie Leibovitz –Pilgrimage

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Le temps de se consacrer à ce nouveau projet personnel, Annie Leibovitz a abandonné les commandes de portraits émanant des grands magazines qui l’ont rendue célèbre. Produit en l’espace de deux ans, Pilgrimage sonne comme une renaissance.

On avait commencé à imaginer qu’Annie Leibovitz conserverait ce regard plein de doutes, celui, un peu noir, des jours sans soleil. On l’avait laissée dans les pages à scandales de la presse people qu’elle remplissait d’habitude de son imaginaire pop presque sans égal. Il y a deux ans, la photographe américaine dû faire face à une multitude de dettes – chiffrable en millions de dollars – qui faillirent lui coûter les droits de son œuvre complète. Une provocation qui n’était pour une fois pas la sienne.

Passée l’épreuve, nous retrouvons aujourd’hui son talent dans une exposition personnelle au Smithsonian American Art Museum de Washington. Un nouveau projet de photographies variées débuté sur la route des Chutes de Niagara durant laquelle sa carte de crédit, en plein tourment financier, fut rejetée à son hôtel. Une autre désillusion qui ne l’empêcha pas d’emmener ses enfants admirer les cataractes ni d’immortaliser l’eau turquoise plongeant sur les rochers, pour une photographie aujourd’hui dévoilée dans Pilgrimage. Ce fut la marque de l’audace. Un penchant que Leibovitz ne semble pas avoir totalement rangé au placard.

Annie Leibovitz revient donc avec une série de soixante-quatre photographies prises entre avril 2009 et mai 2011. Elles évoquent aussi bien le président Lincoln que l’artiste peintre Georgia O’Keefe, la pionnière anglaise de la photographie Julia Margaret Cameron ou le parc national de Yellowstone dans le Wyoming. Un pèlerinage sur les traces de son héritage culturel, à travers les Etats-Unis et un peu l’Angleterre, qui n’affiche pourtant aucun visage. Annie Leibovitz s’est intéressée à ces personnages historiques en utilisant divers moyens pour éveiller leur présence; des natures mortes, des paysages, des pièces, des objets, des détails surtout.
En poursuivant sa route sur le pas de la maison de la poétesse Emily Dickinson, elle a suivi une piste aventureuse qui l’a conduite au Nouveau-Mexique, à Gettysburg, lieu d’une célèbre bataille de la Guerre de Sécession, et jusqu’à Londres, dans le salon du psychanalyste Sigmund Freud. La trace de Daniel Chester French, qui a sculpté la statue de Lincoln pour le mémorial du président assassiné à Washington, l’a aussi amenée dans l’Illinois, où se trouve le musée éponyme. Annie Leibovitz a choisi l’histoire et ses symboles pour se ressourcer.

De fil en aiguille, une personne en a amenée une autre et avec elles sont nées les photographies. Les flots de la rivière Ouse rappellent le suicide par noyade de l’écrivaine anglaise Virginia Woolf et une Harley-Davidson ressuscite Elvis Presley dans sa demeure de Graceland. « Ces photographies peuvent surprendre même ceux qui connaissent très bien l’œuvre de Leibovitz, a expliqué le conservateur Andy Grundberg à la presse. Elles sont plus intimes, personnelles et reflètent sa personnalité plus que son travail largement publié, combinant le pouvoir de l’émotion et ses récents portraits de famille en noir et blanc avec la conscience de son propre héritage culturel. Dans un sens, toutes photographies sont un indice de mortalité, mais les images de Pilgrimage rendent cette analogie explicite. »
Comme beaucoup, lorsque Leibovitz ne travaille pas pour la presse ou sur une campagne publicitaire, elle s’évade à travers ses projets personnels. Une façon de s’accorder une deuxième liberté. Pour autant, Pilgrimage, par son caractère intime et la précision au cadrage serré de ses images, déroge à son style. « Ce n’est pas moi », a-t-elle également déclaré à la presse. Des mots qui semblent trahir un désir de protection, de sa personne ou de son travail de portraits, qu’elle affirme « vouloir nourrir en lui apportant une nouvelle énergie ». Pour une fois, Annie Leibovitz a pris le temps. Elle a surtout regagné son droit à l’image.

Jonas Cuénin

Pilgrimag d’Annie Leibovitz
Smithsonian American Art Museum
Eighth and F streets NW
Washington, DC
202-633-1000

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