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Thomas Vanden Driessche: Kalaheera

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Kalaheera – Diamant noir
Jharia – Inde – 2009-2012

Depuis mon enfance, j’ai entendu dire que les esquimaux avaient des dizaines de noms différents pour décrire les subtiles nuances de blanc. En arrivant à Jharia, je n’ai pu m’empêcher de me poser la même question à propos des habitants de la plus grande région minière de l’Inde. Serait-il possible que ces gens aient développé un vocabulaire particulier rendant compte de toutes les nuances du noir? Une chose est certaine : cette couleur a de la valeur à leurs yeux. Dans cette région, on utilise le mot hindi Kalaheera qui signifie ‘diamant noir’ pour désigner le charbon.


Près de 400 000 personnes vivent à Jharia, une localité proche de Dhanbad, la capitale de l’Etat du Jharkhand. Le sol aux apparences lunaire ne donne plus naissance à la végétation depuis bien longtemps et ne le fera pas de si tôt. Mais le danger pour les populations locales ne vient pas de la poussière noire baignant en permanence leur environnement. Non, le mal est plus profond et se développe sous leurs pieds au coeur des veines de charbon. Une mauvaise gestion des exploitations minières a conduit au développement de feux souterrains incontrôlables. Depuis plus d’un siècle, des millions de tonnes de charbon se sont autoconsumées. C’est l’équivalent d’un volcan qui grandit sous Jharia. Des émanations de gaz toxique se diffusent dans l’atmosphère, le sol s’affaisse, les maisons se fissurent. Parfois des flammes jaillissent sur le bord des routes.


L’imminence d’une catastrophe humanitaire est bien réelle. Le gouvernement Indien en est conscient mais ne semble pas vouloir dégager les fonds suffisants pour délocaliser les populations menacées. Car à Jharia, on n’est pas prêt à partir à n’importe quel prix. La majorité de la population vit du charbon. L’environnement est hostile mais les mineurs ont la garantie d’un emploi et parfois d’un logement. Les mieux lotis travaillent pour des compagnies minières privées, la grande majorité d’entre eux descendent dans les puits et les carrières du gouvernement, quant aux moins chanceux, ils collectent le charbon à mains nues dans des mines illégales exploitées par la mafia locale.


À Jharia, on est prêt à mourir au fond d’un trou pour faire vivre sa famille, mais pas à se faire abattre comme un chien par la mafia. Alors parfois quand les meurtres se succèdent, la colère de la population éclate dans les rues et, étrangement, les slogans et les injures ne cibelent pas les criminels mais la police et les autorités locales, accusées d’avoir abandonné la ville à son triste sort.

Thomas Vanden Driessche

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