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Sophie Elbaz

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Ce qui affleure dans les photographies de Sophie Elbaz est ce temps immédiat où la force invisible sous-tend la présence, l’être, pour un instant précis qui n’est jamais le même, ni jamais tout à fait un autre. Une surface humaine cachée ; le corps est sans figure, l’humeur, l’espoir, l’aspiration, si elles sont discernables, n’appartiennent qu’à celui qui regarde. Un voile, toujours : l’humain se tient derrière, ou il tente de le percer, de s’en séparer. Parfois, il est inerte – heureux peut-être, de la danse de ce voile qui l’oblitère, satisfait de contempler sa texture, sa liberté, son mystère. Ou son propre enfermement. Que cela vive ! Ce  » cela  » qui est devant l’être dépassé par le passage du temps, la tempête de la vie ou la simple mouvance de l’air.

La perte est là. Elle est omniprésente. Elle se raconte dans l’innocence avec laquelle une vie s’entame par le biais de ces images de jeunes mariées ou célébrantes qui s’effacent derrière un voile. De plus en plus. Ce qui disparait n’est pas seulement l’innocence, pas seulement la joie. Une illusion s’éloigne. La perte s’exprime aussi dans la tentative de déchirer le temps : cette lutte entre l’existant qui sait l’absence et l’existant qui aspire à renaître, à s’en éloigner. Un visage, des membres surgissent d’une matière noire, d’une gangue sans volume, inapte à retenir une force. Une énergie. Elle se dit enfin dans cette magistrale vision de la vie qui se tient là, derrière le voile noir de l’inéluctable. Il semble qu’elle a le pouvoir, cette vie, de sculpter le voile, de lui donner ses propres contours, de le faire fenêtre, moucharabié. C’est là et cela m’appartient.

Le passé est imprévisible. La mort, celle de la chair ou celle des horloges, infiniment plus puissante que la vie, mais sa présence – la beauté de sa présence – dans ce qu’elle impose au temps de la vie, entre silence et lutte, entre effacement et énergie, est dans ces images.

Faisant écho à Géographies Intérieures questionnant ses racines, Fleur de peau est un deuxième pont que lance Sophie Elbaz sur le fleuve bouillonnant du temps qui brasse dans une même eau le maintenant et le toujours. Rien de morbide, tout est élégance et murmure.

Vie, enfin.

Texte de Marie-Laure de Cazotte, Prix des romancières 2015

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