Si nous vivons bel et bien dans un monde saturé d’images de toutes formes et surtout digitales, le photographe chinois Adou est de ceux qui n’a que faire de ce changement de paradigme pour déployer toute la splendeur de la photographie argentique. Consciente de ce phénomène touchant de nombreux photographes chinois, la M97 Gallery de Shanghai lui accorde sa toute première exposition personnelle et dévoile ses derniers travaux tirés de sa série Adou (2009-2011).
Adou (né en 1973 dans la province du Sichuan) est devant et derrière la caméra. Il se met littéralement à nu ou se cache derrière son objectif pour réaliser des portraits saisissants par leur ingénuité et leur profonde tristesse notamment avec sa série Samalada (2006), réalisée dans les montagnes dans sa province natale, qui est également exposé aux côtés des œuvres plus récentes.
Pour sa série Adou, l’artiste s’est rendu au Gansu, en Mongolie intérieure, au Qinghai et autres provinces reculées afin de réaliser de puissants argentiques où l’homme et la nature se rencontrent. Les textures des sols désertiques, les traces volontaires du révélateur laissant apparaître des méandres improbables dans le paysage, le caractère expressionniste des angles de vues donnent à ces images de désolation une dimension presque mystique.
A la lecture des textes écrits de sa main, on se rend compte des profonds sentiments d’affliction et de fatalité d’un artiste trop conscient de la condition humaine en général et de situation de la Chine actuelle. Pourtant Adou créé des images qui ne soulèvent pas de questions sociales ou politiques, selon ses dires elles semblent tout bonnement réifier l’inexplicable sens de la vie, il déclare même « je ne sais pas pourquoi je prends des photographies ».
Ses photographies aux lectures multiples laissent également entrevoir un aspect performatif où le corps nu de l’artiste se confronte directement avec l’environnement naturel. Cet attrait pour la performance et ce rapport au corps ont été des phénomènes prégnants depuis les années 1990 en Chine. Son corps délicat et maigre renvoie au paysage aride et austère. Toutefois sa gestuelle contradictoire nous trouble et semble à la frontière entre insouciance et souffrance. Il se transforme tantôt en enfant jouant au ballon ou faisant « cache-cache » dans la nature, tantôt en un espèce de Christ en souffrance tout au long de sa Passion.
Celui pour qui la photographie est une croyance plus qu’un art et la réalité un piège réussit à nous bouleverser à travers des photographies de paysages spontanées et aux qualités esthétiques remarquables.
Marine Cabos
Adou
12 janvier – 3 mars 2013
M97 Gallery | Contemporary photography
97 Moganshan Road, 2F
Shanghai, Chine 200060
(+8621) 6266 1597
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