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Seydou Keïta 1958-1959

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« La chambre noire fait partie intégrante de la photographie. Quand je prends des photos jusque tard dans la nuit, que je travaille dans la chambre noire jusqu’aux petites heures du matin, baignant les tirages dans la cuve, les sortant pour découvrir les premières images qui prennent forme, c’est comme donner naissance à un enfant. »
– Seydou Keïta

Seydou Keïta, un innovateur qui a fait école 

Quand un sujet pose pour un portrait, il cherche généralement à donner la meilleure image de lui-même. Traditionnellement, cela signifie qu’il revêt ses plus beaux habits, qu’il se pare d’accessoires choisis et qu’il adopte une pose flatteuse dans un décor qui le met en valeur. Seydou Keïta (Malien, 1921-2001) a appris ces conventions en travaillant auprès d’un photographe français de Bamako dénommé Pierre Garnier, mais, quand il ouvre son studio en 1948, il va innover en créant des types de portraits plus adaptés aux désirs de ses clients maliens. En particulier, il utilise des accessoires et des décors qui lui sont propres, il invente de nouvelles poses et, surtout, il introduit des vêtements et des fonds ornés de riches motifs. […]

Ses méthodes attirent une clientèle nouvelle et, surtout, elles vont profondément influencer les photographes du Mali et du reste de l’Afrique, et même certains artistes européens et américains. Replacer Keïta dans ce contexte plus vaste permet de mieux comprendre l’importance de son talent et la place qu’il occupe dans l’histoire de la photographie. […]

Les accessoires permettent notamment aux clients de montrer qu’ils sont au fait des dernières tendances de la mode, d’étaler une richesse qu’ils n’ont pas toujours et, parfois, de prétendre être ce qu’ils ne sont pas. Traditionnellement, les automobiles et les motos figuraient parmi les symboles d’ascension sociale les plus recherchés, et elles trouvent souvent place dans les portraits réalisés par Keïta. Certains clients venaient avec leur automobile ou leur mobylette, mais, en règle générale, c’est le photographe qui prêtait sa Vespa. […]

La musique est un autre accessoire important. Bien que les photographies soient silencieuses, Keïta représente le son en incluant dans ses compositions des haut-parleurs ou des postes de radio. Le couple de 1950 se penche sur une radio qu’il semble écouter attentivement. Sur une autre image sans titre, la femme semble enthousiasmée par la musique qui émane de son poste. Parce qu’elle diffuse aussi des informations, la radio montre que l’on est au courant de l’actualité, et pas seulement des dernières tendances musicales. […]

La pose adoptée par le modèle est un autre paramètre critique. Ainsi, Keïta adapte ou remet au goût du jour la pose de l’odalisque, popularisée par la vogue de l’orientalisme au XIXe siècle, généralement sous la forme d’une femme à peine vêtue, allongée dans un harem ou un boudoir orné de riches motifs décoratifs. À l’époque, les artistes européens ont essentiellement abordé les pays d’Afrique du Nord et du Proche-Orient sous l’angle d’un islam exotique. Compte tenu de la présence ancienne de l’islam au Mali, où cette religion est arrivée dès le IXe siècle (aujourd’hui, près de 90 pour cent de la population est musulmane), les colons français envoyaient en Europe des cartes postales de femmes – des « indigènes exotiques » – posant en odalisques. Keïta, qui connaissait très certainement ces images, adopte la pose avec cette différence importante que la décision est le fait de ses clientes. Ce pouvait être pour elles un moyen de courtiser un prétendant ou de montrer leur capacité à aguicher les hommes. […]

La grande innovation de Keïta a été d’utiliser des fonds en tissu, généralement en batik, c’est-à-dire imprimés selon une technique à la cire vieille de plusieurs siècles, originaire d’Indonésie. Introduites en Afrique occidentale dans des circonstances mal connues, ces étoffes plaisaient par leurs couleurs vives et leurs motifs complexes. À la fin des années 1800, un créateur belge se lance même dans la production en série de batiks, donnant ainsi naissance à une véritable industrie. […]

Pour Keïta, il était important de placer le sujet devant un fond. Selon lui, « on ne peut placer les clients devant un mur blanc ; ce n’est pas respectueux ».[…]

– Dan Leers (texte issu du catalogue d’exposition)

EXPOSITION
Seydou Keïta
Du 31 mars au 11 juillet 2016
Grand Palais
75008 Paris
France
http://grandpalais.fr
http://www.seydoukeitaphotographer.com

LIVRE

Seydou Keïta
Editions de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais, Paris 2016
22×24 cm, 224 pages
248 illustrations
35 €

Téléchargez l’application de l’exposition :
https://www.mobileaction.co

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