« Le visage à peine tourné, le regard vraiment important, l’emplacement, la position des mains… J’étais capable d’embellir quelqu’un.
À la fin, la photo était très belle. C’est pour ça que je dis que c’est de l’Art. »
– Seydou Keïta
L’immortalité en un déclic
[…]
La plupart des images prises par Keïta dans son magasin de photos et dans son studio de Bamako entre 1948 – date où il ouvre ses locaux – et 1962 – date où il les ferme définitivement – sont restées pratiquement inconnues en dehors du petit cercle que constituent le photographe, ses sujets et leurs amis ou les membres de leur famille. Il fallut attendre que l’on en tire des agrandissements, à partir de 1993, pour que le monde de l’art découvre qui était Keïta, de quoi il a été le témoin et dans quelles circonstances il a travaillé. En l’occurrence, la plupart des images qui ont fait sa célébrité ont été prises en studio. Celles de couples qui fréquentent le monde émergeant des boîtes de nuit de Bamako (monde auquel Malick Sidibé, le cadet, confrère artistique et, plus tard, ami de Keïta, consacrera tant de temps et d’attention) sont beaucoup moins connues (bien qu’elles figurent dans la monographie que Scalo consacra à l’artiste en 1997, c’est-à-dire du vivant du photographe) et généralement exclues du canon de son oeuvre.
Pour le cas où certaines personnes voudraient déprécier les agrandissements tardifs réalisés à partir des négatifs de Keïta et n’y voir que des produits destinés au marché de l’art, il est bon de rappeler qu’à l’époque où ces images ont été prises, Keïta n’avait pas les moyens de tirer de plus grands formats (en quittant le Mali, les Français avaient rapatrié presque tout le matériel photographique qu’ils avaient apporté) et que la demande n’aurait jamais permis de rentabiliser le coût d’éditions limitées. De fait, le marché de la photo tel que nous le connaissons ne se développera qu’une dizaine d’années au minimum après la fermeture du studio de Keïta. Avant cela, il n’y avait pas de débouchés pour des photographies d’Afrique prises par des Africains, et les Européens comme les Américains ne se souciaient guère de savoir s’il existait une « photographie africaine ». De son côté, Keïta ne connaissait son oeuvre que par les tirages contacts qu’il réalisait à partir de ses négatifs. Autrement dit, la « découverte » de Keïta par des tiers a permis à Keïta lui-même de découvrir son oeuvre sous un jour nouveau et se découvrir lui-même en tant qu’artiste.
« Vous ne pouvez pas imaginer ce que j’ai ressenti la première fois que j’ai vu des tirages de mes négatifs en grand format, impeccables, propres, parfaits. J’ai compris alors que mon travail était vraiment, vraiment bon. Les personnes sur les photos paraissaient tellement vivantes. C’était presque comme si elles se tenaient debout devant moi en chair et en os. »
[…]
– Robert Storr (extrait du texte issu du catalogue d’exposition)
Seydou Keïta
Du 31 mars au 11 juillet 2016
Grand Palais
75008 Paris
France
http://grandpalais.fr
http://www.seydoukeitaphotographer.com
LIVRE
Seydou Keïta
Editions de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais, Paris 2016
22×24 cm, 224 pages
248 illustrations
35 €
Téléchargez l’application de l’exposition :
https://www.mobileaction.co