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Sébastien Lifshitz, Amateur

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Nous sommes tous familiers du concept du cliché anonyme. Ces images perdues dans la rue, oubliées dans une poche ou un taxi, on les trouve en abondance chez les antiquaires et les brocanteurs ou aux puces, partout où l’on peut se procurer les objets qu’un être humain chérissait autrefois. Le cinéaste français Sébastien Lifshitz a recherché et collectionné ces clichés anonymes et amateurs. Il nous les livre aujourd’hui, rassemblés dans Amateur, un coffret de quatre recueils de photographies.

Intitulés Superfreak, Under the sand, Someone was here, et Flou, ils s’articulent autour de quatre thèmes. Cette vaste collection chinée dans les marchés, les vide-greniers et les galeries du monde entier est organisée avec un savoir-faire exceptionnel.

Dédié à l’étrange dans tous les sens du terme, Superfreak recèle des photographies fantomatiques, dont certaines sont même abimées. On y trouve, par exemple, des enfants déguisés pour Halloween et en particulier des clichés énigmatiques et presque indéchiffrables – une femme avec un masque à gaz en train de lire un livre, des personnes handicapées, une femme pendue, des angles bizarres, des ombres, des silhouettes démoniaques. Après l’éventail presque déstabilisant du tome précédent, Under the sand fait montre d’une esthétique diamétralement opposée : constitué de clichés de gens sur la plage, dans des bateaux, agrippés à des rochers ou perdus dans les vagues de l’océan, il dégage une grande sérénité.

Avec Someone was here, le parti pris est là encore fondamentalement différent. Les images y sont dépourvues d’êtres humains, tout en étant marquées des cicatrices laissées par leur impact. Des routes désertes ponctuées de voitures vides, des rues dont le seul signe de vie tient à des néons, des gratte-ciel, des ponts et des tunnels, une table mise pour le repas puis abandonnée, tout démontre l’effet à long terme que nous avons sur le monde autour de nous. Le dernier livre, Flou, met en avant des clichés dans lesquels le sujet n’est qu’une tâche estompée sur la page. Incarnant parfaitement son titre, avec les mauvaises mises au point et les sujets qui se tiennent trop près de l’objectif, ce recueil-ci regorge de sujets humains. En alternant le vivant et l’inerte, en soulignant la guerre entre ces deux contraires et les blessures qu’ils s’infligent l’un l’autre, l’artiste est parvenu à un chaos parfaitement organisé.

Il a fait le choix téméraire de ne pas accompagner ses livres d’un seul texte, ce qui permet aux photographies de se dessiner et de parler d’elles-mêmes. Tour à tour sujet principal ou déclencheur externe, la présence humaine se fait pleinement sentir d’un bout à l’autre de la série. C’est l’expérience de l’humain, racontée par les gens pour les gens, qui forme le fil conducteur de la collection rassemblée par Sébastien Lifshitz. Ces photographies trouvées ne sont pas professionnelles. Elles ont été prises parce que la personne derrière le viseur voyait de la valeur dans la personne ou l’objet cadré. Désordonnée, chaotique, étrangement belle et parfois nébuleuse, cette véritable ode à la vie en décrit toutes les singularités.

Baylee McKeel

Basée à New York, Baylee McKeel est une auteure spécialisée dans la photographie.

 

Sébastien Lifshitz, Amateur
Publié aux éditions Steidl
75 €
www.steidl.de

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