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Pupa Neumann, La Madeleine de Gide

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Le personnage de Madeleine Gide avait tout pour séduire Pupa Neumann. J’écris “le personnage”, car la vraie Madeleine Gide n’est présente, ici, que par ce qu’elle représente : la pureté poussée à son extrême, associée à de la tristesse ou peut-être un sens aigu du sacrifice.

La vraie Madeleine était la cousine d’André Gide et n’a jamais consommé son mariage avec lui. Il l’aimait d’un amour bien trop pur pour la toucher, réservant cela aux garçons. Si lui dissociait l’amour en pur et impur, qu’en était-il de cette femme qui est restée mariée avec lui, l’a accompagné, l’a protégé, l’a aimé ? Détruisant ainsi sa beauté pour se consacrer aux autres et aux tâches domestiques ? Renonçant à la vie en quelque sorte.

La Madeleine de Pupa Neumann est toujours très belle. Elle incarne, par son teint pur et ses poses la fragilité et la grâce. Elle est tantôt sexuée, tantôt pas, illustrant ainsi son combat intérieur. On découvre une jeune femme résignée, au teint d’opale, les cheveux lisses, sur d’autres clichés, une effrontée, très sexuelle, en pâmoison, ou tenant un médaillon – religieux ? – entre les dents. Ses bras sont des cygnes, ses cheveux, un indice de son état. Parfois elle crache. Et parfois, elle redevient une petite fille qui joue avec de drôles de hochets. Elle joue, mais elle est figée. Madeleine est une poupée mécanique qui assume son destin. Ses cheveux ne sont plus naturels, et la photographe lui a ajouté des rubans qui ont perdu la légèreté des rubans qui volent au vent quand les petites filles courent. Ceux-là sont lourds, immobiles, et révèlent le poids et l’absence de mouvement.

Finalement, les photos où Madeleine est la plus vivante sont les plus inquiétantes aussi. Pupa Neumann donne à voir une Madeleine sexuelle, peut-être en secret dans ses fantasmes. Une Madeleine en soutien gorge avec un serre-tête de petite princesse, qui est aussi une petite fille qui découvre un jouet lapin.

La force de cette série de photos, c’est de nous interroger sur les femmes en général, qui sont bien entendu libres d’être des maîtresses, des femmes qui aiment le sexe ou qui en rêvent, ou des femmes dégoutées, amusées, étonnées et même très sages. Des femmes-enfants, des petites filles très éveillées ou perverses, de drôles de poupées. La Madeleine de Pupa Neumann nous donne certainement un goût de nos propres démons ou en tout cas nous oblige à nous demander quelles sont les femmes qui sommeillent en nous.

Nathalie Fiszman

Nathalie Fiszman est écrivaine et éditrice aux éditions du Seuil, à Paris, France.

 

Pupa Neumann, La Madeleine de Gide
Jusqu’au 10 janvier 2017
Artcurial
61 avenue Montaigne
75008 Paris
France

https://www.artcurial.com/fr/

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